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Liban - parution

Un État-nation pour en finir avec les guerres

Le dernier ouvrage de Roger Geahchan : « Le cercle vicieux des identités communautaires ».

Roger Geahchan.

L'accord de Taëf a mis fin à la guerre active au Liban, mais n'a pas rétabli la paix dans les esprits. Certes, au clivage traditionnel, chrétiens d'un côté, musulmans de l'autre, a succédé, depuis 2006, un nouveau découpage politique avec les deux coalitions qui monopolisent la scène politique et qui comprennent chacune des représentants des principales communautés libanaises. Toutefois, la constitution de ces deux rassemblements pas plus que l'accord de Taëf n'ont réglé les problèmes identitaires des Libanais. Ni éliminé les risques de nouveaux troubles. Bien au contraire, à la lumière des guerres en cours qui redessinent la carte du Moyen-Orient et du violent conflit entre les sunnites et les chiites libanais qui a succédé, depuis 2005, à la lutte d'influence et la rivalité qui avaient, depuis 1943, été une constante des rapports entre les maronites et les sunnites.

Les deux regroupements politiques qui se font face sur la scène locale depuis 2006 sont plus tactiques qu'idéologiques, tout au moins pour l'un d'eux, et n'effacent, ni dans les mentalités ni dans la pratique, le cloisonnement et les réflexes communautaires. Ils correspondent à une phase bien précise de la vie libanaise et de la conjoncture régionale, et non pas aux lignes de force qui ont marqué l'histoire du pays depuis l'Antiquité.
Or cette histoire se caractérise, entre autres, par la répétition de conflits politiques revêtant en de nombreuses circonstances, et dans une mesure plus ou moins grande, des conflits d'ordre confessionnel dégénérant parfois en guerre civile. Elle se distingue aussi par la confusion, dans les mentalités et l'action, de la citoyenneté libanaise et de l'identité culturelle, laquelle, chez nous, est souvent considérée comme étant l'identité religieuse.

S'entendre sur la « libanité »
C'est à l'ensemble de ces problèmes que Roger Geahchan consacre son essai Le cercle vicieux des identités communautaires, qui vient de paraître et tout au long duquel il tente de comprendre pourquoi, après tant de siècles de vie en commun, les Libanais n'ont pas réussi à s'entendre sur une identité commune, qui serait la libanité. Pour quelle raison, par quelle malédiction tant de différends d'ordre politique ont dégénéré en tant de conflits armés sur un territoire aussi exigu.

Certes, les guerres existent depuis que les hommes sont apparus sur terre. Mais ce n'est pas sur ce thème que se penche l'auteur. La problématique qu'il pose est celle de savoir comment et pourquoi les divergences, les conflits politiques dégénèrent si vite et si profondément au Liban en conflits confessionnels, ou même en guerres qui jettent les Libanais, chair à canon, les uns contre les autres, souvent, d'ailleurs, parce qu'ils sont le jouet de forces régionales ou des grandes puissances. L'ouvrage correspond à un questionnement profond sur la viabilité du Liban et sur les guerres intestines qui ont déchiré et endeuillé le pays.

Pour l'auteur, l'une de ces raisons est en rapport avec le confessionnalisme politique, qui cloisonne la société en communautés et suscite des allégeances qui favorisent l'appartenance religieuse au détriment de l'appartenance nationale. Geahchan brosse un tableau historique comportant des morceaux choisis depuis les grandes invasions de l'Antiquité jusqu'aux crises politiques et guerres intestines de nos jours.
Un essai, par définition, est un ouvrage « traitant d'un sujet qu'il n'épuise pas ». Rédigé dans un style vif, clair et élégant, bien documenté, celui-ci pose le problème fondamental de savoir si les Libanais, après tant de siècles de malheurs et de conflits politiques, qui ont dégénéré en guerres confessionnelles, ont enfin compris qu'il leur fallait renoncer une fois pour toutes aux identités meurtrières et s'entendre sur la libanité.

Sans que l'auteur ait eu la prétention de faire œuvre d'historien, ces morceaux choisis correspondent à quelques-uns des grands moments de l'histoire du Liban. Les premiers chapitres traitent de la Haute Antiquité avec le déferlement des envahisseurs, puis de la conquête arabe et de l'ébauche du système communautaire.

Vivre ensemble
On passe ensuite aux croisades, aux guerres qu'elles ont provoquées et à leurs séquelles qui perdurent dans les rapports entre l'Occident chrétien et l'Orient arabe ; le règne des mamelouks avec ses atrocités n'est pas ignoré, pas plus que la longue occupation ottomane au cours de laquelle sont posés, contre l'occupant turc, les fondements d'un nationalisme libanais dans le cadre de l'autonomie de l'émirat du Mont-Liban avec les Maan et les Chéhab. Les guerres confessionnelles au XIXe siècle et les massacres de chrétiens auxquels elles ont donné lieu forment la matière d'un chapitre. Le protocole de 1861, puis celui de 1864, conclus entre les grandes puissances de l'époque et la Sublime Porte, accords conférant à la Montagne un statut d'autonomie sous le nom de moutassarifiya et qui a permis à cette région de se relever de ses ruines, sont analysés.

On aborde ensuite la famine et les épidémies (peste, choléra, typhoïde) durant la guerre de 14-18, puis l'arrivée des Français en 1918 après la défaite turque, ainsi que le temps du mandat de la France au Liban et en Syrie. Un chapitre est réservé à l'indépendance en 1943, la crise de Suez en 1956 et l'insurrection de 1958, nouvelle guerre civile, mais relativement atténuée par rapport aux précédentes et, surtout, aux suivantes. Puis on passe à l'irruption, à partir de 1969, de la Résistance palestinienne sur la scène libanaise avec ses terribles conséquences : une guerre de 15 ans, dont le Liban n'a pas fini de payer le prix et qui a provoqué les deux invasions israéliennes de 1978 et de 1982.

Une large place est réservée à l'intervention politique et militaire de la Syrie au Liban, qui aboutit à la mise sous tutelle du pays et une série d'attentats éliminant des dirigeants politiques et des personnalités religieuses de premier plan. L'émergence de deux grands partis politiques chiites, doublés de milices, Amal, proche de la Syrie, et le Hezbollah d'obédience iranienne et également proche de la Syrie des Assad, l'accord de Taëf, et, enfin, la crise ouverte depuis l'expiration du mandat du président Michel Sleiman constituent l'avant-dernière partie de l'essai.
En conclusion, l'auteur insiste sur la nécessité d'une évolution, d'une véritable révolution (pacifique) dans la mentalité et l'action politiques, qui se traduiraient par la volonté de privilégier avant toute autre chose le « vivre-ensemble », comme le souligne Samir Frangié dans la remarquable préface qu'il a donnée à l'ouvrage.

 

Un débat sur l'ouvrage sera organisé, dans le cadre du Salon du livre francophone, au Biel, le samedi 24 octobre, à 16 heures, à la salle de conférences niveau moins 1, avec la participation des journalistes Michel Touma et Michel Hajji Georgiou, ainsi que de Gérard Salem, essayiste et médecin-psychiatre lausannois. Modérateur : Farès Sassine, docteur en philosophie et écrivain. Le débat sera suivi de la signature de l'ouvrage par l'auteur au stand des éditions Dergham.

 

Pour mémoire
Rencontres avec Roger Geahchan et Joseph Chami au stand de « L'Orient-Le Jour », au Biel

L'accord de Taëf a mis fin à la guerre active au Liban, mais n'a pas rétabli la paix dans les esprits. Certes, au clivage traditionnel, chrétiens d'un côté, musulmans de l'autre, a succédé, depuis 2006, un nouveau découpage politique avec les deux coalitions qui monopolisent la scène politique et qui comprennent chacune des représentants des principales communautés libanaises....

commentaires (3)

israel et le liban ont le meme peche originel....la creation d un Etat juif et chretien dans une region ou les trois grandes religions ont su cohabiter en harmonie.

HABIBI FRANCAIS

12 h 55, le 20 octobre 2015

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Commentaires (3)

  • israel et le liban ont le meme peche originel....la creation d un Etat juif et chretien dans une region ou les trois grandes religions ont su cohabiter en harmonie.

    HABIBI FRANCAIS

    12 h 55, le 20 octobre 2015

  • Depuis cette catastrophe en ce "Croissant Fertilisé", tous les éléments constitutifs prévisibles et prévus ; i.e. 1 flambée sunnite, des frottements sunnito-chïïtiques, l'implosion d'1 État écartelé entre ses diverses composantes conFessionnelles et encore + largement l'incandescence d'1 Sain Libanais humilié et offensé ; commencent à s'articuler face à des rapaces arriérés qui ne pourront jamais les maîtriser. Faut évidemment aider les peuples de ce pays comme du temps des Français. Car ce patelin qui saigne, qui suffoque et qui, dans le meilleur des cas, va réussir à se remettre à genoux avant même de songer à se redresser, doit impérativement être défendu comme ils l’auraient fait face à ces Salauds arriérés qui, apparemment, n'avaient rien à lui refuser au (c)hébél-lionceau aSSadiot. Mais il paraît qu'agir de la sorte, c'est 1 décision, yîîîh, stratégique. Soit. Et alors ? Pour l'instant, certains paraissent privilégier, c'est sans doute tac-tîîîc, le fait de regarder ailleurs. L’aide, façon banale, c'est bien. L’aide a minima c'est, non plus, pas mal ; pour dire que ce bled ré-accablé par cet asianisme oriental depuis le départ des Hanoûnes mandataires, risque de devenir le pays le + miséreux de ce "fertile". Une entité sectaire et chaotique ingouvernable, 1 simili-nation exsangue et abandonnée par l'espoir ! Bref, 1 pays martyr comme son Cèdre, et qui fait penser étrangement à ce Grand-Liban du temps de la guerre civile d’ici entre ces chréti(e)ns et ces musul(ment)ans.

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    10 h 34, le 20 octobre 2015

  • C'EST QUE... CHER MONSIEUR GEAHCHAN... CE N'EST PAS L'ACCORD DE TAËF QUI EST MAUVAIS... CE SONT CERTAINES PARTIES LIBANAISES ACHETÉES ET VENDUES QUI LE SONT !!! QUOI DE PLUS SIMPLE ET DE PLUS BON SI IL Y AVAIT RESPECT DE TOUTES LES CLAUSES ET CONDITIONS QUI GÈRENT L'ACCORD DE TAËF... MAIS L'ABRUTISSEMENT DES PANURGES DES TRIBUS... AVEC LEUR ALLEGEANCE ENVERS LES ÉTRANGERS ET NON ENVERS LEUR PATRIE... ET LA SOUMISSION COMPLÈTE DES MOUTONS MÈNENT VERS LE CHAOS !!!

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 18, le 20 octobre 2015

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