Le commissaire de l’Unrwa, hier, au Grand Sérail. Photo Ani
Un calme précaire règne toujours à Aïn el-Héloué au lendemain du cessez-le-feu qui a mis fin aux violents combats entre le Fateh et les terroristes de Jund el-Cham, réfugiés dans le camp. Ces derniers avaient, comme on le sait, essayé d'occuper des positions du Fateh, avant que les combattants de l'organisation palestinienne ne les refoulent vers leurs quartiers généraux.
En dépit de quelques grenades lancées dans la nuit et de coups de feu entendus par intermittence également dans la nuit, les familles qui avaient quitté le camp dans la foulée des bombardements lundi sont retournées hier pour inspecter leurs demeures. Les dégâts sont en fait importants dans tout le camp : des maisons, des magasins et des voitures incendiés ou détruits, l'infrastructure hydraulique et électrique sérieusement endommagée.
Dans la journée, aucun coup de feu n'a été entendu, à l'exception des tirs qui ont ponctué l'enterrement d'un des combattants du Fateh, Fadi Khdeir. L'organisation a annoncé hier que quatre de ses combattants, Khdeir, Alaa Lazid Othman, Rabih Machour et Moustapha Hussein Saleh sont morts durant les affrontements avec Jund el-Cham.
Pour consolider le cessez-le-feu, les commissions palestiniennes de sécurité ont multiplié les tournées sur le terrain. Mais les craintes de dérapages persistent toujours. De sources palestiniennes responsables, citées par l'agence locale al-Markaziya, on indique que le cessez-le-feu reste fragile, parce que même si les groupes terroristes ont regagné les îlots de sécurité qu'ils ont créés au sein du camp, ils n'ont pas pour autant renoncé à leur projet d'asseoir leur contrôle sur Aïn el-Héloué. Ce sont notamment les hommes du dénommé Bilal Badreddine qui sont mis en cause. Ils sont accusés par les mêmes sources d'avoir violé le cessez-le-feu dans la nuit de mardi à mercredi, et tiré sur un officier du Fateh, Abou Ali Talal, et trois de ses gardes du corps.
Mesures supplémentaires de sécurité
La force palestinienne de sécurité s'est déployée dans les points chauds du camp et envisage de créer de nouveaux postes de contrôle. Le Fateh a en outre demandé au Comité supérieur de sécurité du camp, au cours de sa réunion mardi, de prendre les mesures qui s'imposent contre les fauteurs de troubles et les groupes qui commettent des assassinats dans le camp, en allusion aux hommes de Bilal Badreddine qu'ils accusent d'appliquer un agenda non palestinien et de vouloir réserver au camp de Aïn el-Héloué le même sort qu'ils avaient infligé à celui de Nahr el-Bared, entièrement détruit après de violents affrontements entre l'armée et les terroristes de Fateh el-Islam.
Membre du bureau politique du Front démocratique de libération de la Palestine, Ali Fayçal a dénoncé les événements des deux derniers jours, soulignant qu'ils ne servent que « les ennemis de notre peuple qui essaient en permanence de porter atteinte à ses intérêts et à sa sécurité, sans tenir compte de l'impact négatif de leurs agissements sur la cause palestinienne ». M. Fayçal s'exprimait au cours d'une tournée qu'il a effectuée en compagnie de l'ancien député Oussama Saad et de trois autres responsables palestiniens auprès des familles qui avaient fui le camp.
Il a assuré que des comités ont été formés pour « œuvrer directement sur le terrain, à travers des réunions avec les forces nationales et islamistes à l'intérieur du camp, ainsi qu'avec l'ambassade de Palestine pour consolider le cessez-le-feu ».
Le commissaire de l'Unrwa chez Salam
L'impact des combats au plan humanitaire a été examiné au cours d'un entretien que le commissaire général de l'Unrwa, Pierre Krahenbuhl, a eu dans la matinée au Sérail avec le Premier ministre Tammam Salam, en présence du directeur des opérations de l'Unrwa au Liban, Mathias Chémali, et du président du Comité libano-palestinien de dialogue, Hassan Mnaymné. Mais de manière plus générale, l'accent a été mis sur les prestations de l'agence onusienne aux Palestiniens. M. Salam a insisté dans ce cadre sur la nécessité pour l'Unrwa de continuer à honorer ses engagements à l'égard du peuple palestinien, d'autant que ses difficultés se sont accentuées, selon lui, du fait des événements qui se déroulent dans la région. M. Salam faisait notamment allusion aux réfugiés palestiniens qui avaient été contraints de fuir la guerre dans des pays comme la Syrie notamment.
Il s'est aussi arrêté sur la reconstruction du camp de Nahr el-Bared et le rôle assumé par l'Unrwa sur ce plan, avant d'inviter celle-ci à adopter une politique transparente pour la gestion des services dont elle est en charge dans les camps.
M. Krahenbuhl a présenté à son tour la reconstruction de Nahr el-Bared comme étant une priorité, affirmant avoir discuté avec le chef du gouvernement des mécanismes de coopération entre l'agence et le Liban.
Pendant ce temps, le porte-parole de l'Unrwa, Sami Mechaachah, soulignait dans un communiqué « l'inquiétude de l'Unrwa face à l'absence de sécurité au camp de Aïn el-Héloué ». « Les combats de lundi ont eu un impact grave sur la population de réfugiés à Aïn el-Héloué », a-t-il dit, en relevant qu'en dépit du cessez-le-feu instauré, la situation reste dangereuse. « Nous sommes profondément inquiets à cause des rapports faisant état des dangers auxquels les civils ont été exposés et des dommages dans nos installations », a-t-il poursuivi, en soulignant que l'Unrwa « condamne toute partie qui ne respecte pas ses engagements, imposés par les lois internationales en rapport avec la protection des civils et les installations de l'Onu ». M. Mechaachah a appelé toutes les parties à « la retenue afin d'éviter de nouveaux dérapages ».
Le même appel a été lancé par Bassam Hammoud, responsable politique de la Jamaa islamiya au Liban-Sud, qui a effectué hier une tournée auprès des responsables des services de sécurité à Saïda et au Liban-Sud, afin de discuter avec eux de la situation à Aïn el-Héloué.
M. Hammoud a invité « l'ensemble des forces et des autorités libanaises et palestiniennes à Saïda et dans les camps à assumer leurs responsabilités et à sortir de la phase des déclarations d'intention, des discours et des prises de position pour entrer dans celle des initiatives concrètes ». « Il est important de prendre des mesures pratiques pour éviter une répétition des événements de lundi. Ce qui s'est passé dans le camp ne concerne pas seulement les Palestiniens, mais tous ceux qui sont attachés à la cause palestinienne et qui la considèrent comme étant la cause centrale arabe », a-t-il déclaré à la presse. Il s'est félicité des efforts déployés pour l'instauration d'un cessez-le-feu et appelé à « davantage de vigilance surtout en raison de la paralysie du gouvernement et de l'exacerbation des conflits entre les pôles politiques qui ne tiennent pas compte des intérêts de la population ». M. Hammoud a notamment mis en garde contre « un projet de discorde voulu pour le camp de Aïn el-Héloué, afin de le détruire en tant que capitale-symbole des réfugiés palestiniens ».