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Culture - Exposition

L’angoisse et l’orage au détour de la quiétude du paysage libanais...

Quatorze acryliques et un fusain sur toiles, signés Oussama Baalbaki, tapissent les cimaises de la Galerie Agial. Le paysage libanais, coloré en teinte vermeerienne, agressé et agressant, nimbé d'une certaine beauté, faussement serein, sous un implacable regard baudelairien...

Une œuvre d'Oussama Baalbaki.

Les cheveux châtains clairs annelés, ruisselants le long de la nuque, barbe touffue presque rousse, pull marin sur chemise claire et jean délavé, les yeux bleus porcelaine derrière les lunettes, Oussama Baalbaki, du haut de ses trente-huit ans, affronte sa sixième exposition individuelle.
En une maîtrise d'un art qu'il peaufine en toute subtilité et patience depuis plus d'une décennie. Touche déjà reconnaissable d'emblée et griffe bien installée pour avoir dénoncé une réalité qui n'offre pas que de la beauté et de la paix.
Loin des chars, des bottes, des « keffiehs » et écharpes des combattants, des autoportraits sans complaisance, des bus délabrés et voitures, criblés de balles et rongés de rouille, dans le même sillage de regard critique et vigilant, il aborde aujourd'hui le paysage local. Pour le dénuder et le déniaiser. Dans un urbanisme sauvage, inquiétant et dévasté. Réalisme guère lisse certes, mais avec un grain de poésie et une imagination toujours active et surprenante.

Entre ciel aux nuages menaçants ou en spirales « van goghiennes », immuable azur de paradis guetté par un cumulus intrépide qui se transforme en chape de plomb, (auto)routes silencieuses gardées par des arbres aux feuilles figées qui veillent farouchement à leurs secrets, des immeubles encore debout, mais livrant l'anarchie et la misère humaine, de toute évidence, il y a là une bonne dose de réalisme.
Non un réalisme lisse, plat, ébaubi ou misérabiliste, mais celui métissé de poésie, de sensibilité frémissante et d'un imaginaire qui a ses doutes, sa bienveillance, sa malveillance, sa sollicitude, ses réserves, ses éloquences, ses silences, ses mises en garde.

Alors les images n'ont plus cet aspect benoîtement souriant, confiant, débordant d'un contentement suffisant et béat. La nature, dans son élan et son ombrelle romantique, n'est plus ici seulement consolation, confidence, réparation de l'âme et du corps, tremplin aux rêves et à la divagation.
Sans dévoiler totalement l'envers du décor, la nature annonce, brusquement ou en douceur, des couleurs de violence, de cataclysme, de mal de vivre, de mal-être.
Se positionnent alors au coin d'une crête de montagne, d'un panneau publicitaire en terrain vague, d'un peuplier ouvrant les bras à un hameau, les grues se profilant sur un ciel industriel strié de feu, les signes de ce qui met la puce à l'oreille... Solitude effarante des bretelles de routes, fenêtres aveugles, des villages lovés dans leur drame de vivre, un aspect différent, qui en cache un autre prêt à se révéler dans sa tourmente, son inquiétude, ses angoisses, ses manques et manquements...


(Pour mémoire : Oussama Baalbaki, un peu de couleurs à... « L'ombre des idées noires »)

 

Portrait de Baudelaire
Le regard intense et fiévreux de l'auteur des Fleurs du mal dans une monumentale reproduction sur toile de la photographie d'Étienne Carjat donne la clef à ce paysage libanais revisité. Avec la lorgnette du chantre de la modernité qui a séparé la beauté de la morale, les moments de bonheur de la violence, la mélancolie du besoin d'évasion, les imitateurs de la nature du dire des artistes avant-gardistes et révoltés contre conservatisme et tiédeur...
Et c'est ainsi que se succèdent ces tours de palette de la fenêtre de l'atelier et de la chambre du peintre. De Zokak el-Blat à Bhamdoun en passant par le Sannine, Baskinta, Tannourine, Dbayé, Hammana, Baabdate, le regard de l'artiste, ferme, lucide et déterminé, ne cède jamais à la tentation d'édulcorer ou de cacher l'indicible.
Au contraire, comme un indomptable sens de détection, la réalité, dans son actualité la plus crue et la plus nue, affleure. En tout naturel élégant. Car ici, sous ces pinceaux aux contrastés vifs et appuyés, empruntant à la nuit et au feu leur mystère et leur chaleur, jamais la vérité ne blesse mais libère... Et d'éveiller et cravacher les consciences !

Tour d'horizon, de la côte aux flancs des montagnes, pour dénuder le paysage et lui faire cracher les « anomalies » comme tapies au creux d'une vague déferlante. On retient la beauté secrète, avec cette force de la lumière à la Rembrandt dans une irisation turquoise, d'une promenade nocturne dans un sous-bois. Telle une image impalpable du Grand Meaulnes d'Alain-Fournier en quête d'un bonheur fugace, essence d'une vie, à ne pas rater.
Pour Oussama Baalbaki, féru des films de Kubrick et de Polanski, la peinture, expression majeure, avec une technique usant avec brio des couleurs monochromes, a fonction de vecteur de beauté, mais aussi de baromètre d'un paysage défiguré et portant l'empreinte de certaines blessures.

L'exposition intitulée « Spectres of the real » (Les spectres du réel) d'Oussama Baalbaki à la Galerie Agial, rue Abdel Aziz, se prolonge jusqu'au 6 février 2016.

 

Pour mémoire
Oussama Baalbaki entame son retour à la couleur

Les cheveux châtains clairs annelés, ruisselants le long de la nuque, barbe touffue presque rousse, pull marin sur chemise claire et jean délavé, les yeux bleus porcelaine derrière les lunettes, Oussama Baalbaki, du haut de ses trente-huit ans, affronte sa sixième exposition individuelle.En une maîtrise d'un art qu'il peaufine en toute subtilité et patience depuis plus d'une décennie....

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