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Liban - La situation

Le Conseil constitutionnel se saborde, le Parlement a 15 mois de plus pour élaborer une nouvelle loi électorale

Les portraits des trois membres du Conseil constitutionnel absentéistes souillés à la tomate. Photos Ibrahim Tawil

« N’importe quel pays aurait été affecté par une augmentation de 25 % de sa population. » La haute représentante de l’Union européenne pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité, Catherine Ashton, a quitté hier le Liban sur un constat dramatique, de nature humanitaire. Selon des chiffres de l’ONU, notre petit méditerranéen de pays a reçu le nombre le plus important de réfugiés syriens par rapport aux autres pays voisins.


Arrivé avec Mme Ashton, le Haut-Commissaire aux réfugiés de l’ONU, Antonio Guterres, lui, a fait part de sa vive inquiétude quant aux conséquences de l’afflux de plus de 530 000 réfugiés syriens dans un aussi petit pays. Il a également affirmé que le nombre de Syriens ayant fui les violences dans leur pays pour le Liban devrait atteindre « plus d’un million d’ici à la fin 2013 ». Et d’indiquer que la menace d’une contagion du conflit à la région était « désormais devenue une dure réalité ».
Le chef de la diplomatie de l’UE Catherine Ashton a, pour sa part, qualifié de priorité la « désescalade des tensions » au Liban. Elle a dit soutenir « la politique officielle de dissociation du Liban par rapport aux combats en Syrie ».
Mais pour une source diplomatique française, l’heure est plus grave encore : le danger que court le Liban du fait de la guerre civile en Syrie n’est plus uniquement politique, social, économique ou médical, il est existentiel.

 


Le Conseil constitutionnel
Toutes ces considérations devraient, en toute logique, aider les Libanais à comprendre les trois membres du Conseil constitutionnel qui, par leur absence, ont paralysé cette institution et l’ont empêché de se prononcer sur la validité de la loi prorogeant de dix-sept mois le mandat de la Chambre, qui expire jeudi 20 juin (les députés prorogés disposent toutefois de 15 mois pour élaborer une nouvelle loi électorale). Hélas, l’indignation était hier à son comble dans certains milieux, déçus de voir les considérations politiques primer sur le droit et la raison d’État sur la conscience. D’autant que beaucoup pensent, comme le chef de l’État, que les motifs de sécurité invoqués pour reporter les élections étaient insuffisants et que, comme le soutenait le grand parlementaire qu’était Nassib Lahoud, la démocratie est stabilisatrice...


Quoi qu’il en soit, empêchés de se réunir en raison de l’absence de trois d’entre eux, Ahmad Takieddine, Mohammad Bassam Mortada et Souheil Abdel Samad, les sept membres restants du Conseil constitutionnel qui s’étaient rendus au siège du Conseil, boulevard Camille Chamoun, après avoir délibéré en privé, sont rentrés hier chez eux, après s’être fixé un nouveau rendez-vous, le 21 juin. Légalement, en effet, ce jour-là correspond à l’expiration du délai de 15 jours dont ils disposaient pour se prononcer sur le recours en question. Ce délai courait à partir de la date de dépôt du recours, en l’occurrence le 6 juin.
Toutefois, à la date fixée pour leur prochaine réunion, la loi prorogeant le mandat du Parlement aura pris effet, puisque la prorogation de dix-sept mois court à partir du 20 juin. À supposer que le Conseil constitutionnel puisse se réunir, le 21 juin, et qu’il décide d’invalider la loi, il n’est pas certain que son arrêt puisse revêtir un effet rétroactif. Au demeurant, toutes les parties excluent que, d’ici à vendredi, des positions aussi tranchées puissent évoluer.

 


Exception de forme...
Une exception de forme a été soulevée par des spécialistes, qui ont fait valoir qu’en ne se présentant pas à trois reprises consécutives aux réunions du Conseil constitutionnel, les trois membres absentéistes sont automatiquement déchus de leur position. Mais cette déchéance ne peut servir la cause de la justice. Pour la prononcer, en effet, le Conseil constitutionnel doit... se réunir et le quorum doit être atteint. Par ailleurs, à supposer que ce miracle se produise, il faudra nommer des remplaçants aux membres déchus...


Tout laisse croire, donc, que le tour est joué et que les partisans de la prorogation ont réussi leur coup.


Un baroud d’honneur, à la tomate, a marqué la réunion du Conseil constitutionnel. Des activistes de la société civile et des amateurs qui ont cru qu’en faisant acte de candidature, selon la loi de 1960, ils seraient élus d’office, ont en effet bombardé à la tomate des portraits des trois membres du Conseil constitutionnel absents, ainsi qu’un panneau représentant tous les députés de la Chambre. Les cageots de tomate ont cependant été confisqués, quand ils ont voulu bombarder la villa même qui sert de siège au Conseil constitutionnel.
Du reste, les arrivistes qui pensaient se faire élire d’office avaient oublié que, pour l’être, il fallait encore que les élections se tiennent !

 

(Pour mémoire : « Les voleurs continuent de gouverner... »)

Pontage diplomatique
En « capitaine courageux », ou en « martyr vivant », comme l’a qualifié hier le patriarche Raï, le président Michel Sleiman continue de tenir la barre. C’est ainsi que, de guerre lasse, il a effectué hier un pontage diplomatique, en se passant d’Adnane Mansour et en s’adressant directement à Derek Plumbly, pour rapporter la nouvelle d’un bombardement du territoire libanais par un hélicoptère syrien.


Selon une source fiable, aux députés (aux mandats prorogés) du 14 Mars venus solennellement à Baabda demander le salut du Liban, M. Sleiman a proposé d’élaborer au plus tôt une nouvelle loi électorale de telle sorte que des élections soient organisées aussitôt que cette loi serait prête et que l’état de la sécurité le permettrait. Le cas échant, a dit M. Sleiman, la durée de la prorogation pourrait être raccourcie.
Le président Sleiman s’est engagé aussi, devant la délégation parlementaire du 14 Mars, à accélérer – et à faciliter autant que possible – la tâche du Premier ministre désigné, Tammam Salam, pour que le Liban soit doté d’un nouveau gouvernement au plus vite, ce que le gouverneur de la BDL, Riad Salamé, juge indispensable, si le Liban doit honorer ses dettes extérieures, sans épuiser ses réserves en devises.


Mais le chef de l’État n’a pas caché, non plus, qu’il est impossible à l’armée libanaise, en l’état actuel des choses, de verrouiller les frontières. Il a ajouté qu’avant tout le monde, il avait demandé un désengagement immédiat et total du Hezbollah de Syrie. Toutefois, il a promis de faire l’impossible pour préparer une nouvelle réunion de la conférence nationale de dialogue, aujourd’hui sous respirateur.

 

 

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commentaires (3)

Un baroud d’honneur, à la tomate est le meilleur cadeau que le peuple libanais puisse offrir à ses gouvernants vraiment effrontés . Antoine Sabbagha

Sabbagha Antoine

16 h 58, le 19 juin 2013

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Commentaires (3)

  • Un baroud d’honneur, à la tomate est le meilleur cadeau que le peuple libanais puisse offrir à ses gouvernants vraiment effrontés . Antoine Sabbagha

    Sabbagha Antoine

    16 h 58, le 19 juin 2013

  • LA DÉMOCRATIE POIGNARDÉE DANS LE DOS !

    SAKR LOUBNAN

    06 h 19, le 19 juin 2013

  • LA SITUATION. Il est plus qu'évident que ce pays se trouve dans une totale anomalie qui a sabordé toutes ses institutions. Il est partant ingouvernable, tant que cette anomalie n'est pas rayée de sa vie politique.

    Halim Abou Chacra

    02 h 57, le 19 juin 2013

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