Russie : un historien membre de l'ONG Memorial arrêté pour "pédophilie"

Un historien russe, spécialiste des répressions staliniennes et membre de l'ONG russe Memorial, a été arrêté pour "pédophilie", a indiqué mardi l'organisation, qui dénonce une affaire "fabriquée de toutes pièces".

Iouri Dmitriev, connu pour ses recherches sur les disparus de la Grande Terreur des années 1930, a été arrêté le 13 décembre à Petrozavodsk, dans le nord de la Russie, pour des accusations de "fabrication d'images pédophiles", a affirmé Sergueï Krivenko, l'un des responsables de Memorial.
"Il s'agit d'une affaire montée de toute pièce visant notre ONG", dans le collimateur des autorités russes pour son travail mémoriel et de défense des droits de l'Homme, a-t-il assuré. M. Dmitriev dirige l'antenne régionale de Memorial.

A 61 ans, l'historien est soupçonné d'"avoir exploité sa fille adoptive de 11 ans dans le but de fabriquer des images pornographiques", un crime passible de 15 ans de prison, a indiqué à l'AFP son avocat Viktor Anoufriev.
Selon l'avocat, son client a dû faire des photos dénudées de sa fille adoptive, handicapée, pour "suivre l'évolution de son retard de croissance" au fil des ans.

Iouri Dmitriev a dressé pendant près de 30 ans de travail la liste de 40.000 noms de personnes exécutées et déportées en Carélie lors de la terreur stalinienne. Il est également à l'origine de la découverte de l'un des plus grands charniers de la région à Sandarmokh, où ont été fusillées environ 9.000 personnes.

En 2003, il a établi les lieux de dernière sépulture de milliers de détenus ayant participé à la construction du canal de la mer Blanche entre 1931 et 1933. Trois ans plus tard, il a découvert les fosses communes comportant les corps des détenus du camp de travail des îles Solovki (Nord).

"L'affaire qui vient d'être +collée+ à Dmitriev a toutes les apparences d'une affaire fabriquée de toutes pièces, comme on savait si bien les faire à l'époque stalinienne", a réagi l'historien français Nicolas Werth, spécialiste de l'URSS, dans une tribune publiée sur son site par le quotidien Libération.

Une centaine de personnalités russes, dont des écrivains, des intellectuels, des militants et des artistes, ont signé une lettre ouverte exigeant la libération immédiate de l'historien.