Première grande séance, vendredi, au tribunal militaire.
Procès des « starlets », la vedette étant réservée aux affameurs. Dans la salle, pleine à craquer, les maîtres du barreau voisinent avec les élégances beyrouthines. Les juges militaires vont statuer sur le cas des grands marchands d'étoffes, accusés, comme les héros des audiences précédentes, d'avoir majoré « illicitement » les prix de leur marchandise.
Les avocats se sont donné le mot. Ils plaideront non coupables.
On dira à la barre – et le raisonnement est bon pour tous les inculpés – que la marchandise moisit, depuis de longs mois, dans les arrière-boutiques et les dépôts humides ; que les étoffes passées de mode sont autant de « rossignols » perchés sur les rayons des grands magasins ; que la bonne qualité se paye parce qu'inexistante ; que les gros de la manufacture, malgré les assertions du commissaire du gouvernement, n'ont pas tous fait fortune ; que des stocks importants de tissus de sixième catégorie sont, aujourd'hui, la proie des mites ; que le marché, depuis le début des hostilités, ne consomme plus des coupons de marque ; que les étoffes de fabrication locale n'ont subi aucune majoration supérieure à 25 %.
Coups de gueule, coups de manchette, gestes qui veulent être probants, n'influencent pas beaucoup les juges militaires. Le commissaire du gouvernement requiert des peines sévères. (L'atmosphère est toujours à la répression). Emprisonnement ferme, amendes, fermeture des établissements de commerce, confiscation des marchandises saisies. Et les condamnations de pleuvoir.
On accordera le bénéfice du sursis aux vieillards. Mohammad Bagdache (il a 70 ans) et Hagop Der Melkonian peuvent se féliciter, pour une fois, d'avoir perdu leurs dents. Mais, par contre, les valides paieront pour les débiles.
Liban - Les archives racontent...
Au tribunal militaire, les drapiers dans de mauvais draps...
Dans « L'Orient » du 19 octobre 1941
OLJ / Par D.T., le 19 octobre 2015 à 00h00