Le Hezbollah et ses médias – repris de manière très « consensuelle » par le site Internet du Courant patriotique libre – mène depuis quarante-huit heures une campagne féroce et haineuse contre la journaliste Hanine Ghaddar, rédactrice en chef de l'édition anglaise du site Internet NowLebanon.
Le public non anglophone n'est probablement pas initié à cette journaliste modeste et discrète. Pourtant, Hanine Ghaddar fait partie des voix chiites libres, démocratiques et courageuses qui continuent de dénoncer les exactions miliciennes du Hezbollah au Liban et en Syrie, la barbarie du régime syrien contre son peuple, les horreurs de Daech et de la nébuleuse jihadiste contre les civils, tout autant que les crimes commis par Israël contre le peuple palestinien et au Liban. Dans un Moyen-Orient tourmenté et livré aux obscurantistes de toutes sortes, Hanine Ghaddar représente une véritable lueur d'espoir : elle est une voix moderne, qui soutient de longue date les aspirations aux changements des composantes civiles des révolutions arabes ; libérale et pacifiste, elle est opposée à tous genres d'extrémismes, d'idéologies et de totalitarismes ; féministe, elle lutte avec acharnement pour les droits de la femme au Liban et dans tous les pays arabes.
Or depuis quarante-huit heures, la journaliste fait l'objet d'une campagne sournoise et haineuse de la part des médias proches du Hezbollah, surtout le quotidien al-Akhbar et la chaîne al-Manar. La cause de cette attaque ? Ghaddar a pris part la semaine dernière à un panel dans le cadre d'un événement organisé par le Washington Institute dans la capitale américaine, dans le cadre duquel elle a dénoncé l'intervention du Hezbollah et de l'Iran en Syrie et mis en garde contre les prétentions de Téhéran à établir sa domination sur la rive orientale de la Méditerranée. Elle a notamment placé la chute de Homs aux mains de l'axe irano-syrien dans ce contexte. La journaliste aurait également dénoncé le caractère millénariste et sacré que le Hezbollah est en train de donner à sa guerre en Syrie, avec, pour résultats, une apocalypse sunnito-chiite.
Le Hezbollah a apparemment peu apprécié. En réponse, al-Akhbar a publié un article intitulé « Une journaliste libanaise rivalise avec (Ehud) Barak à Washington ». L'objectif de l'article est, selon le procédé habituel utilisé par ce quotidien pour diaboliser les détracteurs du parti chiite, de tancer la journaliste en soulevant contre elle des accusations de trahison et de collaboration avec Israël. Le Hezbollah et ses médias ont ainsi tenté d'insinuer que Hanine Ghaddar avait attaqué l'Iran et le Hezbollah « de concert avec Ehud Barak », présent à la conférence.
Or l'artifice propagandiste est déjà bien éculé. Ehud Barak a effectivement participé à l'événement, mais dans le cadre d'un panel différent, auquel Hanine Ghaddar, dont le patriotisme libanais et l'engagement en faveur des causes arabes justes ne sauraient être mis en doute, a refusé d'assister.
Le Hezbollah a ensuite eu recours hier à un nouvel artifice propagandiste, également vieux et éculé. Il a incité des « membres de la famille Ghaddar » à faire paraître un communiqué pour diaboliser encore plus la journaliste et l'expulser moralement de sa communauté, de son tissu social et de sa famille. Et comme d'habitude, le Hezbollah a relayé sa campagne par les réseaux sociaux – Twitter et Facebook – où les « miliciens du monde virtuel » se sont chargés de poursuivre le lynchage de la journaliste à coups d'insultes et de menaces.
Le Hezbollah se comporte, dans sa campagne d'intimidation face à Hanine Ghaddar, comme la machine totalitaire qu'il est et qui refuse toute critique de son statut sacro-saint de résistance, surtout lorsqu'elle émane de sa communauté, au sein de laquelle il se charge d'écraser par tous les moyens toutes les voix remettant en cause son hégémonie.
Avant l'attaque contre Hanine Ghaddar, il y avait eu le saccage, en avril dernier, du domicile du journaliste Ali el-Amine – connu pour ses prises de position calmes, mais fermes, contre le parti chiite – dans son village de Chakra, au Liban-Sud. Le même Ali el-Amine, aux côtés d'une multitude d'opposants chiites au Hezbollah, comme sayyed Mohammad Hassan el-Amine, sayyed Hani Fahs, le journaliste Ali el-Amine, l'éditeur Lokman Slim, l'enseignant Rami Ollaik, le vice-président du Parti socialiste progressiste Doreid Yaghi, entre autres, avait été victime d'une série d'articles-fatwas menaçants, publiés par l'éditorialiste Ibrahim el-Amine et le quotidien al-Akhbar. Ces chiites démocrates s'étaient retrouvés affublés, toujours sous le label de la diabolisation, de l'appellation « chiites à la solde de (l'ancien ambassadeur US au Liban) Jeffrey Feltman », avant de recevoir, ultérieurement une menace encore plus directe : « Prenez-garde à vos cous. » Faut-il mentionner également les chapelets d'injures et de menaces que reçoit de manière chronique le commentateur Nadim Koteich ? Ou encore les multiples intimidations dont ont fait l'objet d'autres journalistes ou personnalités chiites hostiles au Hezbollah, comme Youssef Bazzi, Mona Fayad, Malek Mroué, Hareth Sleiman ou Hadi el-Amine ? Ou encore le sort subi par le reporter Omar Harkouss, tabassé rue Hamra en novembre 2008 par des partisans du PSNS au terme d'une campagne haineuse menée contre lui dans al-Akhbar, l'accusant lui aussi de « sioniste » et le comparant à Bernard Henri-Lévy ?
N'est-ce pas aujourd'hui cette même équipe, passée maître dans l'art de la liquidation morale (pas uniquement avec les démocrates chiites, mais aussi avec bon nombre de confrères journalistes et d'hommes politiques) – aux antipodes de toute éthique journalistique –, qui se réfugie aujourd'hui derrière l'étendard de la liberté d'expression pour réfuter les accusations portées contre elle par le Tribunal spécial pour le Liban ?
Il échappe sans doute au Hezbollah – et pourtant l'expérience l'a prouvé depuis le temps que ce terrorisme intellectuel se poursuit – que toute cette violence morale ne mènera à rien, et qu'elle ne fait en définitive que renforcer et confirmer les arguments développés par ses détracteurs au sein de la communauté chiite, dans un effet boomerang inéluctable à moyen terme. Ce n'est pas le témoignage de Hanine Ghaddar aux États-Unis qui fait de l'aventure du Hezbollah en Syrie une guerre sale et destructrice pour le Liban et les chiites ; ce sont les faits qui le disent.
En attaquant de cette manière une personnalité aussi crédible et respectée dans son domaine que Hanine Ghaddar, le Hezbollah et ses alliés font une fois de plus un faux pas monumental, milicien. Car le moindre tort qui pourrait désormais atteindre la journaliste porte déjà, au plan moral, la signature du parti chiite.
Pour mémoire
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Un fachisme en cache un autre. Le CPL se met de la partie et a encore la fichue pretention de vouloir mener son chef a la tete de l'état...... Pauvres heres que sont tous ces moutons de panurge qui , le jour de leur réveil, se rendront compte de la merde dans laquelle ils se sont engouffres. Entretemps, nous ne pouvons souhaiter que plus de Hanine Ghaddar foisonnent, qu'un essaim de libres penseurs qu'ils soient chiites ou pas, clament haut et fort leur rejet de cette théocratie a la con et de ce suivisme aveugle prone par un parti qui s'auto-proclame défenseur des chrétiens ( le ridicule ne tue pas au Liban...). Que les intellectuels de ce CPL (s'il en existe) reprennent les ouvrages d'histoire et lisent attentivement la montee en puissance des chemises noires, marrons, il y a plus de 80 ans. Tout avait commence alors par le muselage des voix qui "osaient" s'exprimer. Et puis ce fut l'apocalypse. Mais c'était deja trop tard. Nous sommes gouvernes par des cingles. Romain Gary l'avait compris lorsqu'il avait écrit: "les salauds ne sont jamais tristes".
09 h 03, le 14 mai 2014