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Moyen Orient et Monde - Canada

Attentat de Québec : acte isolé ou reflet d’une islamophobie latente ?

Lundi soir, plus d’un millier de personnes ont bravé le froid polaire à Montréal en solidarité avec la communauté musulmane. Dario Ayala/Reuters

Après le choc, l'heure est à la réflexion au Canada. L'attentat qui a fait six morts, dimanche soir, dans une mosquée de Québec a terni l'image d'ouverture du pays. S'agit-il d'un acte isolé ou du résultat d'un racisme latent de la société ? Deux jours après le drame, la question divise toujours la population.

Pour Stéphane Leman-Langlois, chercheur et professeur en criminologie à l'Université Laval où était inscrit l'auteur de l'attaque, Alexandre Bissonnette, comme étudiant en sciences politiques, la montée de l'extrême droite au Canada, et plus particulièrement au Québec, est de plus en plus « palpable ». « L'extrême droite est devenue extrêmement active ces dernières années, dit-il dans une entrevue avec L'Orient-Le Jour. Selon ce professeur titulaire de la Chaire de recherche du Canada en surveillance et construction sociale du risque, le discours « raciste est devenu particulièrement intense depuis le débat sur la Charte des valeurs », en 2014. Ce projet, qui a finalement été avorté, devait interdire le port des signes religieux dans la fonction publique. « Il existe malheureusement une islamophobie au quotidien qui s'est banalisée, explique-t-il. Et certaines personnes répètent ces discours haineux sans s'en rendre compte sur les réseaux sociaux, dans les salons et même dans les médias. »

Le spécialiste du terrorisme rappelle que le Québec a déjà connu plusieurs incidents hostiles contre la communauté musulmane ces derniers mois. Le Centre culturel islamique, visé par l'attentat de dimanche, avait en juin été la cible d'un geste islamophobe quand une tête de porc avait été déposée à l'entrée. Plusieurs tracts à caractère raciste ont aussi été distribués quelques semaines plus tard, mentionnant la tête de porc et qualifiant la mosquée – la plus ancienne de la province – d'être un « foyer de radicalisme ».
« Il ne faut pas tomber dans l'alarmisme, relativise toutefois M. Leman-Langlois, rappelant qu'il s'agit d'une « minorité raciste » et que le taux de criminalité au Québec est l'un des plus bas au monde. « Ce genre d'attaques reste quand même rare au Canada, tient-il à assurer. Nous ne devrions pas voir un tel acte se reproduire avant 10 ou 20 ans, mais on ne peut jamais vraiment prévoir évidemment. »

 

(Lire aussi : La communauté musulmane effondrée après la fusillade à Québec)

 

Sur Twitter, le Collectif québécois contre l'islamophobie affirme cependant avoir interpellé depuis des années les autorités « sur les menaces et les attaques que subissent les mosquées au Québec ». De l'autre côté du spectre, plusieurs organisations de droite connues pour leurs propos anti-immigration ont rapidement réagi sur les réseaux sociaux pour dénoncer l'attaque. « Nous souhaitons (...) affirmer qu'il n'y a que des personnes profondément dérangées pour commettre un tel acte », a indiqué la Fédération des Québécois de souche sur sa page Facebook. L'auteur de l'attentat était connu auprès des militants proréfugiés à Québec en raison des propos racistes pro-Trump et antiféministes qu'il affichait sur leur groupe Facebook.

Examen de conscience
Lundi soir, plus d'un millier de personnes – dont plusieurs parents accompagnés de jeunes enfants – ont bravé le froid polaire à Montréal en solidarité avec la communauté musulmane. « Le temps est venu pour le Québec de faire une réflexion et un examen de conscience afin de rejeter le racisme sous toutes ses formes avec des actions concrètes et pas seulement de beaux slogans », a lancé l'une des organisatrices, Samira Laouni, à la foule.

Thomas et Annabelle, tous deux âgés de 23 ans, sont du même avis. Originaires de la ville de Québec, ils connaissent bien la région où l'attentat a eu lieu. « Ce n'est pas loin de notre ancienne école, donc ça nous a beaucoup touchés, affirme Thomas. C'est un choc, tu es dans le déni, tu ne comprends pas pourquoi c'est arrivé, c'est horrible. » « Mais maintenant que c'est arrivé, il faut agir, renchérit Annabelle. Il ne faut pas prétendre qu'il s'agit d'un incident isolé. Je pense qu'il faut faire attention et rester alerte par rapport à ce qui se passe. » « C'est peut-être une personne qui a agi de cette manière, poursuit-elle, mais il y a peut-être d'autres gens qui partagent sa pensée et c'est pour cela qu'il faut activement travailler pour enrayer ce phénomène. Il ne faut pas que ça se reproduise. »

 

(Portrait : Le tueur de la mosquée de Québec, un profil banal à l'idéologie d'extrême droite)

 

Enveloppé d'un drapeau fleurdelisé, Hugo Lamontagne, 40 ans, se tient immobile au milieu de la foule. Il porte une statuette représentant saint Joseph, le « saint patron des exilés », et un large portrait de saint frère André, le « seul saint du Québec ». Il est venu pour défendre les « valeurs d'ouverture, d'accueil et d'amour de la société québécoise ». « Le peuple québécois a toujours accepté tous les immigrants avec une grande ouverture, soutient ce conseiller en sécurité financière. Cette attaque ne reflète en aucun cas une montée raciste ou islamophobe au sein de notre société. »

Imène, jeune Québécoise voilée, pense elle aussi qu'il s'agit d'un cas isolé. « Depuis que je suis arrivée au Canada à l'âge de sept ans, je ne me suis jamais sentie en danger, affirme cette étudiante de 20 ans originaire d'Algérie. Je n'ai pas peur pour le Québec. Nous sommes unis pour un meilleur avenir et la preuve en est ce rassemblement immense regroupant des gens de différentes cultures et religions. C'est ça le Canada ».


 

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