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Scan TV - Scan TV

C’est peut-être nous qui avons un chromosome en moins...

Zouzou écoutant avec le sourire les insultes du client énervé dans une mise en scène de Tarek Soueid caché derrière les caméras. Capture d’écran

L'émission al-Sadma – The Shock, diffusée sur la chaîne MBC durant le mois de ramadan et dont l'audience ne cesse de croître, a mis il y a quelques jours face à face un jeune homme à besoins spéciaux et un homme moqueur et cynique.

Le jeune homme, « Joseph », assez robuste, avec les signes du syndrome de Down bien visibles sur les traits de son visage et au sourire infaillible, s'occupait à remplir les sacs dans un supermarché lorsqu'un client visiblement en retard a commencé à s'impatienter et à lui mettre la pression, tout en râlant contre la direction qui n'a pu, selon lui, « trouver une personne normale à embaucher ». La scène se déroule dans un supermarché au Liban et les clients inconscients entraient en scène sans se douter que cet accrochage était en fait un scénario préparé à l'avance et que la victime présumée était aussi dans le coup. Le soi-disant client nerveux et impatient élève la voix et, dans le but de se faire entendre et faire réagir ceux qui l'entourent, malmène verbalement le jeune homme qui essaye de faire de son mieux en accélérant le rythme de son travail sans pour autant réussir. Au contraire, il bloque complètement et n'arrive même plus à ouvrir les sacs en nylon pour empaqueter les emplettes de l'homme désormais carrément en colère. C'est à ce moment-là que les autres clients du magasin commencent à réagir en lui demandant de se calmer et de « prendre en considération les capacités du jeune homme qui essaye de se surpasser et de le satisfaire de peur d'être mis à la porte ». Certains ont pu apporter de l'aide à la soi-disant victime sans la qualifier de quoi que ce soit, juste en s'approchant et en proposant de remplir les sacs eux-mêmes, tandis que d'autres n'ont pas pu s'empêcher d'essayer d'apitoyer le soi-disant client, visiblement sans cœur ni âme, en lui chuchotant à l'oreille que c'est « haram » de traiter le jeune garçon ainsi, « vu son cas ». Un client à la carrure assez imposante s'est même lancé dans une leçon de morale, devant le jeune homme qui s'affairait de son mieux avec ses sacs, sur son incapacité intellectuelle et ses déficits mentaux, comme si ce dernier n'existait même pas, ou comme si la trisomie 21 s'accompagnait de surdité... Jusqu'à ce que le client-comédien finisse par avouer aux défenseurs de sa « victime » que tout ce scénario était en fait préfabriqué afin de pouvoir enregistrer la réaction d'une certaine population face à l'injustice et à la maltraitance dans des endroits publics.

Tarek Soueid, le jeune présentateur, vedette par ailleurs sur la OTV, connu pour son militantisme auprès des plus défavorisés et qui est aux commandes de cette émission, paraît devant la caméra pour féliciter les personnes qui ont montré, l'affaire de quelques minutes, un haut degré d'humanité.
Sauf que les personnes qui méritent d'être félicitées sont plutôt celles qui ont fait preuve de maturité intellectuelle et de noblesse d'âme sans pour autant verser dans un apitoiement et dans un diagnostic médical public, avec le risque de dégrader encore davantage l'image des personnes à besoins spéciaux, et qu'on retrouve presque dans toutes les familles : ce sont un frère, une sœur, une nièce, un neveu, une tante, un oncle, une fille, un fils ou un voisin.

Ces personnes vivent encore en marge de la société et dans des cocons protecteurs fermés (pour ceux qui ont le plus de chance), c'est-à-dire des associations. Le hic, c'est qu'elles ont plutôt besoin de devenir l'ami, le camarade de classe, le partenaire de danse, le compagnon de sport et surtout le collègue au travail de quelqu'un – en un mot, besoin d'une insertion sociale complète. Si elles ont pu bénéficier de l'empathie et de la défense de quelques personnes exceptionnelles devant une caméra cachée le temps d'une émission qui se veut porteuse d'un message humain, leurs parents ou leurs proches sont toujours la cible, derrière les caméras évidemment, du regard biaisé d'une société atteinte d'un handicap sévère et qui refuse pratiquement de les voir totalement intégrées à la société active.

Ainsi, nombreux sont encore aujourd'hui au Liban les parents qui choisissent d'enfermer ou de laisser à la maison leur enfant pour éviter qu'il soit traité de « mongolien », comme l'ont fait maladroitement des centaines d'internautes en partageant la séquence de l'émission sur Facebook, ou de peur qu'il agisse à sa guise et embarrasse la famille devant des invités trop parfaits et devant lesquels ils doivent paraître irréprochables.
La seule chose embarrassante dans cette société, c'est combien nos esprits peuvent être limités, combien nous pouvons avoir peur du regard des autres, comme si ces enfants sont la preuve d'un échec quelconque, d'une honte assurée. Ces enfants à l'amour débordant avec un appétit d'ogre, une tendresse intarissable, un corps robuste et surtout un cœur inaliénable ouvert à tous, n'ont pas un chromosome en plus, c'est nous qui n'avons pas encore réussi à les intégrer sans aucun préjugé dans notre vie quotidienne, nous qui avons visiblement un chromosome en moins, celui de l'amour et de la tolérance.
MBC, 18:45.

 

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