Dans la damnation qui le frappait, Sisyphe, roi maudit de la mythologie grecque, gardait l’espoir de réussir, un jour, à déposer au sommet de la montagne le rocher qu’il était condamné à rouler indéfiniment. Peine perdue évidemment puisque la dégringolade était inscrite dans l’histoire. Mais Sisyphe, lui, ne le savait pas et c’est ce qui explique l’espoir fou qui l’animait, sa hargne à atteindre la cime libératrice.
Quel rapport entre la légende et la réalité libanaise, me diriez-vous ? Le rapport est évident : dans la descente aux enfers, dans l’absurdité qui la caractérise, il y a toujours pire et le Liban lui a trouvé un nom : le surplace. Un surplace qui immobilise, qui enchaîne, qui anéantit tout espoir. Son corollaire est connu, il a été apprivoisé, domestiqué par les Libanais : c’est l’attente.
Passer des journées entières à attendre, des heures insupportables à compter les minutes. Attendre que l’électricité revienne, que l’eau coule dans les robinets, que les échanges de tirs, ici ou ailleurs, prennent fin. Attendre que les mécontents et autres voyous lèvent leurs sit-in, que les écuries d’Augias, celles d’une administration pourrie, soient nettoyées. Attendre que les grèves prennent fin, que les fonctionnaires de l’État et les enseignants obtiennent satisfaction... et éviter en même temps que le Trésor ne proclame sa faillite.
Attendre, attendre, attendre : que les 14 et 8 Mars s’entendent sur la composition du prochain cabinet, qu’une nouvelle loi sur les législatives soit votée, que le régime syrien finisse, enfin, par tomber, que l’Iran se dénucléarise, que le Hezbollah accepte de remettre ses armes à l’État, que chiites et sunnites arrêtent de lancer des menaces d’apocalypse, que Michel Aoun revienne à ses premières amours sans risquer un divorce coûteux...
Attendre, encore et toujours, alors que tout le monde est mené en bateau, que l’État s’est donné pour devise « Ô temps suspends ton vol » et que la meilleure de ses politiques consiste à ne décider de rien !
Sisyphe est indubitablement un homme heureux : il croit, lui, qu’il s’en sortira un jour...
DANS CE PAYS c o m p l i q u é qui broie les idées simples dans une bouillie, Certains des "Malsains" étant dans les ténèbres, tels Sisyphe ce fils d’Éole qui lui y est maybe aussi, s'exténuent depuis des décennies en hissant leur rocher en haut de cette campagne Pentue et Crevassée ! Presque au sommet la pierre dégringole et leur retombe sur les kroumirs à leurs pieds. Ils les essuient et s'épongent avec la même foûta safra et rebelotent. On retient son souffle: qu'à cela ne tienne ! Ce qui frappe, c'est que ce processus est dans le droit fil de la Malsanité, inéluctable sauf pour les Niais. Ainsi ils retentent grâce à celle-ci, rugueuse telle une huile de foie de Morue, loin d'être inimaginable vu leur Sectarisme. Car, eux qui cherchaient le pire, n'avaient cessé d’y cheminer. Envisageant sans atermoiements les bornes ultimes de ce processus afin de disloquer et réduire à l’impuissance leurs opposants. Bref, de les prendre au collet et dans une éructation suffocante, de leur faire franchir l'infranchissable : Rien d’autre qu’un appel d'air énorme pour les Cantonistes de toutes sortes. Comme si, dans cette conjoncture sans cesse désespérante, leur espérance dans ce "Liban en Can(r)tons" se mise en plein tout en restant tremblotante. Ces obtus auront tout loisir de chercher à persévérer et de ricaner. Il faudra donc plus que jamais s'arc-bouter, et faire Face et Masse autour de la Fière Cèdraie et du 14 Mars.
05 h 08, le 17 décembre 2012