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Moyen Orient et Monde - commentaire

Des villes et des migrants

Photo d’archive de migrants à la frontière hongroise, en septembre 2015. Armend Nimani/AFP

De nombreux pays, notamment européens, considèrent de plus en plus que l'immigration est avant tout un problème de sécurité. Cédant aux pressions des populistes qui attisent les peurs, les principaux responsables politiques appellent à un durcissement face à l'immigration. Au point que très ouvertement certains pays ne respectent plus leur obligation légale et morale de protéger les réfugiés qui fuient les conflits.
Tout ne va pourtant pas si mal. Malgré un discours politique agressif qui freine l'action au niveau national et international, de plus en plus de villes prennent des initiatives progressistes destinées à faciliter l'intégration des migrants.

Elles construisent les infrastructures sociales et matérielles destinées à accueillir les migrants et les réfugiés. Elles ne voient pas les nouveaux arrivants simplement comme des chiffres, mais comme des êtres humains – et potentiellement comme des membres productifs de la cité. Les autorités municipales ont compris que l'utilisation de leurs capacités au service de la communauté passe par une intégration réussie.
Il est vrai que le processus d'intégration est complexe et qu'il peut susciter l'inquiétude chez certains. La pression des nouveaux arrivants peut se faire sentir dans les centres urbains, notamment dans les villes aux ressources limitées. Les défis – de la fourniture d'un logement décent aux soins médicaux en passant par les transports publics et les écoles confrontés à une demande croissante – sont nombreux et intimidants.
C'est pourquoi il faut adopter une attitude proactive – pour ne pas mentionner ingéniosité et créativité. C'est précisément l'attitude de beaucoup de municipalités.

Grâce à la carte d'identité municipale (iDNYC), à New York, tous les résidents, quel que soit leur statut, peuvent bénéficier d'un large éventail de services. À Sao Paulo, les immigrés peuvent participer aux discussions sur la politique municipale par l'intermédiaire d'un Conseil participatif. À Barcelone, dans le cadre d'un plan de cohésion sociale, le conseil municipal a lancé une « campagne antirumeurs » qui utilise des bandes dessinées pour combattre les stéréotypes négatifs à l'égard des migrants.
Collaborant avec les entreprises locales, les mairies favorisent l'entrepreneuriat et la formation professionnelle des migrants. À Auckland en Nouvelle-Zélande où le tiers de la population est né à l'étranger, les migrants peuvent être parrainés par un mentor qui les guide et les conseille et ils peuvent bénéficier de stages rémunérés ; c'est le projet Omega inspiré d'une initiative canadienne. À Londres, ils peuvent obtenir pour leurs déplacements de vieilles bicyclettes remises en état dans le cadre du projet Bike. Il existe des milliers d'initiatives de ce genre, destinées à aider les migrants et les réfugiés à construire une nouvelle vie.

Mieux encore, ces initiatives donnent naissance à des partenariats. Au niveau international, des villes collaborent entre elles afin d'apporter des solutions à des problèmes communs, partager les bonnes pratiques et transformer les défis liés à l'intégration en de nouvelles opportunités. Ainsi des policiers de Toronto, ville très multiculturelle, sensibilisent leurs collègues d'Amsterdam à l'approche des différentes communautés.
Lancé en 2014 à Barcelone, le Forum des maires sur la mobilité, les migrations et le développement, une initiative soutenue par l'Onu, cherche à encourager ce type de dialogue et de coopération entre les villes et également entre les régions. Ce forum, qui se réunit chaque année, est fondé sur l'idée que l'égalité des droits, des devoirs et des opportunités entre tous les résidents est indispensable à la création de centres urbains de qualité – un facteur-clé du dynamisme et du succès d'un pays.

Le forum incite également la communauté internationale à impliquer les villes à titre d'acteurs-clés « des discussions et des processus de décision relatifs à la conception des politiques migratoires ». Les villes – elles rassemblent déjà plus de 50 % de la population mondiale (pour atteindre 66 % en 2050) – ont une longue expérience d'intégration de nouveaux résidents, qu'ils viennent de l'étranger ou des zones rurales.
Malgré l'attribution de pouvoir aux autorités locales – une tendance des pays développés qui fait tache d'huile dans les pays en développement – beaucoup de villes ne disposent que de peu de moyens et de pouvoir.

Cela doit changer – un point sur lequel le Vatican insiste. Lorsque l'Académie pontificale des sciences a annoncé qu'elle allait organiser un sommet sur les réfugiés et les migrants avant la fin de l'année, elle a souligné qu'il faut donner aux villes les moyens de répondre aux besoins de tous les types de migrants et de réfugiés et de les régulariser.
La polarisation excessive sur la sécurité fausse profondément les débats nationaux et internationaux sur les migrations et, en conséquence, les mesures qui en résultent. Les villes ont fait preuve de leur volonté et de leur capacité de réussite et d'innovation en matière d'intégration. Si on leur attribuait un rôle plus important dans la conception des politiques migratoires, ce serait au bénéfice de tous.

Traduit de l'anglais par Patrice Horovitz
© Project Syndicate, 2016.

Peter Sutherland est représentant spécial pour les migrations du secrétaire général des Nations unies.

 

 

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