Comme il aimait à le répéter, Serge Gainsbourg est né sous une bonne étoile « jaune ». Est-ce d'avoir porté, enfant, ce signe d'infamie, est-ce d'avoir vécu la misère sous l'Occupation ou d'avoir été placé, à cette époque, dans un collège de jésuites pour échapper aux rafles, ce qui lui vaudra de passer une nuit entière seul dans une forêt ? Est-ce d'avoir souffert d'un physique qu'il jugeait laid et qui l'affectait d'une timidité maladive ? Pour faire oublier son nez busqué, ses oreilles décollées, ses cheveux indisciplinés, sa barbe clairsemée, bref, sa « tête de choux », Gainsbourg, même dans sa période trash où il s'était muté en Gainsbarre, cultivait un dandysme bien à lui, en marge des modes et des tendances.
Le costard
Le goût de l'élégance est souvent caractéristique d'une adolescence pauvre. À ses débuts, pianiste dans les caves de Saint-Germain, Gainsbourg s'imposait, comme toute la jeunesse misérable de la Libération et surtout comme Boris Vian, son idole, un style propre sur soi, costume-cravate, d'une part imposé par le métier et d'autre part faisant effet de passe-muraille. Les traumatismes sont encore trop vivaces pour que le jeune homme soit tenté par un costume trop voyant. Il reviendra souvent à ce style un peu guindé de dandy de base, veste sombre, chemise blanche, cravate noire et fine, pantalon cigarette. La chemise est parfois remplacée par un polo étriqué, boutonné jusqu'au cou. L'hiver il porte aussi un petit col roulé noir et enfile par-dessus un duffle-coat. Mais il ne cèdera jamais, et c'est tout à son honneur, aux hideuses sirènes du pattes d'eph' des années 70.
Le blazer à rayures
Oui, mais. Dès 1969, propulsé au panthéon de la pop et du rock french style, l'argent commençant à rentrer, l'heure est venue pour Gainsbourg de construire son image. Dans le paysage de la mode parisienne sévissent de nouveaux talents qui révolutionnent la silhouette masculine. Gainsbourg adopte Saint Laurent qui sublime l'unisexe et trouve chez Maurice Renoma ce fameux blazer cintré, près du corps, rayures tennis et double boutonnage, qui lui confère un style mi-crooner, mi-souteneur. La veste est toujours boutonnée sur une chemise blanche à col
ouvert. La pochette permet des personnalisations.
L'imper Renoma
C'est un imper, avec tout ce que représente un imper comme souvenirs de tranchée et cicatrices de guerre. Gainsbourg aime Renoma. Gainsbourg fait la réclame pour l'imper Renoma qui vise le marché japonais. Photographié par David Bailey, il tient Jane Birkin nue sur ses genoux (une expérience qu'il réitère en blazer devant l'objectif de Helmut Newton). Réputé pervers, l'imper est ici souriant, à peine coquin. Beige, toujours.
Tout sur la Zizi
Elle a été créée par Rose Répetto pour sa belle-fille, la sublime Zizi Jeanmaire. Danseuse de revue, cette dernière avait commandé ce modèle pour un tableau de jazz. Fabriquée selon la technique des ballerines, la Zizi est un chausson à lacets imitant la richelieu, doté d'un talon de 2 cm et d'une semelle cousue à l'envers avant d'être retournée. Comme il n'est pas doublé, il est d'une souplesse propice à la danse. Gainsbourg le découvre à travers Jane et l'adopte à vie, de préférence en blanc. On dit qu'il en usait de 10 à 30 paires par an qu'il portait sans chaussettes. Petit marcheur, on se demande où il pouvait bien les user. Mais caprice de dandy oblige. La Zizi restera à jamais l'emblème du style Gainsbourg, adoptée en souvenir par des chanteurs de la nouvelle génération, tels que M ou Benjamin Biolay.
La chemise à pressions
Gainsbarre se profile avant de se barrer pour de bon. Dans la dernière partie de sa vie et de sa carrière, Gainsbourg décide de sortir son double négatif du placard. Il veut se lâcher, lâcher prise, arrêter de se contrôler, se soûler en public, en un mot exister, tel qu'en lui-même. Son vestiaire est alors envahi de jeans et chemises chambray à boutons pression qu'il porte sous le pantalon, largement ouvertes sur une poitrine glabre où pend une chaîne en or ornée d'un diamant noir. Le jeans, Lee ou Levi's, ne dévie pas de la coupe cigarette. Les Zizi sont toujours présentes, comme des ex-voto sur une icône. Le soir, quand le smoking s'impose, Gainsbarre donne l'impression de porter la veste à même la peau. En fait, ce maniaque de l'hygiène, malgré ses airs faussement crado, découpe ses tee-shirts au niveau de la poitrine de manière à montrer le haut du torse nu.
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Le top 5 des scandales
5 - La Marseillaise... en reggae. Réécrite par Gainsbourg, elle devient Aux armes et ceatera et suscite colère et indignation. Ô rage...
4 - En 1984, sur le plateau de l'émission politique 7/7, pour protester contre la lourdeur des impôts, il brûle un billet de 500 francs. Shocking !
3 - « Vous êtes une pute ! » lance-t-il à Catherine Ringer (des Rita Mitsouko) en direct sur le plateau d'une émission de télé. Face au flegme de l'insultée, il s'énerve et menace de lui mettre une baffe. Culte.
2 - En 1986, sur le plateau de l'émission de Michel Drucker, Champs-Élysées, ses yeux globuleux ne quittent pas Whitney Houston. Il bafouille alors : « I want to F.. k her ». La diva hallucine et claque la porte. Re-Shoking !
1 - Je t'aime ... moi non plus, Love on the Beat... Simulés ou pas, enregistrés live ou pas, les orgasmes sur bande magnétique en ont effaré plus d'une oreille chaste. Ciel !