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Liban - La psychanalyse, ni ange ni démon

Le narcissisme et le deuxième dualisme pulsionnel chez Freud

Freud introduit le concept de «narcissisme» dans l'analyse du cas Schreber. Daniel Paul Scherber avait publié ses Mémoires, Mémoires d'un névropathe, en 1903, et Freud les avait analysés en 1910. Ce cas célèbre de psychose paranoïaque (que l'on peut trouver dans Cinq psychanalyses et que nous verrons en détail par la suite) allait donner à Freud l'occasion de montrer qu'il existait une phase de développement de la sexualité où «le sujet commence par se prendre lui-même, par prendre son propre corps comme objet d'amour». Ce stade du narcissisme étant intermédiaire entre l'autoérotisme des pulsions partielles (c'est-à-dire l'érotisme dégagé par les lèvres, les narines, la peau... dans les échanges fusionnels avec la mère lors de la 1re année de la vie) et l'amour objectal (l'érotisme tendu vers l'autre), ce stade permet donc à Freud de réfuter les thèses de Jung : même dans la psychose, la libido est là. Dans la schizophrénie, la libido régresse à l'autoérotisme, alors que dans la paranoïa du Président Schreber, la libido régresse au narcissisme.
Grâce à ce concept de narcissisme, ou d'amour porté à l'image de soi comme dans le mythe de Narcisse, Freud préservait l'unité de sa théorie. Névrose et psychose fonctionnent selon la même logique. Ce concept lui permettait aussi de comprendre plusieurs tendances attribuées au moi et désexualisées auparavant. La fatigue, le sommeil, la douleur, la maladie sont les conséquences d'un retrait de la libido du monde extérieur vers le moi. Le moi est donc lui aussi érotisé, sexualisé.
À partir de 1914, un nouveau dualisme pulsionnel apparaît: la libido du moi et la libido d'objet. (Nous verrons plus loin comment Lacan reprendra cette question avec le stade du miroir.) Si ce nouveau dualisme entre libido narcissique et libido objectale ne rend pas complètement caduc le premier dualisme entre fonctions d'autoconservation et pulsions sexuelles, il amorce néanmoins un mouvement d'élaboration théorique qui va conduire Freud à un dernier dualisme pulsionnel opposant pulsions de vie et pulsions de mort, ainsi qu'à la seconde topique de l'appareil psychique: ça, moi et surmoi.
Ce qui va amener Freud à ce nouveau et dernier dualisme pulsionnel opposant pulsions de vie et pulsions de mort, c'est la nécessité de rendre compte de certains faits observés cliniquement et que le dualisme précédent ne pouvait plus expliquer. Ainsi, si le plaisir est lié à la réduction d'une excitation et le déplaisir provient d'une accumulation de ces excitations, comment comprendre la compulsion à répéter des situations déplaisantes, désagréables, voire douloureuses? Comment comprendre l'importance prise par les autoreproches dans une affection comme la mélancolie? Comment comprendre le masochisme primaire et la haine de soi?
Le principe de plaisir, tel que nous l'avons vu rapidement, ne pouvait plus aux yeux de Freud rendre compte de ces phénomènes. De même, dans la cure analytique, la «réaction thérapeutique négative» et le refus inconscient de guérir ne pouvaient être interprétés à la seule lumière de l'opposition entre principe de plaisir et principe de réalité. Freud postule alors l'existence des pulsions de mort, et les oppose aux pulsions de vie. L'opposition entre l'amour et la faim devient l'opposition entre l'amour et la mort. Les pulsions de mort tendent à ramener l'organisme vivant à un état anorganique, antérieur à la vie. Leur but est de dissoudre les assemblages en unités de plus en plus petites. Les pulsions de vie tendent, au contraire, à constituer des unités toujours plus grandes.
De ce point de vue, la psychanalyse elle-même, en tant qu'elle opère par déliaison, déconstruction, serait l'œuvre de la pulsion de mort. L'interprétation d'un rêve par exemple, qui nécessite sa déconstruction, sa dissolution en petits éléments afin de mettre en évidence le désir du rêve, est l'œuvre de la pulsion de mort.
On comprend alors la résistance farouche qui a frappé les analystes lorsque Freud a ajouté ce concept à sa théorie. Jusqu'à aujourd'hui, il y a des analystes qui rejettent la pulsion de mort, pourtant si essentielle à la compréhension d'une clinique qui est de plus en plus actuelle.
Dans ce nouveau dualisme pulsionnel, toutes les pulsions sexuelles décrites auparavant se trouvent regroupées dans les pulsions de vie, y compris les fonctions d'autoconservation qui étaient dévolues au moi. Or, cette notion de moi, présente depuis le début de l'élaboration freudienne, allait subir des remaniements progressifs et aboutir au statut d'instance, le moi opposé au ça et au surmoi dans la seconde topique. Nous verrons cela la prochaine fois.

Freud introduit le concept de «narcissisme» dans l'analyse du cas Schreber. Daniel Paul Scherber avait publié ses Mémoires, Mémoires d'un névropathe, en 1903, et Freud les avait analysés en 1910. Ce cas célèbre de psychose paranoïaque (que l'on peut trouver dans Cinq psychanalyses et que nous verrons en détail par la suite) allait donner à Freud l'occasion de montrer qu'il...

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