Au lendemain du second tour des élections régionales françaises, il est possible d'analyser les résultats de deux façons différentes : d'un point de vue arithmétique et d'un point de vue politique.
Sur le plan arithmétique, il est indéniable que le parti Les Républicains (LR) sort gagnant de ces élections en remportant sept régions, parmi lesquelles les plus peuplées de France. Le Parti socialiste sauve les meubles en remportant la présidence dans cinq régions. Le Front national subit, quant à lui, un nouvel échec au second tour, comme aux municipales de 2014, en ne parvenant pas à concrétiser ses excellentes performances du premier tour.
Tout s'est finalement passé dimanche soir comme si les résultats du premier tour n'étaient qu'un accident et que les vieilles habitudes avaient repris le dessus. Le FN n'a remporté aucune région et les deux partis traditionnels se sont partagé, comme à l'accoutumée, le pouvoir.
Sur le plan politique, ces élections ont toutefois mis en évidence plusieurs paradoxes. La France est plus que jamais à droite, mais la gauche a limité la casse. La gauche a offert une victoire à la droite tout en sachant que la droite n'aurait pas fait la même chose en de pareilles circonstances. La droite a gagné grâce au désistement contre nature de la gauche, donc grâce aux électeurs de gauche, mais cette victoire valide la stratégie droitière de Nicolas Sarkozy.
Les raisons ou la peur ?
La droite est désunie, au bord de l'implosion, mais arrive en tête de ces régionales. La gauche est morcelée, pétrie de contradictions, mais arrive en deuxième place. Le FN a obtenu le plus grand nombre de voix de son histoire, poursuivant encore sa progression, mais n'obtient aucune présidence de région.
Comme en 2002, le sursaut républicain a bien eu lieu, et les électeurs se sont mobilisés pour faire barrage au FN. Mais contrairement à 2002, les contours de ce « front républicain » sont illisibles, et sa logique est sujette à interrogation. Quelles sont les raisons qui poussent par exemple un électeur de gauche à préférer Christian Estrosi, représentant de l'aile la plus droitière au sein des LR, à Marion-Maréchal Le Pen ? Ces raisons sont-elles d'ordre économique, social, sociétal, ou bien ce choix est-il seulement imputable à une peur que le FN accède au pouvoir ? Autrement dit, est-ce que la droite et la gauche partagent encore un ensemble de valeurs républicaines qui les poussent à faire front commun contre le FN ? À gauche, pour l'instant, la réponse est oui. À droite, pour l'instant, la réponse est non.
Vérités multiples
À l'issue du second tour, aucun camp ne s'est montré triomphaliste. Comme s'ils étaient tous conscients que ce suffrage renferme des vérités multiples que chacun peut tirer à son profit. La gauche peut se dire que la droite a gagné par défaut. La droite peut se dire qu'elle est la seule à pouvoir faire barrage au FN. Et le FN peut se dire qu'il a fallu que les deux partis traditionnels s'unissent, malgré toute leur opposition, pour le battre. Compte tenu des circonstances, les candidats du FN ont fait de très bons scores, repoussant le fameux plafond du second tour à plus de 40 %.
Les victoires politiques sont du côté de la droite et de la gauche, mais la dynamique est du côté du FN : le parti d'extrême droite est au centre du jeu, détermine les alliances des deux autres et impose ses thèmes de prédilection au cœur du débat national.
Si la défaite pourrait laisser des traces au sein des cadres du FN, elle accrédite sa rhétorique. Le parti de Marine Le Pen pourra toujours dire qu'il a perdu parce qu'il était seul contre tous et parce que les règles du jeu ne sont pas les mêmes pour tout le monde. Il pourra ainsi continuer de se présenter comme le seul parti antisystème, la seule alternance possible.
À un an et demi de la présidentielle, le jeu politique est complètement relancé par les régionales. Marine Le Pen peut accéder au second tour, mais, à défaut de pouvoir rassurer la majorité des Français, a peu de chance de l'emporter.
François Hollande, président le plus impopulaire de l'histoire, n'a pas perdu toutes ses chances d'être reconduit pour un second quinquennat. Les régionales ont montré que le PS pouvait s'appuyer sur une bonne base électorale à condition de réunir toute la gauche. Pas une mince affaire, compte tenu des profondes divergences qui subsistent entre le PS et les autres formations plus à gauche.
Nicolas Sarkozy, largement critiqué au sein de son parti, a gagné son pari au vu des résultats du second tour des régionales. Mais l'a-t-il gagné en raison de sa stratégie ou en raison du désistement de la gauche ? C'est le grand débat qui va agiter Les Républicians pour les mois à venir : faut-il, comme le souhaite M. Sarkozy, virer à droite, ou bien, comme le pense M. Juppé, revenir vers le centre ? Les primaires trancheront définitivement le débat et désigneront le candidat le plus à même de réunir la droite.
Entre François Hollande, Nicolas Sarkozy, Alain Juppé et Marine Le Pen, la course finale est lancée. Et les paris sont ouverts...
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commentaires (4)
CAR LES FAIBLES... UNIS POUR LES RÉGIONALES... NE PEUVENT PAS S'UNIR POUR LA PRÉSIDENTIELLE ! L'AVANTAGE EST POUR LE PLUS FORT !
LA LIBRE EXPRESSION
13 h 19, le 15 décembre 2015