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À La Une - La situation

Liban : La page de la loi électorale est tournée

Le Parlement prorogera demain son mandat à l’ombre d’un quasi-consensus

Le bureau de la Chambre, réuni hier sous la présidence de M. Berry. Photo Hassan Ibrahim

L’interminable débat fiévreux, et néanmoins stérile, qui a secoué le pays pendant de longs mois prendra fin officiellement demain après-midi. Le Parlement tiendra en effet une séance plénière à 15 heures afin de soumettre au vote un projet de prorogation du mandat de la Chambre. Il s’agira du seul et unique point inscrit à l’ordre du jour. Exit, donc, les deux propositions de loi électorale qui avaient été transférées à la Chambre, en l’occurrence le projet de loi du Rassemblement orthodoxe et la proposition de scrutin mixte (proportionnelle et majoritaire) mise au point par le 14 Mars et le Parti socialiste progressiste de Walid Joumblatt.


La séance plénière de demain a fait l’objet d’une réunion préparatoire que le bureau de la Chambre a tenue hier à Aïn el-Tiné sous la présidence du chef du législatif, Nabih Berry, en présence de ses membres, Marwan Hamadé, Michel Moussa, Antoine Zahra, Ahmad Fatfat et Serge TerSarkissian qui ont décidé que la séance de demain après-midi sera consacrée exclusivement à la prorogation du mandat du Parlement. La durée de cette prorogation sera de 15 ou 18 mois. Elle sera fixée lors du vote.

 

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Conséquence immédiate de cette mesure, qui a fait l’objet de tractations intensives au cours des derniers jours : les candidatures qui ont été présentées depuis le 20 mai dernier, et jusqu’à lundi, deviennent caduques, d’autant qu’elles ont été enregistrées au ministère de l’Intérieur sur base de la loi de 1960. Or les différents blocs parlementaires affirment qu’ils mettront à profit cette prolongation afin de revenir à la charge pour élaborer, sereinement, une nouvelle loi électorale.


La décision de reporter de 15 ou 18 mois les élections législatives (sachant que le mandat actuel expire le 19 juin prochain) a fait l’objet d’un quasi-consensus entre les différentes factions locales (du 14 et du 8 Mars), à l’exception du bloc aouniste qui s’est déclaré opposé à cette mesure, préférant l’organisation du scrutin sur base de la loi de 1960 (que le bloc aouniste rejetait pourtant lui-même il y a quelques jours, à l’instar de la quasi-totalité des groupes parlementaires). Concrètement, les députés du Changement et de la Réforme pourraient boycotter la séance de demain après-midi, ce qui ne changera rien dans le résultat du vote. Le bloc aouniste s’apprête en outre, comme l’a affirmé en soirée le député Ibrahim Kanaan, à déposer un recours en invalidation devant le Conseil constitutionnel, instance dont il conteste pourtant la légalité, affirmant que son mandat est venu à expiration !
Il reste que la question que nombre d’observateurs et que l’opinion publique se posent est de savoir pour quelles raisons les diverses factions politiques ont fini par avaliser une prorogation du mandat de la Chambre alors qu’elles ne cessaient d’affirmer qu’elles n’accepteraient qu’un report purement « technique », visant à permettre au ministère de l’Intérieur de préparer le scrutin. Le chef du législatif a lui-même apporté une réponse à cette interrogation lors de sa réunion hebdomadaire du mercredi, hier, avec les députés à sa résidence de Aïn el-Tiné.

 

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Les parlementaires qui étaient présents à cette rencontre – à laquelle les députés aounistes se sont abstenus de se rendre hier, pour bien marquer leur désapprobation – ont rapporté des propos de M. Berry dont il ressort que le chef du législatif souligne que c’est pour des raisons essentiellement sécuritaires que la prorogation du mandat de la Chambre a finalement été décidée. M. Berry a relevé à cet égard que l’état de la sécurité et la tension extrême qui sévit dans le pays du fait des graves retombées de la guerre en Syrie sur la scène libanaise rendent pratiquement impossible l’organisation d’élections dans un climat serein et démocratique. Dans la conjoncture présente, a affirmé M. Berry devant les députés, ni les candidats peuvent mener leur campagne et circuler dans leur circonscription en toute liberté ni les électeurs sont en mesure, dans certains cas, de se rendre librement dans les bureaux de vote.
Cet argument lié au paramètre sécuritaire a été exposé par certains membres du bureau de la Chambre au terme de la réunion qu’ils ont tenue hier à Aïn el-Tiné. Le député Marwan Hamadé a ainsi déclaré à ce sujet que « le pays tout entier est au bord du gouffre », relevant que « l’état de la sécurité ne permet pas d’agir afin d’organiser les élections ».
M. Hamadé a précisé en outre que la prorogation permettra d’élaborer une nouvelle loi électorale et « d’éviter de tomber dans le vide » institutionnel.


Abondant dans le même sens, le député Ahmad Fatfat a lui aussi déclaré, à sa sortie de Aïn el-Tiné, que la décision de proroger le mandat de la Chambre a été prise « en raison de l’état de la sécurité dans le pays ». « Le pays n’est pas en mesure de supporter l’organisation d’élections dans de telles circonstances », a ajouté M. Fatfat qui a affirmé que « les Libanais prendront conscience du fait que nous avons agi en faisant preuve de sagesse ».
Même son de cloche au niveau du député Antoine Zahra, membre du bloc des Forces libanaises, qui a souligné que la prorogation du mandat de la Chambre est motivée par « les considérations en rapport avec la sécurité dans tout le pays », sans compter que ce report du scrutin devrait permettre d’aboutir à une nouvelle loi électorale susceptible d’assurer une juste représentation de l’électorat.
Dans le camp adverse, le député Alain Aoun, membre du bloc du Changement et de la Réforme, a souligné que le Courant patriotique libre est opposé à la prorogation. Il a indiqué dans ce cadre que la décision prise sur ce plan est « liée à la crise syrienne et à la conjoncture présente ».
Le député Michel Moussa, du bloc Berry, a établi un diagnostic plus flou à ce sujet en soulignant que la prorogation est due à la « tension politique et au souci de ne pas accroître davantage cette tension du fait de circonstances et de prises de position bien déterminées ».

 

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L’après-prorogation
En tout état de cause, une page sera tournée demain après-midi et le pays s’engagera ainsi sur une nouvelle voie. L’une des premières questions qui se posera dans l’immédiat est de déterminer l’attitude qu’adoptera le président Michel Sleiman. Dans son interview télévisée qu’il a accordée hier soir à la Future TV, le chef de l’État a clairement souligné qu’il déposera un recours contre la prorogation si celle-ci est fixée à plus de six mois et si elle n’est pas fondée sur des motivations solides et valables. Le président Sleiman a été jusqu’à estimer que le scrutin législatif aura lieu en définitive avant la fin de l’année en cours.


Autre étape que le pays devra franchir à court terme : la formation du nouveau gouvernement. Le Premier ministre désigné Tammam Salam relancera en toute vraisemblance ses tractations à ce sujet la semaine prochaine afin de mettre sur pied son équipe ministérielle. À l’évidence, M. Salam devra prendre en considération la nouvelle donne née de la prorogation du mandat de la Chambre, d’abord, et, surtout, de l’implication de plus en plus importante du Hezbollah dans les combats en Syrie aux côtés des forces de Bachar el-Assad. Puisque l’organisation des élections n’est plus à l’ordre du jour, M. Salam devrait se rabattre en toute logique sur un gouvernement politique. Un tel choix pose toutefois le problème de la présence ou non du Hezbollah au sein du cabinet. À l’ombre de la participation du parti pro-iranien à la guerre syrienne, serait-il encore possible de former un gouvernement avec le Hezbollah, compte tenu de la tournure clairement sectaire (sunnito-chiite) prise par les combats en Syrie ? Et si la présence du Hezbollah au gouvernement s’avère incontournable, le problème de la teneur de la déclaration ministérielle se pose avec acuité. Le numéro deux du Hezbollah, cheikh Naïm Kassem, a annoncé la couleur hier sur ce plan en réaffirmant l’attachement de son parti au triptyque armée-peuple-résistance, ce que le 14 Mars pourrait difficilement agréer au vu des développements en cours sur la scène syrienne.


Un problème chasse l’autre... Les Libanais devront donc se résigner dans les prochains jours au fait que le débat houleux sur la loi électorale est, pour l’heure, ajourné de plusieurs mois, mais dès la semaine prochaine, ce débat cèdera la place aux tiraillements qui ne manqueront pas de resurgir au sujet de la composition du nouveau gouvernement. Dans l’espoir que les feux de l’actualité ne seront pas, plutôt, focalisés sur un quelconque développement sécuritaire majeur.

 

 

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