Carla Hayden met fin au règne masculin et blanc à la Library of Congress

À 64 ans, Carla Hayden vient d'entrer dans l'histoire. Elle sera la première femme et la première Afro-Américaine à prendre la tête de la bibliothèque du Congrès, fondée en 1800 par John Adams, deuxième président des États-Unis, afin de constituer une collection d'ouvrages utiles aux parlementaires. C'est Thomas Jefferson, le troisième président, qui lui donnera sa véritable envergure. Considérée comme la plus riche du genre, elle possède plus de 162 millions de documents et objets. Pour prendre en charge ce trésor, Carla Hayden possède de nombreux (autres) atouts : elle est également la première personne à ce poste ayant reçu une formation de bibliothécaire, ses prédécesseurs étaient principalement des érudits. Elle a enregistré de belles performances dans une autre importante bibliothèque, l'Enoch Pratt Free Library, à Baltimore, et ses 22 branches qu'elle a gérées depuis 1993 et modernisées. Elle n'est donc pas étrangère à l'univers de ses immenses temples du savoir.
Carla Hayden est également une grande partisane de la libre information. En tant que présidente de l'American Library Association, elle s'était opposée, en 2003, à une clause de la loi USA Patriot Act (pour lutter contre le terrorisme), demandant aux bibliothèques d'installer des filtres sur la Toile, sous prétexte de bloquer les sites pornographiques. Selon elle, la technique défaillante, employée à l'époque, avait entravé l'accès à d'importantes données médicales.

Un budget de 620 millions de dollars et 3 200 fonctions
Son défi aujourd'hui ? Carla Hayden répond clairement : « Ouvrir le plus largement possible ce coffre de trésors qu'est la bibliothèque du Congrès ; préserver la collection et moderniser les moyens d'y accéder. » Elle en a le ressort, d'autant qu'elle sera la première gardienne de ce haut lieu engagée dans l'âge de l'informatique. Son prédécesseur James Billington, en poste depuis trois décennies, n'a pas eu le souffle de s'y lancer. À elle donc l'énorme tâche de l'entière numérisation et la gestion d'un budget de 620 millions de dollars et d'une équipe de 3 200 membres. Car le quotidien, ici, se mesure en tâches énormes. Ainsi, pendant longtemps, la bibliothèque du Congrès recevait deux exemplaires de tout livre ayant reçu un copyright aux États-Unis. Même si, à présent, les titres rajoutés à la collection sont choisis, cette tâche représente encore 10 000 titres par jour. Toutefois, tous les copyrights déposés aux États-Unis continuent d'être recensés. La bibliothèque possède également des bureaux à l'étranger pour acquérir certains volumes nécessaires aux chercheurs.
Cet immense réservoir de science est situé non loin du Capitole et occupe trois bâtiments, dont le principal, baptisé Jefferson Building, est le plus imposant et le plus impressionnant. Près de l'entrée, le visiteur peut notamment admirer la Bible de Gutenberg, premier livre imprimé en 1455, avant de se diriger vers l'immense hall d'entrée composé d'arcades, de mosaïques et d'un plafond remarquable. Des citations ainsi que les noms d'auteurs célèbres ornent les murs. Des galeries sur les côtés abritent également des expositions. La salle de lecture en forme d'arène surmontée de plusieurs étages de loggias à arcades est grandiose. Sa hauteur semble absorber les allées et venues des nombreuses personnes qui y transitent pour des recherches, les noyant dans un beau silence. Pour pouvoir pénétrer dans ce sanctuaire mythique et mystique, il faut toutefois obtenir une autorisation.
Ce monument de connaissances universelles n'en finit pas d'être édifié. Un travail titanesque au quotidien. Est-ce trop pour un seul homme ? En tout cas pas pour une seule femme... qui s'appelle Carla Hayden.