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Moyen Orient et Monde - Témoignage

Nadim raconte l'enfer au Bataclan : « J’ai une seconde de plus à vivre, j’ai de la chance »

Nadim, franco-libanais, était au Bataclan vendredi soir, au moment des attentats de Paris. Il raconte les détails de cette soirée cauchemardesque.

Hier soir à Paris, aux abords du Bataclan, un policier prête son téléphone à un survivant du carnage afin de lui permettre de rassurer ses proches. Photo AFP

21h49, heure française, vendredi soir. Un tweet parle de « très nombreux coups de feu au Bataclan ». Dans la salle de spectacle, où se déroule un concert de rock, plusieurs hommes armés à visage découvert ouvrent le feu aux cris de « Allah Akbar » et prennent les spectateurs en otage. Quelques heures plus tard, la police lance l'assaut. Dans cette salle de spectacle, elle découvre l'horreur : les terroristes ont perpétré un massacre, 82 personnes ont été tuées. Les quatre assaillants sont morts, dont trois en actionnant leur ceinture d'explosifs.

 

« Nous étions dans la fosse, au milieu de la salle »
Nadim*, un Franco-Libanais, se trouvait au Bataclan ce soir-là avec sa compagne pour assister au concert des Eagles of Death Metal.
« Nous étions dans la fosse, au milieu de la salle », explique-t-il. « Un peu avant 22h, nous avons entendu des détonations. Nous ne sommes pas habitués aux coups de feu, alors nous avons d'abord pensé qu'il s'agissait de pétards ou d'effets sonores qui faisaient partie du concert. Mais il ne nous a pas fallu longtemps pour comprendre ce qui se passait », poursuit-il, en cherchant un peu ses mots.
« Nous nous sommes immédiatement couchés à terre, alors que d'autres autour de nous tombaient, atteints par les balles. Nous étions comme des pigeons d'argile. Ma compagne et moi, nous étions en chien de fusil par terre, ce qui nous a empêchés de voir les assaillants. À un moment donné, nous avons entendu une détonation, du côté de la scène. Je n'ai pas su ce que c'était. Il y avait des fumigènes et la lumière des spots nous aveuglait. Heureusement que nous étions à terre, plus bas. Sinon, je crois bien que la déflagration nous aurait emportés », raconte ce quadragénaire, emmené par ses parents hors d'un Liban en guerre en 1975.
À un moment, se souvient-il, l'intensité des tirs a diminué. « On entendait des coups de feu séparés, suivis parfois de gémissements. Je me rappelle avoir pensé à cet instant : quand est-ce que ça va être notre tour? » continue Nadim, dont la voix, parfois, faiblit. « Chaque instant qui passait, je me disais que nous étions encore en vie, que nous tenions le coup. J'ai une seconde de plus à vivre, j'ai de la chance. Mais jusqu'à quand ? » Partiellement caché par le corps d'une personne blessée, Nadim raconte avoir tenté de contacter la police à l'aide de son portable, mais sans succès. « Là, je me suis dit c'est foutu. »
Nadim estime que la prise d'otage a duré environ une heure et demie. Une heure et demie pendant laquelle il est resté plaqué au sol, avec sa compagne, la peur aux tripes. « Le RAID (l'unité d'élite de la police nationale) est ensuite intervenu. Ils nous ont sortis de la salle les mains en l'air. Nous étions parmi les derniers, avant l'intervention de la BRI (Brigade de recherche et d'intervention). En traversant la fosse, nous avons dû enjamber des morts et des blessés. Certains corps étaient ciselés par les impacts de balles », raconte Nadim. « En s'approchant des policiers, je pouvais distinguer leurs regards incrédules. Ils avaient l'air anxieux aussi. Ils ont crié : Mains sur la tête ! Levez-vous doucement ! Laisse ton portable ! » Ils craignaient que des assaillants se fassent passer pour des civils. Mais Nadim reconnaît que les policiers ont été « très professionnels ».

 

« Les nerfs ont lâché »
Vers 23h30, les ex-otages se retrouvent dans la rue. « Nous avons couru, glisse la compagne de Nadim. Nous nous sommes dirigés vers la rue Oberkampf, toujours les mains sur la tête, aux cris des policiers qui nous demandaient de nous dépêcher. Nous avons d'abord trouvé refuge dans un bar, puis on nous a transférés avec d'autres personnes dans la cour intérieure d'un immeuble. Les forces de l'ordre nous ont divisés en groupes. On nous a demandé d'attendre que le périmètre soit sécurisé. »
Pendant tout le drame, Nadim est resté très calme : « Un calme olympien, je ne comprends pas comment j'ai fait. » C'est environ deux heures plus tard « que les nerfs ont lâché », dit-il.
Nadim et sa compagne résidant en banlieue parisienne, ils ont été accueillis, ce soir-là, par la tante du Libanais, qui vit à Paris intra muros. Le soir même, Nadim n'a rien raconté à ses enfants. « Ce n'est que ce matin (samedi) que je les ai vus, après que mon ex-femme les ait préparés moralement. »
Aujourd'hui, Nadim est reconnaissant d'avoir eu la vie sauve, mais pas en paix pour autant. « Je me sens coupable d'avoir survécu. Mais par-dessus tout, je me sens coupable de n'avoir pu aider ou sauver quelqu'un. »

*Le nom de la personne a été changé, à sa demande.

 

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