Nous vivons dans un pays où des criminels patentés ont eu droit à des fauteuils de ministre, sans que jamais une pétition, une manifestation ne dise notre écœurement. Et voilà que des esprits bornés s'enflamment pour demander que l'écrivain Amin Maalouf soit déchu de sa nationalité libanaise. Motif du crime ? Avoir donné un entretien à la chaîne de télévision israélienne i24. On peine à croire que l'histoire est vraie. Au moment où tous les pays de la région s'effondrent sous le coup d'une défaite générale – due pour une bonne part à ce que Maalouf nomme très justement « les identités meurtrières » –, au moment où la barbarie sortie de nos rangs nous assiège et nous dépossède de tous côtés, il faudrait que nous cédions notre dernier lopin de liberté intellectuelle à des inquisiteurs nationalistes ?
Oui, nous sommes en guerre contre Israël, oui, la chaîne de Patrick Drahi est loin d'être aussi neutre qu'elle veut nous le faire croire, oui, nous étions en droit d'espérer qu'un écrivain de renommée internationale, couvert d'honneurs et de prix, aurait saisi l'occasion d'un tel entretien pour dire quelques mots de désaccord avec le régime par excellence de « l'identité meurtière ». Il ne l'a pas fait, c'est dommage. Mais au nom de quoi lui intenter un procès ? Quand donc les Arabes, soucieux de la Palestine, cesseront-ils de se battre avec des armes qui contribuent davantage à sa démolition qu'à sa survie ? Quand comprendrons-nous que nous fournissons des armes à Netanyahu et aux siens chaque fois que nous les imitons en construisant des murs ? Qu'attendons-nous pour consacrer notre énergie à soutenir les dissidents israéliens qui se battent au quotidien contre l'apartheid de leur pays, plutôt qu'à entretenir les fabriques de la confusion et de la haine ?
Maalouf n'a jamais prétendu être un écrivain engagé. C'est son choix et son plein droit. La cohérence de ses livres et de son parcours parlent pour lui. Il n'est pas un homme de conflit. On peut émettre un avis sur telle ou telle de ses abstentions, mais le pourfendre ? À quel titre et avec quels arguments ? Quelle sont la structure, le niveau et le contenu de la pensée qui s'oppose à la sienne ? Lequel de ses détracteurs peut-il s'enorgueillir d'avoir fait plus ou mieux que lui dans le sens du respect de l'autre et de la paix ?
Les régimes de la région et les médias qui leur sont affiliés ont tous ou presque traîné la vérité dans la boue. La trahison est partout. C'est à ne plus savoir par quel bout la prendre. Qu'on nous épargne au moins le grotesque de la dénoncer là où elle n'existe pas.
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commentaires (7)
merci Mr pour votre engagement a la culture, l'echange entre nation FAIT SA RICHESSE ... car l'echange entre nation EST PRIMORDIALE et c"est elle qui fait subsister notre monde !! encore une fois IL EST TEMPS GRAND TEMPS QUE LE LIBAN AUSSI FASSE PARTIE DE CES PAYS ARABES QUI ONT UN TRAITER DE PAUX AVEC ISRAEL (MEME SI JE PENSE AUSSI QU'ISRAEL N'EST PAS INE SAINTE) ET DEVRA ETRE JUGER MAIS PAS ISRAEL COMME PAYS AVEC SON PEUPLE MAIS SON GOUVERNEMENT ET SES SIONISTES OUI)
Bery tus
15 h 29, le 14 juin 2016