Notre consœur de la LBCI, la journaliste Dima Sadek, a affirmé avoir été convoquée par le service central d'inspection criminelle suite à des plaintes de diffamation adressées contre elle par le Hezbollah. Mme Sadek avait évoqué, lors d'une interview réalisée mercredi avec le journaliste Fayçal Abdel Sater, proche du Hezbollah, le dossier des deux tonnes de Captagon destinées à l'Arabie saoudite et saisies par les douanes libanaises lundi dernier à l'aéroport international de Beyrouth. Ce sont des questions adressées par Mme Sadek à son interlocuteur que le Hezbollah a jugées « calomnieuses ». Un message par courriel électronique retransmis par sa collègue de la Future TV, Paula Yaacoubian, circulait depuis dimanche soir, évoquant les déboires de Mme Sadek avec le Hezbollah.
Dans la soirée d'hier, l'avocat du Hezbollah, Nazih Mansour, a publié un communiqué dans lequel il a rappelé qu' « en août dernier, Mme Sadek a calomnié mon client » (le Hezbollah). « Au lieu de retirer ses propos, elle a incité la presse et les journalistes à réagir, ce qui prouve sa mauvaise intention et sa volonté de donner une autre dimension à cette affaire pour la transformer en une cause soulevée par l'opinion publique en profitant de son titre de journaliste », a-t-il ajouté.
Me Mansour a également invité les médias et les journalistes, dans une mise en garde à peine voilée, « à faire preuve de rigueur en évoquant cette affaire », et à « laisser la procédure légale prendre son cours pour préserver les droits de mon client et rendre justice ».
La journaliste n'a pas tardé à répondre à Me Mansour, invitant, via sa page Facebook, « l'avocat du Hezbollah à s'assurer que j'ai bel et bien été convoquée suite à l'épisode télévisé ».
Réactions
L'affaire a suscité un bon nombre de réactions aussi bien dans les milieux politiques qu'au niveau des associations de défense des droits de l'homme et des libertés publiques. Le ministre de l'Information Ramzi Jreige a exprimé, via L'Orient-Le Jour, sa « solidarité avec Mme Sadek ». « Depuis que j'occupe le poste de ministre de l'Information, je suis solidaire des médias et de leur liberté », a-t-il souligné avant de poursuivre : « Le pouvoir judiciaire garantit cette liberté, mais aussi nous ne pouvons pas l'interdire d'accomplir son devoir, ainsi je ne pense pas que la réponse de Mme Sadek à la convocation porte une atteinte à la liberté médiatique. » M. Jreige a incité « les médias à se solidariser car l'union fait la force », avant de les appeler « à préserver leur liberté qui nous distingue de notre entourage, tout en prenant en considération l'intérêt public et l'objectivité ».
Dans un communiqué, le secrétariat général du 14 Mars a estimé que « le Hezbollah vise, à travers ces plaintes, à terroriser les journalistes et à faire taire les Libanais libres ». Il a exhorté les ministres de la Justice et de l'Information à « prendre cette affaire en main pour mettre fin aux tentatives du Hezbollah de porter atteinte à l'organisation de notre vie publique ». « Nous considérons cette affaire comme une cause relevant des libertés publiques, qui nous concerne directement », souligne le communiqué.
L'association Journalistes contre la violence a elle aussi dénoncé la convocation de Mme Sadek. Dans un communiqué publié hier, l'association a exprimé son « regret de voir pratiquer ces méthodes d'intimidation contre les journalistes dix ans après le retrait des forces syriennes du pays ». L'association s'est dit « étonnée du simple fait de convoquer Mme Sadek, qui remplissait son rôle d'interlocutrice durant l'émission et qui est connue pour sa neutralité, à l'écart de la polarisation politique ».
Journalistes contre la violence a souligné qu' « elle fera face à toute atteinte contre un journaliste dans l'exercice de sa profession ». « La convocation de Mme Sadek s'inscrit dans le cadre de la pression et de l'intimidation pour réprimer et museler ensuite » les journalistes, note le communiqué, qui relève, par ailleurs, que « cette affaire ne relève pas de la compétence du service central d'inspection criminelle ». L'association s'est enfin posé la question de savoir si « le Captagon est devenu un sujet tabou et "sacré", à l'instar de l'arsenal du parti ou encore des accusés dans l'affaire de l'assassinat de Rafic Hariri », que le Hezbollah avait qualifiés de « saints ».
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commentaires (17)
Hé ! Hé ! Doucement ! Ce n'est pas encore wilayet-el-faqih ici au Liban.
Halim Abou Chacra
19 h 48, le 02 novembre 2015