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Moyen Orient et Monde - Reportage

Toujours déracinés, les yazidis d’Irak ont peur de perdre leur culture

Dans un camp de Charia, près de Dohouk en Irak, un déplacé yazidi montre une photographie d’un temple yazidi. Safin Hamed/AFP

« Ici, même nos traditions ont perdu leur saveur » : déracinés dans un camp après avoir fui le groupe État islamique (EI), Solaf Hossein et sa famille craignent de perdre leur culture yazidie même si les forces irakiennes progressent contre les jihadistes.
Un mois après le lancement d'une vaste offensive pour reprendre la ville de Mossoul, dernier bastion de l'EI dans le nord de l'Irak, les forces loyales à Bagdad ont reconquis du terrain et des localités comme Bachiqa, la ville où vivait Solaf avec de nombreux membres de sa famille. Mais il faudra encore beaucoup de temps avant que les dizaines de milliers de déplacés de la minorité yazidie puissent revenir dans leurs foyers. Alors, après plus de deux ans loin de chez elle, Solaf Hossein a peur que le temps et l'éloignement finissent par détruire une culture que ses ancêtres ont pourtant su préserver durant des milliers d'années, malgré les persécutions. Les yazidis sont une minorité kurdophone adepte d'une religion monothéiste préislamique, qui a intégré au fil du temps des éléments de l'islam et du christianisme. La tradition yazidie interdit de se marier hors de la communauté. Dépourvus de livre sacré et organisés en castes, ils prient en direction du soleil et vénèrent sept anges, dont le principal est Melek Taous, l'Ange-Paon...
Mais dans le camp de déplacés de Charia, « ce n'est pas comme avant. Tout nous manque, nos temples, nos événements », explique Mme Hossein, une femme déterminée de 35 ans aux longs cheveux roux attachés en queue de cheval. « Même nos costumes et nos traditions ont perdu leur saveur », poursuit-elle, assise avec sa famille sous une tente qui leur sert de maison comme à des milliers d'autres membres de leur communauté.Le temps où ils vivaient confortablement dans la vaste demeure construite par les ancêtres de son mari à Baachiqa semble appartenir à un passé révolu. Depuis que les forces kurdes, alliées à l'armée irakienne dans l'offensive sur Mossoul, ont repris Baachiqa, la famille n'a pu voir cette maison que sur des images filmées sur un téléphone par un combattant yazidi impliqué dans la bataille.

« Jamais plus comme avant »
Si la structure tient toujours, l'intérieur est ravagé et il faudra encore beaucoup de temps pour sortir les décombres et reconstruire. « Nous aimerions revenir chez nous, même seulement une heure », martèle Solaf Hossein.
Une réinstallation définitive semble hors de portée à court terme. Outre les longs efforts pour débarrasser les villes reconquises des nombreux explosifs laissés par l'EI, une reconquête complète de Mossoul prendra encore du temps et beaucoup de yazidis ne veulent pas se réinstaller avant que la menace de l'EI ait complètement disparu. La brutalité des exactions subies reste encore dans toutes les têtes. En mars 2015, l'Onu avait qualifié l'assaut de l'EI contre les yazidis en Irak de « tentative de génocide » et réclamé la saisie de la Cour pénale internationale (CPI). « L'EI a cherché à éradiquer les yazidis en les tuant, en les réduisant en esclavage, parfois sexuel, en les torturant », précisait l'organisation.
Selon un bilan dressé en août 2015 par le gouvernement du Kurdistan irakien, sur les 550 000 yazidis d'Irak, 400 000 ont été déplacés par les combats. Environ 1 500 sont morts et près de 4 000 sont en captivité. « L'EI a commis beaucoup de mauvaises choses contre la communauté yazidie et notamment contre les femmes. (...) Nous vivions dans la paix et je ne sais pas pourquoi ils nous ont visés », dit Solaf Hossein. Elle craint que les choses « ne soient jamais plus comme avant » mais elle ne s'avoue pas battue malgré tout. « Main dans la main, les yazidis continueront de reconstruire leur communauté et si Dieu nous aide, elle se reconstituera. »

Max DELANY et Safa MAJEED/AFP

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