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Agenda - Hommage

Un banquier nommé Abdo Jeffi

Je ne suis sans doute pas de ceux qui l'ont le plus connu, mais les circonstances firent que notre première rencontre eut lieu en juillet 2006, dans un taxi que nous avons partagé, et qui devait nous emmener, sous les bombes de l'aviation israélienne, à travers la frontière de Masnaa, à Amman, où, insensés, nous devions prendre chacun un avion pour affaires. Sous les bombes. L'aéroport était fermé. La frontière de Masnaa fermera aussi quelques heures après notre passage.
Nous voilà embarqués, au péril de notre vie, lui et moi qui ne nous connaissions pas, pour une équipée de 3 heures, sur cette route apocalyptique, parsemée ça et là de voitures calcinées.
À l'heure où le Liban connaissait sans doute le pire épisode de ses 20 dernières années, combien d'appels a-t-il reçu durant ce trajet ? Je ne pourrais le dire. Assis à l'arrière, je n'entendais que la sonnerie de son téléphone et sa voix bourrue, paternelle, enjouée rassurer les déposants paniqués (princes arabes et autres grandes fortunes...). À ceux qui lui évoquaient les scènes qu'ils voyaient à la télé, il enjoignait d'éteindre leur poste car (selon ses dires) « il n'y avait rien ». « Ma fi chi, ana b2ellak eza fi chi. » Sans concession.
Abdo Jeffi est d'abord un infatigable créateur de richesse. Sa force, c'est la confiance inaltérable et contagieuse qu'il irradie, qui ne repose ni sur la stabilité du pays ni sur la notoriété d'une banque... Il n'est pas un banquier ordinaire. C'est un faiseur de banques.
Dans un univers où ne compte que le nombre de zéros à la droite d'un chiffre, plus que tout, pour lui, l'enjeu était l'aventure humaine. Il avait le courage et la détermination d'un bâtisseur, la bienveillance et l'autorité d'un père, la curiosité et la spontanéité d'un enfant. Du flair, du bon sens, de la constance, de la générosité et surtout de l'audace. Un homme singulier et attachant. J'ai eu le plaisir de le revoir quelques fois durant ces dernières 10 années. Il est resté authentique, immuable, humble et sauvage, dans ce que ce terme a de plus noble.
Abdo Jeffi est une école à lui seul. Celle qui démontre que ce qui fait la réussite d'une entreprise, d'une banque, ce n'est pas que la technologie, la publicité, les slogans, les logos, les procédures, les CRM / KYC, ni les beaux diplômes... Que la finance n'est pas que statistiques boursières, analyses, ratings... Que l'essentiel est ailleurs. L'essentiel est d'oser faire, malgré tout, le pari de la confiance en l'homme.
À sa famille je dis que, de là où il se trouve, il les rassure. « Ma fi chi. » Et que c'est au tour des cieux qui l'accueillent à présent de faire fortune.

Fadi F. KHOURY

Je ne suis sans doute pas de ceux qui l'ont le plus connu, mais les circonstances firent que notre première rencontre eut lieu en juillet 2006, dans un taxi que nous avons partagé, et qui devait nous emmener, sous les bombes de l'aviation israélienne, à travers la frontière de Masnaa, à Amman, où, insensés, nous devions prendre chacun un avion pour affaires. Sous les bombes. L'aéroport était fermé. La frontière de Masnaa fermera aussi quelques heures après notre passage.Nous voilà embarqués, au péril de notre vie, lui et moi qui ne nous connaissions pas, pour une équipée de 3 heures, sur cette route apocalyptique, parsemée ça et là de voitures calcinées.À l'heure où le Liban connaissait sans doute le pire épisode de ses 20 dernières années, combien d'appels a-t-il reçu durant ce trajet ? Je ne pourrais le...