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Liban - L’éclairage

Encore et toujours le spectre de la Constituante...

La visite à Beyrouth du chef de la diplomatie française, Jean-Marc Ayrault, intervient au moment où le chef du bloc du Changement et de la Réforme, Michel Aoun, et le président des Forces libanaises, Samir Geagea, mènent une offensive pour sortir le dossier présidentiel de sa longue léthargie. La vacance présidentielle menace désormais la stabilité sécuritaire et économique du pays et si les leaders ne s'empressent pas d'assumer leurs responsabilités à cet égard, la situation pourrait prendre une tournure dangereuse, estiment des sources diplomatiques. Le tandem Aoun-Geagea a ainsi pris les devants, le second ayant convaincu le premier de reprendre langue avec les leaders musulmans, surtout le président de la Chambre, Nabih Berry, et le chef du courant du Futur, Saad Hariri, pour s'en rapprocher. Le président des FL a pris à sa charge une initiative sérieuse visant à convaincre M. Hariri, le chef du Rassemblement démocratique, Walid Joumblatt, ainsi que M. Berry, de la candidature Aoun et de « l'importance » de son arrivée au palais de Baabda. L'initiative du binôme chrétien part en fait de l'accusation portée par la communauté internationale aux leaders libanais, et particulièrement les chrétiens d'entre eux, de ne pas remplir leur devoir constitutionnel en ne prenant pas part aux séances électorales, et d'ignorer, ce faisant, leurs responsabilités à l'égard du pacte national. Selon des sources FL, l'initiative Geagea a ainsi permis de sortir le dossier de son immobilisme pour combler la vacance, notamment après l'attaque terroriste contre Qaa.
Avant sa visite au Liban, le chef du Quai d'Orsay Jean-Marc Ayrault avait tenté de mener une médiation auprès des deux pôles régionaux en conflit, l'Arabie saoudite et l'Iran, sans succès. Le chef de la diplomatie française s'est heurté à des positions de la part des deux pays appelant les parties libanaises à assumer leurs responsabilités et à élire un président sans attendre de signaux de l'extérieur ou la fin des crises régionales, telle que la guerre syrienne, sous peine de patienter longtemps. Et pour cause, la solution au conflit syrien ne serait pas proche. Elle pourrait requérir des années d'efforts, d'autant que la plupart des puissances influentes sont à l'approche d'élections présidentielles chez elles après septembre. C'est en tout cas le message implicite qu'aurait transmis l'émissaire russe Mikhaïl Bogdanov à l'un de ses amis libanais, affirmant qu'il ne se rendrait plus au Proche-Orient avant un changement de données pouvant faciliter sa mission. Il avait pourtant été question d'une visite de M. Bogdanov au Liban dans le but de plaider auprès de Téhéran pour le déblocage de la présidentielle. Préoccupé par d'autres dossiers régionaux, Moscou y aurait donc renoncé.
Jean-Marc Ayrault pourrait donc bénéficier d'un climat local éventuellement favorable au déblocage de l'échéance présidentielle. Surtout avec l'initiative Berry d'organiser un « mini-Doha » à Aïn el-Tiné en présence des principaux leaders politiques, afin de mûrir l'idée d'un compromis global sur les questions fondamentales, notamment la présidentielle. Avec, à la clé, quelques amendements au système politique réclamés par la communauté chiite sous le prétexte qu' « elle n'était pas correctement représentée à Taëf ». Il convient de rappeler que Hussein Husseini, par exemple, pourtant l'un des parrains de l'accord, avait payé cher le prix de sa participation à la conférence, et avait été écarté des postes de responsabilité, notamment après l'émergence du tandem Amal-Hezbollah et le raffermissement de la mainmise syrienne sur le pays.
Pour le tandem chiite, la parité islamo-chrétienne, qui se trouve à la base de Taëf, n'est plus viable, surtout avec la montée en puissance du Hezbollah à partir du retrait israélien de l'an 2000. Selon des sources bien informées, le parti chiite ne saurait plus se contenter de la présidence de la Chambre et réclame désormais plus de participation institutionnelle à la décision politique, notamment que le pouvoir exécutif ne soit plus circonscrit au Grand Sérail, c'est-à-dire aux mains de la communauté sunnite, pointée du doigt comme l'agent de Riyad au Liban. Toute solution à la crise libanaise passerait donc inéluctablement par un dialogue avec le Hezbollah sur la refonte du pouvoir, estiment ces sources. Sinon, le Liban risquerait fort bien de rester dans les limbes, jusqu'au printemps 2017, date de la fin du mandat prorogé de la Chambre, et de plonger ensuite dans le vide total et ses dangers.
Inutile de dire que ce worst case scenario est exploité sans modération par le Hezbollah pour pousser ses adversaires politiques à accepter le compromis et les réformes qu'il souhaite. Même l'élection d'un président de la République, quel qu'il soit – y compris M. Aoun – n'y changerait pas grand-chose, souligne ces sources, avant d'ajouter que le Hezbollah ne laisserait en effet aucun président gouverner, ni aucun État fonctionner, avant d'obtenir les réformes qu'il souhaite.

La visite à Beyrouth du chef de la diplomatie française, Jean-Marc Ayrault, intervient au moment où le chef du bloc du Changement et de la Réforme, Michel Aoun, et le président des Forces libanaises, Samir Geagea, mènent une offensive pour sortir le dossier présidentiel de sa longue léthargie. La vacance présidentielle menace désormais la stabilité sécuritaire et économique du pays...

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