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Moyen Orient et Monde - Décryptage

Fillon ou Juppé : quelles différences pour le Moyen-Orient ?

Leur programme en matière de politique étrangère, particulièrement dans la région, constitue l'une des principales lignes de fracture entre les deux candidats à la primaire de la droite et du centre en France.

Les deux finalistes de la primaire de la droite et du centre : à gauche, François Fillon, et à droite, Alain Juppé. Joel Saget/AFP

Ils se revendiquent tous les deux du gaullisme. Ils sont tous les deux d'anciens locataires de Matignon. Ils sont tous les deux adeptes d'une politique économique plus libérale, centrée sur le monde de l'entreprise, même s'ils divergent quant à ses degrés d'application.

Les deux finalistes de la primaire de la droite et du centre, François Fillon et Alain Juppé, appartiennent sans nul doute à la même famille politique, voire à la même école de pensée. Leur opposition ne met pas en scène un affrontement idéologique entre deux droites, mais un désaccord politique et stratégique quant au meilleur moyen de réformer la France. « Trop brutal », dit le maire de Bordeaux, qui se veut plus rassembleur, du programme de François Fillon. « Trop prudent », lui répond son adversaire, qui assume une posture à la fois plus libérale sur le plan économique et plus conservatrice sur le plan sociétal.

Mais s'il y a bien un domaine où leurs divergences sont encore plus visibles, au point de dessiner une vraie ligne de fractures, c'est celui de la politique étrangère. Une fois n'est pas coutume, les questions diplomatiques ne font plus du tout consensus au sein de la droite française. Deux écoles s'affrontent aujourd'hui, incarnées par les deux finalistes, même si, encore une fois, elles s'inspirent toutes deux du gaullisme en mettant en avant la nécessité de l'indépendance française.

La première, que défend François Fillon, est plutôt anti-impérialiste, westphalienne, poutinophile, et privilégie la stabilité, quitte à soutenir des pouvoirs autoritaires, voire répressifs, à la défense des valeurs occidentales. Elle fait renaître le vieux fantasme d'un axe stratégique Paris-Berlin-Moscou, qu'elle oppose à celui que forment Paris, Londres et Washington, au sein de l'Otan.
La seconde, représentée par Alain Juppé, est plus conforme à la ligne actuelle du Quai d'Orsay. Atlantiste, internationaliste, méfiante envers la Russie de Vladimir Poutine, elle considère que la politique étrangère doit, au-delà de la défense des intérêts, promouvoir des valeurs communes.

Deux idées de la place que doit occuper la France dans le monde. Deux visions diplomatiques marquées par des stratégies d'alliances contraires, voire contradictoires. Parce qu'elle semble constituer un tremplin pour l'Élysée, la finale entre les deux candidats est suivie de près par les grandes chancelleries. Et encore plus au Moyen-Orient, où le résultat de cette primaire pourrait largement impacter la politique française dans la région.

 

(Lire aussi : Fillon, un ami de Poutine dans la course à l’Élysée ?)

 

 

Rupture
Premier ministre au moment du déclenchement des printemps arabes et de l'intervention française en Libye, le député de Paris considère que la priorité est désormais de « vaincre le totalitarisme islamique », comme l'indique le titre de son dernier ouvrage entièrement consacré à cette question. Cela implique, en premier lieu, de repenser la politique française en Syrie, où la stratégie de Paris ne « fut ni claire ni efficace », selon les mots du candidat, extrait d'une tribune publiée le 25 novembre 2016 dans le journal Le Monde. S'il a, jusqu'à maintenant, refusé de se rendre à Damas ces dernières années, au contraire de certains de ses soutiens, il n'en reste pas moins que l'ancien Premier ministre adhère, sans sourciller, au récit du régime syrien pour qui tous les opposants sont des terroristes.

Pour M. Fillon, « il n'y a que deux camps en Syrie et non pas trois comme on le dit souvent. Le camp de ceux qui veulent mettre en place ce régime totalitaire – islamiste – et il y a les autres. Moi je choisis les autres ». « C'est la guerre », répondait-il lors du premier débat télévisé quand il était interrogé sur les bombardements du régime syrien et de son allié russe sur Alep-Est. Le nouveau favori des primaires est favorable à la réouverture d'un poste diplomatique à Damas, et considère qu'il faut laisser de côté, pour le moment, la question de l'avenir du régime syrien.

S'il fait également du combat contre l'État islamique sa priorité, M. Juppé ne veut pas « renoncer à l'exigence de justice et de paix pour le peuple syrien », selon les mots du candidat, extrait d'une autre tribune également publiée le 25 novembre 2016 dans le journal Le Monde. La victoire de l'ancien locataire du Quai d'Orsay serait plutôt synonyme de continuité en ce qui concerne la politique de la France au Moyen-Orient, dans une pure tradition chiraquienne.

Son adversaire prône, au contraire, une véritable rupture qui repose sur deux piliers. Celui de la protection des chrétiens d'Orient, qui renvoie à un rôle que la France s'était auto-attribuée à l'époque de François Ier et qu'elle a longtemps assumée depuis. En prenant ce credo, celui qui a obtenu plus de 44 % de voix au premier tour touche une partie de l'électorat de droite, attachée à la défense des valeurs chrétiennes.
Et celui, très populaire en ce moment tant à l'extrême gauche qu'à l'extrême droite, d'une alliance rapprochée avec la Russie. Celui qui se targue d'appeler M. Poutine par son prénom ne fait pas mystère des excellentes relations qu'il entretient avec le chef du Kremlin. Pour combattre le terrorisme islamique, il préconise de « s'allier avec Moscou », en faisant mine d'ignorer que seulement 10 % des frappes russes en Syrie ciblent les positions de l'EI, et avec tous ceux qui combattent l'organisation jihadiste, y compris l'Iran et le Hezbollah. Un rapprochement avec l'axe Moscou/Téhéran/Damas qui devrait se faire au détriment des monarchies du Golfe « dont l'influence sur notre territoire national peut poser question », estime-t-il.

« Ni poutinophile ni poutinophobe », M. Juppé appelle la Russie « à réfléchir à une solution politique durable en Syrie, plutôt que de vouloir imposer la fausse paix des cimetières ». La différence est très nette. Assez pour que Vladimir Poutine et Bachar el-Assad choisissent clairement leurs camps. Et se félicitent demain soir, probablement, d'une nouvelle victoire diplomatique...

 

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Ils se revendiquent tous les deux du gaullisme. Ils sont tous les deux d'anciens locataires de Matignon. Ils sont tous les deux adeptes d'une politique économique plus libérale, centrée sur le monde de l'entreprise, même s'ils divergent quant à ses degrés d'application.
Les deux finalistes de la primaire de la droite et du centre, François Fillon et Alain Juppé, appartiennent sans nul...

commentaires (3)

C'est dommage qu'un homme si brillant adopte un tel gâchis pour sa politique au Moyen-Orient.

Raminagrobis

19 h 20, le 27 novembre 2016

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Commentaires (3)

  • C'est dommage qu'un homme si brillant adopte un tel gâchis pour sa politique au Moyen-Orient.

    Raminagrobis

    19 h 20, le 27 novembre 2016

  • C est avec amertune que je constate que la position de Mr Fillon s apparente a la real politik qu a la defense des valeurs. Sur cette base il se positionne en ennemi de ceux qui s opposent a Assad plutot que se positionner en pont pour une solution diplomatique Des lors la politique myope et provocatrice de Fillon en ces temps incertains au MO ne peut qu en assumer les consequences tant en France qu en Europe. Mais la France victime de terrorisme en a t elle les moyens?

    Jihad Mouracadeh

    23 h 30, le 26 novembre 2016

  • Je me méfie de vos pronostiques depuis que vous déclarez votre flamme à hyllarie Mr Samrani. Votre analyse une fois de plus fait du politiquement correct plus que du politiquement réel. La différence entre les 2 candidats dans le fond n'est que dans la politique étrangère, pour le reste ils sont ( presque ) d'accord sur tout . Je présenterai les choses de cette façon. Avec ces 2 candidats 100% français, bon cathos , l'un a compris que faire cette guerre stupide aux russes portaient plus atteinte à la France et allait dans les intérêts des " autres" , vous savez de qui on parle , et allait contre les chrétiens d'orient . L'autre est un pur produit de l'establishment, vieux cheval de retour , aigri et voulant continuer la politique de hollandouille et de hyllarie , voulant à tout prix amarrer la politique atlantiste de la France sur les ordres des usa , par extension sur celle de ceux qui leur souffle des solutions vieilles de 70 ans . En résumé Fillon sera un vrai président francais libre et gaulliste dans sa posture et sa stature , juppe ne sera que le relais d'une politique foireuse depuis des décennies et , bizarre que vous ne l'ayez pas remarqué. Le monde bouge Mr Samrani et les peuples jugent .

    FRIK-A-FRAK

    09 h 39, le 26 novembre 2016

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