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Liban - Exode

Venus du Liban, des réfugiés syriens espèrent se faire une nouvelle vie en Allemagne

Plus de 20 000 ressortissants syriens ont trouvé refuge en Allemagne depuis que la guerre a éclaté en Syrie. Certains font partie d'un programme mis en place par le gouvernement allemand, qui vise à accueillir en tout 5 000 réfugiés, venus pour la plupart du Liban. D'autres, et ils constituent une majorité, arrivent en Allemagne par leurs propres moyens.

Le Liban continue d’accueillir des Syriens qui fuient la guerre dans leur pays.Photo Danielle Khayat

« Tout me manque de Damas, même les mauvaises choses, même l'odeur du mazout dégagée des échappements des bus. » Moussa est peintre et sculpteur, âgé d'un peu plus de trente ans. Il est arrivé il y a tout juste un mois en Allemagne. Mais cela faisait un an et demi qu'il avait fui la capitale syrienne pour s'installer à Beyrouth.


« Beyrouth est une ville très dure mais très belle. C'est là que toute ma vie a été chamboulée. Le Liban a été pour moi un pays de substitution, mais pas pour longtemps. Je n'y ai pas trouvé ma place », dit-il.
C'est à Beyrouth que Moussa a décidé de partir en Allemagne. Avec l'aide d'un diplomate anglais, il a réussi, alors qu'il était dans la capitale libanaise, à présenter une demande d'exil politique auprès de l'ambassade
d'Allemagne.


Dès le début des événements en Syrie, l'artiste avait rejoint les rangs de l'opposition. Menacé, il avait quitté son pays pour le Liban. « J'ai arrêté toutes mes activités politiques en arrivant à Beyrouth. Il y a sept mois, alors que je voulais renouveler mon permis de séjour, la Sûreté générale libanaise a égaré mon passeport... et ne l'a plus retrouvé. Ce sont les autorités allemandes qui m'ont aidé à quitter le Liban. »


Depuis un mois, Moussa vit dans ce qu'on appelle en allemand Heim, un abri pour réfugiés, un espace d'accueil qu'il pourra quitter éventuellement pour se faire une nouvelle vie.
« À Damas, j'avais une vie. À Beyrouth, j'ai appris l'injustice et l'insécurité. Je vivais au jour le jour, je ne pouvais pas me projeter dans l'avenir. Dans la capitale libanaise, j'ai appris aussi ce que c'était une société confessionnelle et sectaire. Et j'ai peur que ma Syrie devienne comme ça », dit-il.
« Aujourd'hui, ma vie ne tient qu'à douze kilos de vêtements et 15 kilos de matériel et de toiles. Ce n'est pas facile de vivre dans un abri de réfugiés ». indique-t-il, soulignant qu'il s'attendait à tout cela avant de mettre les pieds en Allemagne, mais qu'il n'avait pas le choix.
Moussa compte trouver une maison au plus vite, apprendre la langue... se faire une vie.


« Il ne me reste plus grand monde en Syrie. J'ai un oncle qui vit en Bavière depuis longtemps alors que ma famille et mes amis ont fui la Syrie pour la France, l'Égypte et les Émirats arabes unis », indique-t-il.
Moussa fait partie des 5 000 réfugiés que l'Allemagne compte recevoir. Jusqu'à présent, 840 d'entre eux sont arrivés en territoire allemand.

 

Un millier de demandes d'exil par mois
Grâce à un travail effectué à Beyrouth entre l'ambassade d'Allemagne, le HCR et Caritas, des réfugiés syriens arrivent régulièrement dans les régions allemandes, par le biais de vols gratuits mis à leur disposition. L'Allemagne privilégie dans ce cadre les familles, les blessés, les femmes en situation précaire et les minorités religieuses, à condition que ces minorités ne soient pas partie prenante dans la guerre en Syrie, souligne un communiqué du ministère allemand des Affaires étrangères.
Ces réfugiés syriens viennent du Liban. Les autres pays ayant reçu des déplacés syriens, à savoir la Jordanie et la Turquie, refusent la coopération dans ce sens avec le gouvernement allemand et cela pour ne pas encourager un plus grand nombre de Syriens à trouver refuge chez eux dans l'espoir de partir pour l'Allemagne.


Parmi ce lot de 5 000 réfugiés devraient figurer également des réfugiés ayant des proches en Allemagne. Dans ce cas de figure, ce sont les proches qui effectuent la demande, à condition que la personne se trouvant au Liban soit inscrite auprès du HCR. Parmi ces personnes devraient aussi figurer des hommes et des femmes qui pourraient contribuer à la reconstruction et au développement de leur pays, le jour où la stabilité y sera rétablie.


L'Allemagne a adopté également une politique souple vis-à-vis des citoyens syriens qui se trouvent sur son territoire.
Dans ce cadre, le ministère allemand des Affaires étrangères a pris deux autres mesures : il est désormais possible aux Syriens qui vivent depuis longtemps en Allemagne d'accueillir leurs proches venus de Syrie. Ils doivent remplir cependant certaines conditions, celles de l'octroie d'un visa Schengen. De plus, selon chacune des seize régions allemandes, la famille d'accueil devrait avoir un certain niveau de revenus.
La seconde mesure est un assouplissement de la politique d'octroi de permis de séjour et d'exil politique et humanitaire.
Ainsi, chaque Syrien venu en visite dans l'espace Schengen mais dont la limite de la validité du visa a été dépassée n'est pas expulsé. Il peut également déposer une demande d'asile auprès des autorités allemandes.
« Ces Syriens se chiffrent à 20 000 ; depuis le début du conflit en Syrie, nous recevons mensuellement en moyenne un millier de demandes d'asile de ressortissants syriens qui se trouvent en territoire allemand », souligne une source autorisée au ministère allemand des Affaires étrangères.


Malika vit depuis 29 ans à Berlin. Son frère Ahmad a quitté la Syrie il y a plus de deux ans. « Ahmad s'est réfugié avec sa famille au Liban. Il a été à Denniyé, puis à Tripoli, puis encore à Denniyé. Dès que j'ai su que les Allemands allaient accueillir des réfugiés syriens, j'ai rempli une demande pour mon frère. Cela fait quatre mois que j'attends. Là, je viens d'apprendre qu'il sera parmi le prochain lot de réfugiés venant du Liban », raconte-t-elle.
Pour Ahmad, la vie a été difficile au Liban. « Le pays est trop cher, il n'y a pas de travail pour les Syriens et il a épuisé toutes ses économies. Ici au moins ses enfants peuvent avoir un autre avenir », poursuit-elle.

 

Des cousins membres du Hezbollah
Maha, née de mère libanaise et de père syrien, habite avec sa famille, un mari et trois enfants, dans une petite maison de Charlottenburg, un quartier de Berlin-Ouest. Maha ne vit pas dans un abri de réfugiés, ni dans un quartier à majorité arabe ou turque, comme c'est le cas dans plusieurs secteurs de Berlin-Ouest.
Elle veut se faire une nouvelle vie : oublier les atrocités en Syrie et la peur au Liban.
« J'ai quitté Damas en juillet 2012 pour m'installer au Liban. Je suis arrivée à Beyrouth, j'ai déménagé ensuite au Liban-Sud. Ma mère est libanaise chiite et mes cousins, cousines, tantes et oncles soutiennent le Hezbollah. Je suis sunnite et j'ai fui la Syrie, donc je suis contre le régime. Ils ne m'ont pas aidée. Pis encore, certains de mes cousins ont coupé court avec moi. »


Imad, l'époux de Maha, est arrivé bien après elle au Liban. Elle était déjà partie en Allemagne avec les enfants. Il s'est installé à Saïda et n'a pas trouvé du travail. « J'ai loué une chambre et j'ai essayé de survivre », raconte ce chef cuisinier.
« Il n'y a pas de place pour les Syriens au Liban. Tout est cher et les emplois manquent », indique-t-il.
Maha renchérit : « Je ne me suis pas sentie chez moi à Beyrouth, ma mère est libanaise pourtant... C'est à cause de toutes ces dissensions politiques, même mes cousins se sont éloignés de moi. »


Il n'a pas été facile pour Maha et sa famille de partir en Allemagne. « À Damas, j'avais une école. J'enseignais la langue arabe aux étrangers, surtout aux Allemands. J'avais aussi moi-même suivi des cours d'allemand. Ce sont mes amis diplomates qui m'ont aidée à avoir un visa. Je suis venue avec mes enfants, j'ai présenté une demande d'asile humanitaire. Je n'ai pas habité dans un abri de réfugiés. J'ai loué cette maison, et c'est grâce à mes économies que j'ai pu vivre. Je me suis démenée pour que mon mari puisse me suivre. »
Maha indique comme pour s'excuser : « La maison est petite ici, mais c'est ce que je peux me permettre. Je n'étais pas riche en Syrie, j'avais pourtant une grande maison, une voiture, tous les équipements électroménagers... Je vivais bien, je n'ai jamais imaginé qu'un jour tout pouvait vaciller. »


Maha vient de la classe moyenne syrienne, celle qui ne s'occupe ni de politique ni d'affaires. Son mari et elle pensaient depuis l'arrivée de Bachar el-Assad au pouvoir que le pays se développerait économiquement. Mais tout a basculé. Elle a vu toutes les atrocités : les bombes lancées par l'armée et qui éclataient dans son quartier ; les personnes qu'on arrêtait et que l'on menait aux centres de torture...
Son fils, choqué par la mort des voisins d'en face, s'est arrêté de parler durant des mois. Aujourd'hui il bégaie, mais il sera aidé par un orthophoniste allemand.
Elle veut surtout miser sur l'intégration de ses enfants, âgés entre 5 et 12 ans.
« Le tout-petit va à la garderie et les deux plus âgés à l'école. Ils se sont fait des amis allemands. D'ailleurs, ils ont rapidement appris la langue. À Damas, ils étaient premiers de classe. Là, ils ont dû redoubler, et dès qu'ils ont été scolarisés, j'ai engagé un professeur particulier pour qu'ils apprennent la langue allemande à raison de trois heures par jour après les cours », raconte-t-elle.


Même si elle a à peine quarante ans, Maha sent que sa vie est désormais derrière elle. Aujourd'hui, elle se bat pour ses enfants. « Je repartirai de zéro, je suivrai des formations. Je me trouverai un métier. Je survivrai. Le plus important, c'est que mes enfants s'intègrent à la société allemande et puissent se faire un avenir, suivre de longues études peut-être plus tard ; à ce moment nous pourrons repartir en Syrie », dit-elle.
Qui sait, peut-être qu'un jour, Maha, Moussa et les autres rentreront en Syrie pour recoller les morceaux de leur vie, ou peut-être s'intégreront-ils à la société allemande, pour ne plus rentrer dans leur pays que pour les vacances... Mais avant tout, il faudra attendre que la Syrie retrouve un jour la stabilité.

 

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