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Économie - Témoignages

Les restaurateurs libanais de Nice tentent de se relever après l’attentat du 14 juillet

La saison estivale s'annonce morose pour les restaurants de la Côte d'Azur après l'attaque terroriste qui a frappé la promenade des Anglais le jour de la fête nationale française. « L'Orient-Le Jour » a recueilli les témoignages de professionnels du secteur issus de la diaspora libanaise.

Certains restaurateurs établis à Nice ont vu leur chiffre d’affaires baisser de 70 % après l’attentat du 14 juillet. Valery Hache/AFP

Près de trois semaines après l'attentat de Nice, dans la soirée du 14 juillet dernier, l'activité économique de la dizaine de restaurants libanais de la capitale de la « French Riviera » tarde à redémarrer. Principalement concentrés entre les secteurs touristiques de la promenade des Anglais et la vieille ville, ces établissements, souvent gérés par des Libanais de nationalité ou d'origine, sont touchés de plein fouet par la désaffection des vacanciers. Nice est habituellement l'une des villes les plus visitées de France. Chaque année, elle accueille entre 4 et 5 millions de touristes, dont 40 % d'étrangers.

Dans la soirée du 14 juillet, Rayane Kobaitri était dans les locaux du restaurant libanais Ya habibi, situé dans une rue adjacente de la promenade des Anglais. La course macabre du camion de Mohammad Lahouaiej-Bouhlel, abattu par des policiers après avoir tué 84 personnes et blessé 435 autres, s'est achevée vers 22h30 à cent mètres de l'établissement.

« Nous étions en première ligne ce soir-là. Le camion s'est arrêté en face de nous », se souvient M. Kobaitri, interrogé par L'Orient-Le Jour. « Nous avons ouvert nos portes. Je revois les gens affolés, hurlant dans le restaurant. Nous les avons protégés. Je ne sais plus exactement combien de personnes nous avons accueillies, mais nous les avons abritées pendant près d'une heure, le temps que la police sécurise la rue », raconte par bribes ce jeune Libanais de 32 ans, encore sous le choc.

 

Activité en berne
Traumatisée, la ville a mis plusieurs jours à remonter la pente. « Notre chiffre d'affaires était minable la semaine qui a suivi l'attaque. Il a chuté de 70 % en moyenne », explique Rayane Kobaitri. Mais, selon lui, l'activité touristique et économique reprend progressivement. « Nous constatons que les touristes reviennent. Ils savent que nous étions aux premières loges, alors ils nous interrogent. Mais nous le sentons bien : les Niçois et les touristes sont encore sous le choc, nous aussi », avoue le chef de salle.

Wissam Kanaan est le propriétaire du restaurant Di Yar, situé au cœur du Vieux-Nice, l'un des quartiers de la ville les plus prisés par les touristes avec ses bâtisses colorées et ses nombreux commerces typiques. La vieille ville, autrefois surnommée « babazouk », adaptation locale de l'expression arabe bab el-souk signifiant « la porte du souk », est le lieu de rendez-vous privilégié des Niçois et des touristes pour les sorties nocturnes.

Plus de deux semaines après l'attentat, l'établissement dirigé par ce Libanais de 47 ans accuse une « baisse significative » d'activité, même si « elle commence à reprendre quelque peu ». Selon lui, « l'activité n'a pas repris comme elle le devrait à cette époque de l'année ». « Le résultat de l'exercice pour le mois de juillet est en baisse de 14 à 18 % par rapport au mois de juillet 2015 », explique M. Kanaan.

Le restaurateur libanais s'estime néanmoins relativement mieux loti que certains de ses collègues. « Je sais que certains restaurateurs accusent une baisse de 30, voire de 40 % de leur chiffre d'affaires, précise-t-il. Des hôteliers ont vu les annulations de réservation se multiplier. » M. Kanaan se souvient encore de l'activité enregistrée au lendemain de l'attaque au camion. « D'habitude, je sers entre 150 et 170 couverts par jour. Le 15 juillet, je n'en ai servi que huit », déplore-t-il.

 

(Lire aussi : En France, la crainte d'attentats pèse sur le tourisme)

 

« Le mal est fait »
M. Kanaan prévoit une saison estivale morose. « En raison de la crise économique mondiale, les saisons sont de plus en plus courtes, souligne-t-il. Depuis quelques années, le pic de notre activité pendant l'été se situe entre le 14 juillet et le 15 août. C'est à cette période que nous faisons les bénéfices qui nous permettent de tenir pendant le reste de l'année », explique le restaurateur.

Pour aider les acteurs niçois du secteur touristique en difficulté, l'État a débloqué des fonds d'aide et a accordé des reports de cotisations sociales et d'échéances fiscales. De son côté, la métropole de Nice a accordé des exonérations d'impôts et de taxes pour les terrasses, les plagistes et les hôteliers le long de la promenade.

Pour M. Kanaan, ces mesures sont les bienvenues, mais elles ne permettront pas d'inverser durablement la tendance. « Le mal est fait, estime-t-il. Il n'y a que le temps pour guérir des blessures. La vie continue dans notre métier et notre savoir-faire, mais ils ont frappé à l'endroit et au moment qui nous font le plus de mal. » Et d'ajouter : « Les commerçants de Nice se disaient avant cette attaque que 2016 serait une bonne année, pensant profiter de la désaffection des touristes pour les pays instables de la Méditerranée. »

 

Rares sont les épargnés
Kader Djabri est le gérant d'un autre restaurant libanais, Le Socrate, situé à quelques centaines de mètres au nord de la promenade des Anglais. Cet Algérien précise que son établissement, qui emploie de nombreux Libanais, a été relativement moins touché que les restaurants ou les boîtes de nuit situés à proximité du bord de mer.

« Nous avons eu la chance de ne pas avoir subi de contrecoup dramatique. Nous avons rouvert le restaurant dès le lendemain de l'attaque. Les clients ont commencé à affluer dès 13h30. Nous avons effectué un excellent service, ce jour-là », se souvient-il, indiquant que « depuis le 15 juillet, Le Socrate n'a jamais désempli ». Le restaurant a néanmoins décidé de suspendre les spectacles qu'il propose habituellement pendant les dîners, en hommage aux victimes de l'attentat.
« En plus du restaurant, nous gérons un hôtel deux étoiles qui compte 30 chambres. Toutes les chambres avaient été réservées par un organisme scolaire qui organisait un voyage sur Nice pour 40 élèves. Sur ces 40 élèves, nous n'avons enregistré que trois annulations », précise Kader Djabri.

Selon le ministre de l'Économie, Emmanuel Macron, « il y a eu 20 à 30 % d'annulations les premiers jours qui ont suivi l'attaque » dans les hôtels de Nice après l'attentat, estimant que « les fréquentations se tiennent ». L'attentat de Nice a entraîné une baisse du taux d'occupation de 5 % à 10 % dans la ville et sur la Côte d'Azur « jusqu'au 22 juillet », selon un communiqué de la ville de Nice publié le 24 juillet.

 

(Lire aussi : Les professionnels du tourisme de la Côte d’Azur retiennent leur souffle)

 

A Nice, les Libanais encore sous le choc
Au-delà des difficultés économiques, l'attentat du 14 juillet a réveillé de lourds souvenirs auprès des membres de la communauté libanaise de Nice. Les parents de Rayane Kobaitri ont quitté Beyrouth il y a 40 ans, au moment du début de la guerre civile, avant de s'installer à Nice. "Nous avons vécu la guerre. Nous savons ce que c'est", dit-il comme pour relativiser. Il raconte que sa mère comptait se rendre sur la Promenade pour assister au feu d'artifice. "Au moment où elle arrivait sur les lieux, elle a vu les gens courir. Elle est Libanaise, elle a compris qu'il se passait quelque chose d'effroyable", explique-t-il.

Selon M. Kobaitri, "les Libanais qui habitent la ville sont traumatisés. Nous sommes tous des Français, choqués par ce qui est arrivé. Nous sommes aussi des Libanais, qui savent ce que sont le vivre-ensemble et la guerre contre le terrorisme", explique-t-il.

Wissam Kanaan, qui a quitté son Beyrouth natal il y a 32 ans, abonde dans le même sens. "Nous avons quitté le Liban à cause de tout cela. Quelle société laisserons-nous à nos enfants ?", s'interroge-t-il. Et de conclure : "Le 14 juillet, j'ai ressenti pour la première fois en France le sentiment de peur que j'avais ressenti au Liban au moment de la guerre".

 

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commentaires (1)

Plus de 80 morts... Plus de 420 Blesses... Une tragedie Nationale... Et on s'inquiete du chiffre d'affaires des restaurants libanais sur la Cote ! On aura tout vu !

Cadige William

12 h 14, le 04 août 2016

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Commentaires (1)

  • Plus de 80 morts... Plus de 420 Blesses... Une tragedie Nationale... Et on s'inquiete du chiffre d'affaires des restaurants libanais sur la Cote ! On aura tout vu !

    Cadige William

    12 h 14, le 04 août 2016

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