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À La Une - Liban

Entre Bab el-Tebbaneh et Jabal Mohsen, des Tripolitains "qui en ont marre"

Des habitants de la capitale du Liban-Nord racontent leur difficile quotidien.

A Tripoli, capitale du Liban-Nord, les civils paient le prix des violences entre les quartiers historiquement rivaux de Bab el-Tebbaneh et Jabal Mohsen. Photo Naïm Assafiri

"Tripoli est presque devenue une ville fantôme. La circulation est faible, les gens ne sortent pas, ils sont terrifiés... Cette situation est intenable". C'est sur un ton désabusé que Khaled Merheb, résident de Tripoli, décrit la capitale du Liban-Nord, théâtre, depuis lundi 21 octobre, d'un énième round d'affrontements meurtriers entre deux quartiers historiquement rivaux.

"Nous essayons de vivre de façon normale (...) mais nous n'y arrivons pas. Les gens se sont habitués (aux affrontements), mais ils n'en peuvent plus, ils en ont marre des violences", ajoute cet avocat à la cour de Tripoli.

Tripoli est le théâtre depuis la guerre civile (1975-1990) d’affrontements violents et récurrents entre les quartiers de Bab el-Tebbaneh (à majorité sunnite et anti-Assad) et de Jabal Mohsen (à majorité alaouite et pro-Assad). Des violences qui se sont intensifiées depuis le début du conflit en Syrie, avec des accrochages plus fréquents entre les deux quartiers.

Le dernier cycle en date de violences a éclaté au moment où était diffusée à la télévision une interview du président syrien Bachar el-Assad sur la chaîne de télévision al-Mayadeen. Une semaine plus tard, le bilan est lourd : au moins 14 morts et plus de 80 blessés. Lundi matin, un calme très précaire régnait dans la ville, alors que l'armée tentait, dans la douleur, de se déployer au niveau de la rue de Syrie, qui sépare les quartiers rivaux, et dans le quartier de Bab el-Tebbaneh. Ce déploiement s'est notamment accompagné de tirs de francs-tireurs contre la troupe.

"Nous vivons heure par heure, même plus au jour le jour, en nous demandant à quel moment les affrontements vont reprendre", poursuit Khaled Merheb interrogé par Lorientlejour.com. "Les hommes armés circulent librement dans les rues de la ville, le plan sécuritaire n'est pas efficace bien que l'armée ait installé un grand nombre de barrages aux entrées de la ville", estime ce Libanais d'une quarantaine d'années.

 

L'Etat libanais tente depuis le double attentat meurtrier du 23 août dernier à Tripoli, de mettre en place un plan sécuritaire afin de ramener le calme dans la ville. Mais malgré le déploiement quasi-permanent de l'armée libanaise et l'installation de barrages dans différents secteurs de la ville, les violences n'ont pas cessé.

 

"Les soldats arrêtent et fouillent les universitaires et les jeunes qui n'ont rien à voir avec le conflit, alors que les miliciens, qui apparaissent à la télévision et sont bien connus, circulent librement dans la ville", s'insurge Taha Baba, qui habite dans le quartier de Abi Samra, situé à environ 1,5 kilomètre du théâtre des affrontements les plus violents. D'après lui, des combattants cagoulés "se baladent" de plus en plus fréquemment ces derniers jours, notamment sur la place al-Nour", en plein centre de la ville.

 

"Les postes de contrôle établis par l'armée libanaise ne sont pas efficaces car ils sont fixes... Un milicien armé ne va pas passer par un barrage s'il connaît son emplacement à l'avance", ajoute Taha, 25 ans, qui travaille comme développeur web dans la grande ville du nord du Liban. Le jeune homme est également membre du groupe Facebook Salam et Takwa créé après les attentats du 23 août et porteur d'un message d'union et de rejet de la violence à Tripoli.

 

Jabal Mohsen et Bab el-Tebbaneh "sont des quartiers très pauvres", poursuit-il. "Les habitants de ces quartiers là ont déposé les armes il y a longtemps, ils n'ont pas assez d'argent pour acheter des mitrailleuses et des armes lourdes. Aujourd'hui, lorsque des accrochages éclatent, ils s’enfuient et ce sont des gangs armés couverts par certains partis politiques qui prennent leur place", assure-t-il.

(Pour mémoire : Une intégration des combattants de Tripoli au sein des forces de sécurité est-elle possible ?)

 

 

Quitter la ville

Les conséquences des violences pèsent lourd sur les habitants de la ville. "L'implication de forces étrangères (dans les violences) et la crise économique engendrée par cette situation ont poussé beaucoup de jeunes Tripolitains à quitter la ville et à s'installer dans d'autres régions plus calme", regrette Taha.

 

Natheer Halawani dresse le même constat. "Ces derniers mois, la situation va de mal en pis, et rien ne change malgré les promesses des politiciens... Donc les jeunes ont tendance à quitter la ville et à se rendre à Beyrouth ou à partir à l'étranger pour trouver du travail", explique ce jeune photographe qui évoque la sombre routine dans laquelle les Tripolitains sont désormais engagés :"Les combats se déroulent dans la nuit. Avant midi, les groupes armés organisent des marches funèbres pour les combattants tombés la veille et après midi, ils se reposent en laissant la place aux tireurs embusqués".


Dans ce contexte, des écoles et universités de Tripoli sont contraintes, par mesure de sécurité, de fermer leurs portes. Même chose pour les commerces situés dans les quartiers les plus chauds.

 

Endroit iconique de la ville, le Palais des douceurs (Kasr el-Hélou) de Abdel Rahman Hallab et fils, refuse de fermer. "La situation est très triste à Tripoli. Et du point de vue économique, les commerces sont gravement affectés par les accrochages continus", estime Zaher Hallab, 32 ans, petit-fils de Abdel Rahman Hallab et responsable de la chaîne de production de l'entreprise réputée pour ses pâtisseries arabes.

Tout au long de la semaine et malgré les dangers, la pâtisserie la plus connue de Tripoli est toutefois restée ouverte. Aujourd'hui, Zaher Hallab espère que "les forces de sécurité vont finir par prendre davantage de mesures pour ramener enfin le calme" dans sa ville.

 

 

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