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Moyen Orient et Monde - Entretien

Les femmes politiques en Iran : quelle place ? Quel rôle ?

Malgré le fait que les Iraniennes soient désavantagées dans les questions d'héritage, de mariage ou de divorce, elles peuvent espérer être gouverneures de province, députées ou même ministres. Cependant, elles ne peuvent pas être juges, ni aspirer à la présidence de la République. Depuis l'élection de Hassan Rohani à la tête de l'État, les femmes ont davantage marqué leur empreinte au sein du gouvernement. Mais est-ce un rôle de façade ? Si la femme iranienne réussit difficilement à trouver sa place au sein de la société, qu'en est-il de la femme qui travaille dans un monde d'hommes où s'affrontent les visions réformatrices et conservatrices ? L'ancienne députée au Parlement iranien Elaneh Koulai a déclaré que « le fossé qui existe entre la société iranienne et l'État iranien rend une crise des genres inévitable ». Azadeh Kian, professeur de sociologie à l'Université Paris 7 et essayiste, répond aux questions de L'Orient-Le Jour.

Quels changements se sont opérés depuis l'élection de Hassan Rohani à la présidence au niveau de l'acceptation des femmes au sein du gouvernement ?
Il y a eu des gestes de la part du président Rohani pour nommer un certain nombre de femmes, telles que la vice-présidente chargée des affaires juridiques et des relations avec le Parlement, Mme Aminzadeh. Pour la nommer, il n'avait pas besoin de l'accord du Parlement iranien, qui est extrêmement conservateur. N'oublions pas que pendant la campagne électorale, Hassan Rohani avait promis aux femmes de créer le ministère des Droits des femmes. Mais après les élections, il ne l'a pas fait parce que ces questions ne faisaient pas partie de ses priorités. Les problèmes urgents à traiter étaient d'une part le dossier du nucléaire et de l'autre le redressement de la situation économique dans le pays. Je pense qu'il ne l'a pas fait parce qu'il ne veut pas entrer en confrontation avec le guide et d'autres conservateurs qui ne sont pas d'accord sur la création de ce ministère. En revanche, là où il avait les coudées franches, c'est-à-dire là où il n'avait besoin de l'aval ni des uns ni des autres, il a utilisé cette liberté pour nommer des vice-présidentes. Il en a nommé trois, une conservatrice, Elham Aminzadeh, une réformatrice, Masoumeh Ebtekar (ministère de l'Environnement), et, plus tard, Shahindokht Molaverdi (chargée des affaires des femmes et de la famille). Cette dernière s'est avérée être un très bon choix, car c'est une militante des droits des femmes. Sa nomination a été très appréciée. Cependant, on constate qu'elle n'a pas beaucoup de pouvoirs, pour ne pas dire qu'elle n'en a vraiment pas. Mais elle intervient dans les médias, elle prend des positions à sa manière et à la limite de ses prérogatives pour faire avancer la cause des femmes, par exemple en proposant des projets de lois en allant à l'encontre des visions conservatrices existantes.

 

  
Massoumeh Ebtekar, vice-présidente au département de l'environnement. Archives AFP            

 

                  
Shahindokht Molaverdi, chargée des affaires des femmes et de la famille. Archives AFP

 


Elham Aminzadeh, vice-présidente pour les affaires juridiques. Archives AFP

 

Quel autre « geste » a fait Rohani depuis son élection ?
Le geste, à mon sens très important, a été de nommer des femmes « gouverneures de province ». Elles ont été nommées par l'exécutif. Trois femmes « gouverneures de province » ont été nommées, comme au Baloutchistan, une province sous-développée et largement tribale. Donc c'était un geste important du président de choisir une femme, surtout dans une telle province. Par ailleurs, en Iran, il y a 18 ministères, et dans 16 d'entre eux, des femmes s'occupent des affaires des femmes. Seuls les ministères du Renseignement et de la Défense sont exempts de femmes.

 

(Pour mémoire : La charia en Iran : quelle évolution, quels progrès ?)



Quelles sont les marges de manœuvre de ces femmes présentes au sein de ces ministères ?
Honnêtement, pas grand-chose. Récemment, une trentaine de députés conservateurs, dont des femmes, ont proposé une motion : si la ségrégation sexuelle dans le lieu de travail n'est pas respectée correctement, le patron, au sein d'une administration ou dans le secteur privé, pourra être puni. D'autres mesures ont également été proposées pour restreindre davantage la participation économique des femmes ou réprimer les femmes qui ne respectent pas le port obligatoire du voile. On constate qu'au sein de ces ministères, où il y a des femmes responsables des affaires des femmes, il est très difficile pour elles de recruter au sein de la population féminine, pourtant très bien éduquée. La majorité des étudiants sont des femmes. Il y a environ 3 millions d'étudiantes dans les facultés iraniennes. Pourtant, après la fin de leurs études, elles peinent à trouver un emploi.

 


Le président iranien Hassan Rohani. Archives AFP


Maintenant que l'accord sur le nucléaire a été signé, pensez-vous que le président va pouvoir se pencher davantage sur la question des droits des femmes ?
La question du nucléaire étant faite ou presque, il reste la question de l'économie qui ne se redressera pas du jour au lendemain. Les élections législatives approchant, prévues en mars prochain, je pense que Rohani aura besoin d'un Parlement beaucoup moins conservateur, beaucoup plus proche de ses idées. Il a besoin de mobiliser les femmes et les jeunes, qui constituent la majorité des électeurs et électrices en Iran. Pour ce faire, il sera obligé de faire un geste pour agir en leur faveur. Cela ne serait pas étonnant que, dans les mois à venir, le gouvernement annonce des projets pour booster la participation politique des femmes. Mais le problème est qu'il faut que les femmes elles-mêmes se mobilisent davantage au niveau de l'emploi et de la représentation politique. Elles ne sont mobilisées que lorsqu'elles dénoncent le port du voile. Chez beaucoup d'Iraniens, l'idée que c'est à l'homme que revient le devoir de subvenir aux besoins de la famille est encore bien présente. Quand certains foyers gagnent suffisamment d'argent, on juge que le travail des femmes n'est pas nécessaire. On ne regarde que l'aspect financier, et non pas la participation sociale des femmes, qui est tout autant importante.

 

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Marzieh Afkham, première femme porte-parole des AE


Marzieh Afkham, porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères. Archives AFP

 

En 2013, Marzieh Afkham devient la première femme porte-parole du ministère des Affaires étrangères, dirigé par Mohammad Javad Zarif. À l'époque, l'érudite iranienne Farideh Farhi (notamment International Crisis Group) a déclaré à CNN : « Cela est une initiative extrêmement audacieuse du ministre des Affaires étrangères que de nommer une femme à un tel poste de haut rang offrant une visibilité politique importante. »
Depuis plusieurs mois, les rumeurs de la nomination de la diplomate en tant qu'ambassadrice vont bon train. Si cela survenait, elle serait la première femme diplomate représentant la République islamique d'Iran. À noter que Mehrangiz Dolatshahi avait servi comme ambassadrice au Danemark dans les années 1970.

Née en 1965, Marzieh Afkham a consacré près de trente ans de sa vie au ministère des Affaires étrangères. Elle est parfaitement trilingue (farsi, anglais et français). Sa nomination a donc sonné comme l'accomplissement d'une carrière sans fausse note, mais aussi comme un coup de communication important de la part du président Rohani, faisant partie de sa « campagne d'émancipation et d'élévation des femmes en Iran ». Car, après son élection le 14 juin 2013, Rohani avait demandé à ses ministres de nommer des femmes à des postes importants dans leurs administrations. Il avait auparavant affirmé que « la discrimination ne serait pas tolérée » dans son gouvernement.

De la guerre au Yémen jusqu'au conflit syrien, Marzieh Afkham est sur tous les fronts de la diplomatie. Son poste englobe également le dossier du nucléaire ainsi que le rétablissement de relations normalisées avec les pays occidentaux. Marzieh Afkham s'est récemment exprimée au nom de son gouvernement sur la question en dénonçant le « grand mensonge » qui est que l'Iran était sur le point d'obtenir une bombe nucléaire. Et la porte-parole ne mâche pas ses mots: « Les fonctionnaires américains, sous pression des lobbys sionistes, font de temps en temps des remarques sans fondement et exagérées en ce qui concerne le programme nucléaire iranien. »

 

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commentaires (3)

LE MÊME QUE CELUI DE L'AUTRE FACE DE LA MÊME MONNAIE ! DES OBJETS... PAUVRES FEMMES !

LA LIBRE EXPRESSION

20 h 35, le 15 septembre 2015

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Commentaires (3)

  • LE MÊME QUE CELUI DE L'AUTRE FACE DE LA MÊME MONNAIE ! DES OBJETS... PAUVRES FEMMES !

    LA LIBRE EXPRESSION

    20 h 35, le 15 septembre 2015

  • Quelle place et quel rôle elles ont ? Les mêmes que ceux qu'elles ont chez le héZébbb ICI ! Yâ hassirtîîîh !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    14 h 05, le 15 septembre 2015

  • Les femmes ont de tout temps été aux 1ères loges en Iran NPR , quand Alexandre le Grand est entré en Perse , il a eu à négocier son installation avec une reine , et il s'est marié avec Roxanne qui l'a beaucoup influencé sur la poursuite de sa campagne militaire . Il y a en Iran NPR 4 millions d'universitaires dont la moitié est de la gente féminine , aucun métier ne leur est interdit et vous savez quoi elles conduisent des camions , des poids lourds de 30 tonnes , et des gros engins de chantiers ! Sur cette info n'y voyez aucune malice désobligeante !

    FRIK-A-FRAK

    12 h 53, le 15 septembre 2015

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