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Économie - France

Financement du terrorisme : Paris cible les cartes prépayées

L'encadrement plus strict de ce type de cartes de paiement figure parmi les nombreuses mesures annoncées hier par le ministre des Finances, qui veut aussi renforcer les pouvoirs de Tracfin.

Le ministre français des Finances, Michel Sapin, a réclamé un meilleur accès pour les Européens aux données sur les transactions Swift. Charles Platiau/Reuters

Le gouvernement français a annoncé hier une série d'initiatives visant à améliorer la traque des financements du terrorisme, dont un meilleur encadrement des cartes bancaires prépayées, utilisées pour préparer les attentats du 13 novembre à Paris.
« Si des terroristes parviennent à commettre des attentats, c'est parce qu'ils peuvent se procurer les ressources financières pour ce faire, en France et à l'étranger », a souligné lors d'une conférence de presse le ministre français des Finances Michel Sapin. « Les sommes en jeu sont souvent modestes », les terroristes cherchant à « échapper à toute traçabilité », a reconnu M. Sapin. Il faut donc « resserrer les mailles du filet, pour rendre plus difficile et plus repérable "l'argent du terrorisme", a-t-il ajouté ».
Parmi les dispositifs annoncés, figure le renforcement des pouvoirs de Tracfin, cellule en charge de la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, mais aussi un encadrement « plus strict » des cartes prépayées. Ces cartes, semblables à des cartes téléphoniques, à cette différence près qu'elles ne contiennent pas des unités de communication mais des euros, ont joué un rôle dans la préparation logistique des attentats du 13 novembre, selon Bercy. « Ces cartes prépayées sont délivrées à l'étranger, pas très loin, et utilisées sur le territoire national, au hasard pour payer des chambres d'hôtel », a expliqué le patron de Tracfin, Bruno Dalles, en référence aux chambres d'hôtel de banlieue parisienne où les assaillants ont dormi la nuit précédant les attentats. « C'est un outil qui remplace le cash, qui est très discret, pas tracé. C'est quelque chose qu'il faut absolument corriger », a ajouté M. Dalles.

Accès aux « fiches S »
Aujourd'hui, il est possible d'utiliser ces cartes sans vérification d'identité jusqu'à un montant de 250 euros (265 dollars) pour les cartes non rechargeables, et jusqu'à 2 500 euros (2 655 dollars) sur un an pour les cartes rechargeables. Selon Bercy, des dispositions seront prises pour limiter le montant total pouvant être crédité sur les cartes et pour mieux encadrer l'anonymat des clients.
Pour gagner en réactivité dans la surveillance des transferts suspects, les agents de Tracfin pourront désormais accéder directement au fichier des personnes recherchées (FPR). Jusqu'ici, l'accès à ce fichier, qui comprend notamment les fameuses « fiches S » des personnes soupçonnées de radicalisation, était « extrêmement limité » et devait passer par des « officiers de liaison », a souligné Bruno Dalles.
Le gouvernement, qui avait déjà annoncé après les attentats de janvier plusieurs dispositifs de lutte contre le financement du terrorisme, entend enfin durcir les mesures de gel des biens visant les personnes impliquées dans des actes terroristes en les étendant aux biens immobiliers et aux voitures, mais aussi à certaines prestations sociales. Ainsi, « l'ensemble du plan » annoncé après les attaques de janvier sera mis en œuvre au premier trimestre 2016, assure M. Sapin.
Le ministre va par ailleurs demander aux autres membres de l'UE d'« accélérer considérablement » la mise en œuvre de la dernière directive européenne antiblanchiment. À une échelle plus large, M. Sapin a réclamé un travail « plus subtil » du Gafi (Groupe d'action financière), organisme international de lutte contre le blanchiment et le terrorisme, dans l'identification des États « non coopératifs ». Sa « liste noire » en la matière ne comprend que l'Iran et la Corée du Nord. M. Sapin a aussi réclamé un meilleur accès pour les Européens aux données sur les transactions Swift, essentiellement contrôlées depuis les États-Unis (voir encadré).
Valentin BONTEMPS et Aurélia END/AFP

Sapin relance le débat sur le système international Swift

En déplorant hier la mainmise américaine sur la manne d'informations issues du système bancaire international Swift, dans un contexte de traque des flux financiers du terrorisme, la France a relancé un vieux débat. « Plus de 90 % des transferts de fonds internationaux passent par Swift. En tant qu'européens, nous n'avons pas la capacité d'exploiter nos propres données », a déploré hier M. Sapin.
Swift est une coopérative spécialisée dans la « messagerie financière », qui permet d'effectuer toute une batterie d'opérations financières (virements, opérations sur devises, etc.) de manière sécurisée et confidentielle. La coopérative, qui appartient à des sociétés du secteur financier, en majorité des banques, traite environ 20 millions de transactions par jour, émanant de plus de 10 800 établissements financiers et entreprises répartis dans 200 pays, constituant une manne sans pareille d'informations sur les flux financiers. Bien que domiciliée en Belgique, les informations issues de Swift sont majoritairement exploitées par les États-Unis, l'Europe n'ayant pas les capacités d'analyse dont disposent les Américains.
L'an dernier, le Parlement européen avait demandé de suspendre un accord liant les États-Unis et les Européens sur l'exploitation des données Swift, suite au scandale sur les écoutes de la NSA. Dès 2006, des médias américains avaient révélé l'exploitation intensive par les États-Unis des informations de Swift dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.

Le gouvernement français a annoncé hier une série d'initiatives visant à améliorer la traque des financements du terrorisme, dont un meilleur encadrement des cartes bancaires prépayées, utilisées pour préparer les attentats du 13 novembre à Paris.« Si des terroristes parviennent à commettre des attentats, c'est parce qu'ils peuvent se procurer les ressources financières...

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