C'était il y a un peu moins d'un an. L'État islamique (EI) s'emparait de la cité antique de Palmyre. Après quelques jours de combats, les soldats de l'armée syrienne avaient dû fuir – délibérément, ont dit certains – devant l'avancée des jihadistes. Les Suhkoï russes ne dominaient pas encore les airs. Et les avions américains s'étaient abstenus de bombarder les positions de l'EI, dans cette région, pour ne pas donner l'impression de venir en aide au régime syrien. Jaych el-Fateh, une coalition de factions rebelles menée par le Front al-Nosra (branche syrienne d'el-Qaëda), et le groupe salafiste Ahrar el-Cham venaient de mettre la main sur les villes d'Idleb et de Jisr el-Choughour, infligeant une lourde défaite aux troupes loyalistes. Le régime syrien apparaissait comme vulnérable et Bachar el-Assad était affaibli.
Dix mois plus tard, la situation a complètement changé. Fortes de l'appui des Russes et des Iraniens, les troupes loyalistes ont délogé les jihadistes de la perle antique du désert syrien après vingt jours de combats. Après avoir sécurisé le littoral, coupé les routes d'approvisionnement des rebelles dans le Nord et dans le Sud, le régime peut se prévaloir d'une nouvelle victoire avec la reconquête de Palmyre. La victoire est militaire et politique, symbolique surtout, en attendant la suite des événements...
(Lire aussi : Des soldats syriens "soulagés" après leur entrée dans la cité antique de Palmyre)
Des raisons stratégiques
Pour le régime, la ville de Palmyre ne revêt pas la même importance qu'Alep ou Lattaquié. Pour l'EI, elle n'a pas la même importance que Deir ez-Zor ou Raqqa. Mais pour l'un comme pour l'autre, la conquête de Palmyre était notamment motivée par des raisons stratégiques. La cité est un avant-poste pour mener des opérations à Homs ou Damas. C'est aussi un carrefour qui donne accès aux provinces de Deir ez-Zor et de Raqqa, et relie le sud de la Syrie à l'Irak. La prise de Palmyre permet ainsi au régime de sécuriser les routes en direction du littoral et de préparer les offensives vers Deir ez-Zor – où les troupes loyalistes sont encerclées par les jihadistes – et vers Raqqa, capitale syrienne de l'État islamique. Militairement, la reprise de Palmyre lance la course à la reconquête de l'Est syrien même si celle-ci est loin d'être acquise. Elle témoigne, surtout, de l'efficacité de la stratégie russo-iranienne qui a réussi à remettre en selle un régime très affaibli par cinq ans de guerre.
Au-delà de la ville, déserte puisque l'EI avait dit aux habitants de fuir avant l'offensive, c'est la reprise du site archéologique qui confère un aspect symbolique à cette victoire. Les images de la destruction des temples de Bêl et de Baalchamine, et de l'arc de triomphe et des tours funéraires par les jihadistes avaient fait le tour du monde et sensibilisé les opinions occidentales – davantage que la mort de centaines de milliers de Syriens. En reprenant le site, qui n'a pas été totalement détruit, l'armée syrienne se présente comme une protectrice du patrimoine de l'humanité, comme une gardienne de « la civilisation contre la barbarie ». Le narratif du régime s'en retrouve renforcé : il se targue d'être la seule force sur le terrain capable de vaincre l'EI. Et cette posture convient de plus en plus aux Occidentaux, notamment aux Américains, qui ont clairement hiérarchisé leurs ennemis.
(Voir aussi : Palmyre libérée de l'EI : les premières images de la cité antique)
Changement de ton
À l'instar des Russes, les Américains ont bombardé des positions jihadistes au moment de l'offensive des forces du régime sur Palmyre. Hier, ils ont salué la reprise de la ville, comme l'avait fait dimanche le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon. Même si elles ne doivent pas être interprétées comme une réhabilitation de Bachar el-Assad, ces postures témoignent d'un changement de ton qui fait suite au rétablissement du rapport de force en faveur du régime et de ses alliés. Cette évolution dans la perception des forces du régime est la principale victoire des Russes et des Iraniens. Grâce à leurs interventions coordonnées, ils sont en train d'imposer le régime comme la plus grande force sur le terrain et la seule alternative politique pour lutter contre le terrorisme.
Reprendre Palmyre au lendemain des attentats de Bruxelles est, dans ce sens, un joli coup de communication pour le régime et pour ses alliés. Ils se positionnent comme des partenaires indispensables dans la lutte contre le terrorisme, notamment dans l'idée d'une coordination pour la reconquête de l'Est syrien.
Le régime récupère ainsi une partie de son territoire, et par conséquent de sa légitimité. Ce qui n'est pas une bonne nouvelle pour l'opposition syrienne : plus le régime se renforce, moins il sera enclin à négocier. Et, contrairement aux alliés du régime, les soutiens de l'opposition n'ont pas les moyens – ou la volonté – de changer le rapport de force sur le terrain. L'idée que le régime de Damas est la seule alternative possible contre l'EI est en train de s'imposer. Quitte à oublier que ce pouvoir n'a pas les capacités de tenir ses territoires sans la perfusion russo-iranienne. Quitte à oublier que Palmyre est aussi tristement célèbre pour les atrocités commises par ce régime dans sa prison.
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commentaires (8)
**la voix du peuple EST la voix de Dieu !!**
Bery tus
21 h 17, le 29 mars 2016