Rechercher
Rechercher

Moyen Orient et Monde - Focus

Par amour de la patrie ou appât du gain, des soldats russes partent en Syrie

Un pilote russe basé à Lattaquié, en octobre dernier. Komsomolskaya Pravda/Alexander Kots/AFP

Quand le père d'Oxana a annoncé qu'il quittait sa ville Sébastopol, principal port de Crimée, il a juste indiqué à sa famille qu'il partait « en mer Méditerranée ». Mais très vite, ses enfants ont découvert qu'il avait rejoint le déploiement militaire russe en Syrie. « Ils ont envoyé (en Syrie) plusieurs navires de Sébastopol et à leur bord tous ceux qu'ils trouvaient pour constituer les équipages », explique Oxana, qui souhaite garder l'anonymat.
Bien qu'à la retraite, son père, ancien officier de marine, travaillait toujours sur des navires de la flotte russe de la mer Noire, dans cette péninsule qui appartenait à l'Ukraine avant d'être annexée par la Russie en mars 2014. Depuis son départ, il ne s'attarde pas au téléphone et ne donne ni détails sur sa mission ni date de retour à sa famille. Sa fille est convaincue qu'il travaille sur un des navires de soutien aux forces aériennes russes qui bombardent la Syrie depuis le 30 septembre. « Mon père n'a pas le droit de dire quand il reviendra, affirme-t-elle. Il pensait que cela ne durerait que quelques mois, mais c'est déjà certain que cela va durer jusqu'au Nouvel An, voire au-delà. » « Il nous appelle avec un téléphone satellitaire, ne nous dit rien, toutes leurs conversations sont enregistrées », explique-t-elle. La jeune femme n'est pas inquiète : comme il fait partie de la marine, il ne sera jamais déployé sur le sol syrien. Mais elle est en colère contre les autorités russes, qu'elle accuse d'exploiter le patriotisme de son père. « Ils l'exploitent dans le but qui les arrange et lui pense qu'il a besoin d'être là-bas pour le bien de la Russie, par devoir patriotique », explique Oxana. « Son dernier salaire a été versé : moins de 10 000 roubles (140 euros) », ajoute-t-elle, acerbe.

Opérations russes en Syrie
Ce n'est pas la première fois que le père d'Oxana se rend en Syrie, soupçonne Oxana. Il s'y serait déjà rendu dans les années 1980, dans le cadre d'un déploiement soviétique gardé secret. Lorsqu'Israël a envahi le Liban en 1982 et chassé de Beyrouth les troupes syriennes, l'URSS a envoyé en 1983 plusieurs milliers de soldats pour consolider le gouvernement de Damas. Cette intervention militaire avait été décidée peu après la venue en Russie de Hafez el-Assad, père du président syrien actuel Bachar el-Assad, et avait été menée dans la plus grande discrétion.
Au moins 1 000 militaires, dont des troupes d'infanterie de marine, basés à Sébastopol ont été envoyés en Syrie, a déclaré à l'AFP une source bien placée mais qui demande à rester anonyme, n'ayant pas l'autorisation de parler avec les médias. « Trois mois (en Syrie), deux mois à la maison, explique cette source militaire. On leur a dit qu'ils iraient dorénavant régulièrement en Syrie. Ceux qui pensent que leur vie de famille ne résistera pas à la distance démissionnent sans faire de vagues. » Des soldats ayant quitté Sébastopol en août n'ont pas contacté leur famille depuis, affirme cette source. « Il n'y a pratiquement aucune possibilité de communiquer avec eux. Leurs proches espèrent qu'ils vont bien. »

Un suicide
Pour autant, il y a plus de volontaires au départ en Syrie que de démissions, remarque cette source. « C'est davantage dû à l'appât du gain qu'à celui du patriotisme », juge-t-elle, en expliquant que leur salaire, habituellement modeste, atteint alors les 50 000 roubles (700 euros). « Comme la guerre est loin, ils ont du mal à imaginer qu'ils y vont pour protéger leur pays. » « Je connais des personnes dont les enfants ont accepté de partir, et ils y sont allés pour l'argent, insiste-t-elle. On leur a promis de bons salaires, et certains espèrent même acheter un appartement à la fin des événements. » En octobre, Moscou a annoncé la mort d'un soldat de 19 ans, qui se serait pendu sur la base aérienne de Hmeimim à cause d'une déception amoureuse. Mais ni sa famille ni ses amis ne croient à la thèse du suicide et disent avoir vu sur son corps des traces de coups et blessures.
Vladislav KONSTANTINOV

Quand le père d'Oxana a annoncé qu'il quittait sa ville Sébastopol, principal port de Crimée, il a juste indiqué à sa famille qu'il partait « en mer Méditerranée ». Mais très vite, ses enfants ont découvert qu'il avait rejoint le déploiement militaire russe en Syrie. « Ils ont envoyé (en Syrie) plusieurs navires de Sébastopol et à leur bord tous ceux qu'ils...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut