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Campus - Art dramatique

À l’USJ, de futurs médecins se forment au théâtre

Plus que des moments de détente, l'atelier de théâtre dirigé par la dramaturge et metteuse en scène Betty Taoutel présente plus d'un avantage pour les médecins en devenir.

Pour Betty Taoutel, le théâtre est l’art idéal pour humaniser le métier de médecin. « Les étudiants ne sont pas là uniquement pour s’amuser. Au bout de quelques années, ils développent quelque chose dans leur personnalité qui va leur permettre de se distinguer en tant que médecin. L’art rend humain. Il développe cette sensibilité. Et le théâtre repose sur le corps et l’âme de l’acteur, sur l’être humain. »

Rue de Damas, campus des sciences médicales et infirmières. Des étudiants se pressent pour rentrer en cours, d'autres se regroupent dans les halls d'entrée, faisant petit à petit monter le brouhaha de cette matinée de lundi. Arrive dans la foulée une femme qui ne semble pas appartenir à ce milieu. Actrice, metteuse en scène et dramaturge, Betty Taoutel y passe pourtant quinze heures par semaine : elle anime un cours de théâtre et de communication destiné aux étudiants en médecine.

« Le professeur Roland Tomb, doyen de la faculté de médecine, réalise la nécessité d'une bonne communication en médecine. Et le théâtre est, par excellence, un métier basé sur la communication, puisqu'il développe, entre autres, la confiance en soi, la diction, l'élocution ou l'aisance à parler en public », souligne Betty Taoutel.

De plus, pour cette professionnelle de l'art dramatique, la médecine est une mission, tout comme le théâtre qui s'intéresse surtout à l'être humain. « Les médecins s'intéressent au corps humain mais, pour réussir, il faut qu'ils s'intéressent à la personne en face d'eux. » En fait, ce que Betty Taoutel tente de faire à travers son cours, c'est surtout de mettre l'accent sur l'aspect humain dans le rapport entre le médecin et le patient. « Il y a des médecins qui travaillent et qui ont une plus grande renommée que les autres. Ce n'est pas uniquement grâce à leurs compétences.

Dans la majorité des cas, c'est dû à la bonne communication et aux liens établis avec les patients », assure la dramaturge qui demande à ses étudiants de rester sincères car « pour réussir, il faut qu'ils soient eux-mêmes, tel tout bon acteur ». « Cela fait toute la différence ! Le patient n'est pas un numéro, ce n'est pas un client », insiste-t-elle, dans le couloir menant à sa classe, avec un brin d'émotion. Chose invraisemblable à première vue, le cours théâtre et communication – offert aux étudiants en médecine de la première à la troisième année comme matière optionnelle fermée – s'intègre ainsi parfaitement dans le cursus, voire il complète la formation. « Le théâtre développe chez les futurs médecins le sens de l'observation, la bonne écoute, le fait de pouvoir inverser les rôles et se mettre à la place du malade pour comprendre son vécu », explique Betty
Taoutel.

Des jeux de rôles pour comprendre l'autre
En outre, la dramaturge libanaise sensibilise ses étudiants, dès le début du cours, aux points communs entre théâtre et médecine. « J'insiste énormément sur leurs similitudes. Tous les deux sont des métiers qu'on ne peut exercer qu'avec passion. Par ailleurs, les médecins ont besoin des malades, nous des spectateurs. Et, dans les deux cas, on n'est pas derrière des bureaux. On est en permanence avec cet autre être humain », rappelle-t-elle, enthousiaste.

Parmi les similitudes également, Taoutel évoque les situations conflictuelles qu'il faut résoudre, que ce soit celles vécues par les patients ou dans le domaine théâtral.
De même, chacun des deux métiers a son lexique, médical pour l'un et théâtral pour l'autre. « Pour réussir, il faut trouver un vocabulaire intermédiaire, un terrain d'entente avec le malade qui a parfois honte de dire qu'il n'a pas compris. C'est un effort que nous faisons aussi au théâtre », avoue Taoutel, avant d'entrer en classe où un groupe d'une dizaine d'étudiants l'attend. Ils sont déjà installés sur des chaises disposées en U. La salle, vidée ainsi au milieu, favorise les interactions et le déroulement des exercices.

Afin de cibler les étudiants, cette enseignante a conçu son cours d'une manière à l'adapter au domaine de la médecine. Elle l'a développé à partir d'expériences personnelles et a veillé à donner des exemples à l'appui. « C'est un cours amusant mais aussi intéressant. Il nous met dans des situations que l'on va rencontrer plus tard et nous aide à les imaginer », affirme Joseph, un étudiant qui a endossé le rôle d'un médecin dans l'une des improvisations de cette matinée.

Dans une ambiance décontractée, Betty Taoutel présente à ses étudiants le premier exercice de jeu de rôles, une improvisation dans une scène conflictuelle. Un étudiant qui s'est porté volontaire sort de la classe, puis l'enseignante assigne à une étudiante le personnage d'une jeune femme qui doit annoncer sa grossesse au jeune homme quand il va revenir. « L'étudiant doit être toujours prêt à affronter toutes sortes de situations. J'explique l'importance d'avoir de la répartie, de savoir affronter les situations conflictuelles », note-t-elle. Les deux étudiants rentrent progressivement dans leur rôle et, la consigne étant simple et les possibilités multiples, ils s'aventurent dans la création de leurs personnages, des situations, argumentations et interactions. « Je leur apprends qu'être acteur ce n'est pas faire semblant. Un acteur qui joue bien dit la vérité, insiste Taoutel. Le personnage est fictif mais la personne qui le joue y met ses émotions, ses larmes, sa voix, sa sueur, sa gestuelle. Tout ça c'est du vrai ! »
À la fin de l'exercice, lors de la correction, cette dernière sollicite les étudiants spectateurs et leur demande s'ils ont été convaincus par la scène. « Le théâtre développe le sens critique des étudiants, quand ils regardent leurs camarades jouer », note-t-elle.

Si, au départ, les étudiants ont du mal à s'exprimer, à faire sortir leurs émotions, à trouver les mots, au bout d'un moment, cette enseignante les voit plus à l'aise, plus sûrs d'eux, grâce aux différentes sortes d'exercices. « Ce cours est un moyen de se défouler pour nous et, comme je suis quelqu'un de timide, il m'aide à avoir confiance en moi », confie Denise, étudiante du niveau 1. Les exercices sont ainsi basés sur des improvisations, puis sur la communication directe pour le premier niveau du cours. Pour le deuxième niveau, ils s'appuient sur l'écriture de scénario, la création d'un personnage et la présentation de l'idée. Par ailleurs, le niveau 3, lui, sera ouvert au printemps. Il est destiné aux étudiants en médecine qui souhaitent compléter leur formation théâtrale.

 

Rue de Damas, campus des sciences médicales et infirmières. Des étudiants se pressent pour rentrer en cours, d'autres se regroupent dans les halls d'entrée, faisant petit à petit monter le brouhaha de cette matinée de lundi. Arrive dans la foulée une femme qui ne semble pas appartenir à ce milieu. Actrice, metteuse en scène et dramaturge, Betty Taoutel y passe pourtant quinze heures par...

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