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Liban - Sécurité

La chirurgie esthétique n’a vraisemblablement pas joué en faveur d’el-Assir

Arrêté à l'aéroport, le prédicateur islamiste tentait de fuir le Liban pour le Nigeria, via Le Caire.

Le nouveau visage de cheikh Ahmad el-Assir.

La « légende » el-Assir s'éteint. L'arrestation samedi matin de ce hors-la-loi qui a souvent fait la une des médias, après avoir fourni matière à débat dans les réseaux sociaux, ne pouvait naturellement pas passer pour un simple fait divers. L'islamiste « star » qui a réussi à faire couler beaucoup d'encre mais aussi du sang alors qu'il voulait en découdre avec le Hezbollah aura donné du fil à retordre à l'ensemble des services de renseignements, qui se concurrençaient pour sa capture.

Recherché depuis la fameuse bataille de l'été 2013, dans une banlieue de Saïda, qui avait opposé les hommes de ce prédicateur islamiste à l'armée libanaise, faisant plusieurs tués et blessés des deux côtés, cheikh Ahmad el-Assir aurait été identifié à l'aéroport de Beyrouth, alors qu'il s'apprêtait à prendre l'avion pour le Nigeria, via Le Caire. Il avait sur lui un document de voyage palestinien falsifié au nom de Rami Abdel Rahman Taleb et un visa régulièrement obtenu auprès de l'ambassade du pays de destination. Bien qu'il ait changé son apparence physique – il aurait eu recours à la chirurgie plastique –, le cheikh trublion a fini par être repéré. Il avait aussi rasé sa barbe volumineuse et avait changé de monture de lunettes.


(Voir : Trois questions à cheikh Ahmad el-Assir)


On ne sait pas encore pour le moment comment le fugitif a été reconnu, plusieurs versions ayant été avancées pour tenter de résoudre l'énigme entretenue par la Sûreté. Interrogé à ce propos, un responsable de cette institution a indiqué à L'Orient-Le Jour que le prédicateur sunnite était « sous surveillance depuis un certain temps et traqué par la Sûreté ». À la question de savoir pourquoi il n'a pas été arrêté plus tôt puisque la Sûreté était au courant de son lieu de cachette et de ses déplacements, la source répond : « Quelle différence si c'est à l'aéroport ou ailleurs ? Nous l'avons quand même arrêté. » Pour sa part, le directeur de la Sûreté, le général Abbas Ibrahim, a affirmé que le dignitaire sunnite était caché à Aïn el-Héloué depuis un certain temps, information que dément le cheikh islamiste Jamal Khattab.

D'autres versions ont circulé dans la presse sur la manière dont il a été identifié, notamment le fait que la personne qui lui a fourni le document de voyage falsifié l'aurait dénoncé. Certains ont même laissé entendre que des services de renseignements étrangers ont aidé à la capture du cheikh, d'autres qu'il aurait été reconnu grâce aux empreintes digitales, deux hypothèses que le directeur de la Sûreté a formellement démenties hier dans un entretien télévisé. C'est dire comment ce personnage aura stimulé l'imaginaire, même après son arrestation.

Quelle que soit la manière dont il a été capturé, Ahmad el-Assir est bel et bien sous les verrous, invité à livrer aux enquêteurs de la Sûreté un trésor d'informations sur ses complices et partisans, dont plusieurs seraient impliqués dans les explosions qui ont visé des lieux chiites il y a deux ans.

Lors de l'interrogatoire, le prévenu devait révéler le lieu de deux personnes qui lui sont proches. La première, un partisan du cheikh islamiste, le Palestinien Ahmad Abdel Magid, a été arrêtée par la Sûreté à l'est de Saïda. La seconde répond au nom de Abdelrahman al-Chami, dont on dit qu'elle a abrité le prédicateur islamiste chez elle durant un certain temps. Ce dernier s'est toutefois évaporé après l'annonce de l'arrestation d'el-Assir, les hommes de la Sûreté n'ayant pas réussi à le retrouver lorsqu'ils ont perquisitionné son domicile à Jadra puis son garage, à l'entrée de Saïda.
Les forces de l'ordre – qui tentent d'agir au plus vite avant que les partisans du prédicateur sunnite ne s'enfuient – ont effectué d'autres perquisitions dans la localité de Sayroub, à l'est de la ville.


(Pour mémoire : Ahmed el-Assir, émir de l'EI au Liban ?)


Satisfaction générale
Si les milieux officiels ont applaudi dans leur ensemble à la capture du fugitif islamiste, à Saïda, le mécontentement était perceptible dans les milieux islamistes. Préférant dépêcher leurs épouses voilées dans la rue, par peur d'une éventuelle répression, voire même d'arrestations, les partisans d'el-Assir ont pris soin de se terrer. S'estimant intouchables, les femmes, elles, ont envahi le rond-point al-Karamé et coupé la route devant les automobilistes, en signe de protestation. Dans une bande vidéo qui a circulé sur les téléphones mobiles, les protestataires, en nombre limité, s'en sont prises aux forces de l'ordre qui tentaient de rouvrir la voie, avant de les insulter, cherchant vraisemblablement à les provoquer et à susciter un scandale. Les FSI ont fini par débloquer l'autoroute et par contraindre les femmes à retourner chez elles, dans un exercice des plus difficiles où elles devaient jongler entre la fermeté et la tonalité féminine de la manifestation.

« La réaction n'ira pas plus loin », commente un observateur islamiste, interrogé par L'Orient-Le Jour. Selon lui, le phénomène el-Assir en tant que tel s'est désormais éteint, mais non le ressentiment de la rue sunnite, « qui continue de considérer que les arrestations des hors-la-loi, quel que soit leur crime, se font exclusivement au sein de cette communauté, alors que les assassins de Rafic Hariri par exemple restent intouchables, bénéficiant d'une couverture certaine ». Une rengaine qui est, selon lui, susceptible de retourner le couteau dans la plaie, ravivant le sentiment de haine chez les plus conservateurs et attirant la foudre des organisations jihadistes.

La voix de l'extrémisme n'a d'ailleurs pas tardé à se faire entendre. Dans un communiqué, le porte-parole des Brigades Abdallah Azzam, Sirajedine Zreikat, s'est demandé si quiconque « aurait osé arrêter Ahmad el-Assir s'il était chiite », dénonçant dans des termes les plus virulents la politique des deux poids deux mesures pratiquée et l'expansion iranienne au Liban.

Pour le moment, l'enquête se poursuit avec le prévenu qui devrait être, sitôt celle-ci terminée, remis à la cour militaire.
La justice libanaise avait requis l'année dernière la peine de mort contre Ahmad el-Assir et 53 autres personnes pour les affrontements sanglants contre l'armée libanaise qui avaient tué 18 soldats et 11 hommes armés à l'été 2013, à Abra. Les audiences, qui avaient débuté il y a quelques mois et qui devaient en principe se poursuivre dès mardi prochain, pourraient être suspendues à cause de l'arrestation de cheikh el-Assir, à qui la justice devra accorder la priorité. Ce dernier est accusé d'avoir constitué une organisation terroriste et incité à des violences contre l'armée. La liste des accusés pourrait cependant s'allonger, au fur et à mesure des aveux faits par le prévenu.

 

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Portrait
Le prédicateur islamiste était au départ un quiétiste

 


Cheikh Ahmad el-Assir lors d'un discours enflammé contre le Hezbollah.



Contrairement à une idée reçue, cheikh Ahmad el-Assir n'est pas un salafiste. Parfait inconnu avant le début, en 2011, de la révolte en Syrie, ce cheikh natif de Saïda appartenait, à l'origine, à l'école quiétiste
d'« al-tabligh wal-daawa » (une école de prosélytisme), qui s'interdit de s'ingérer dans les questions politiques et dénonce la violence. Les adeptes de cette école seraient en quelque sorte les « boudhistes » de l'islam.

L'école est basée en Inde et au Pakistan où cheikh Ahmad el-Assir a d'ailleurs fait un séjour. C'est muni de ces principes qu'il est revenu prêcher à la mosquée Bilal ben Rabah, située à Abra. À partir du début de la révolution syrienne puis de l'ingérence du Hezbollah dans le pays voisin, le prédicateur sunnite bascule dans l'extrémisme. Pourfendeur du régime syrien de Bachar el-Assad et de ses soutiens, il lance une guerre verbale véhémente tant contre le régime de Damas et le Hezbollah que contre l'armée libanaise qu'il accuse de ne pas réagir face à l'implication du mouvement chiite en Syrie. Pacifiste au départ, son mouvement de protestation – médiatisé à outrance – a suscité à la fois admiration dans certains milieux sunnites et répulsion chez ceux qui y ont vu un véritable défi au parti chiite ainsi qu'à l'État, qu'il accusait de connivence avec le Hezbollah. À Saïda, le prédicateur sunnite a réussi à créer un véritable mouvement de sympathisants, y compris parmi la bourgeoisie de la ville. En juillet 2012, il observe, avec ses partisans, un sit-in exubérant à Saïda, paralysant la ville pendant plusieurs mois. Bloquant l'une des artères vitales de la ville, les protestataires ne renonceront à leur mouvement qu'à l'issue de longues négociations avec le ministre de l'Intérieur de l'époque, Marwan Charbel, et son gouvernement, présidé par Nagib Mikati.

(Pour mémoire : Fadl Chaker « en désaccord avec Ahmad el-Assir depuis deux mois »)


L'imam de la mosquée Bilal ben Rabah de Saïda n'a pas pour autant dévié d'un pouce de sa rhétorique anti-iranienne, allant jusqu'à appeler à « une intifada de toutes les classes sociales contre les armes iraniennes au Liban ». Il considérait notamment que « le dossier des armes et le projet perse sont les problèmes les plus graves auxquels fait face le Liban ».
« C'est le projet iranien qui a assassiné l'ancien Premier ministre, Rafic Hariri », avait-il dit, lors d'un meeting oratoire.

Entre-temps, les hommes d'el-Assir avaient commencé à s'armer, avant de se retrancher dans la mosquée et ses alentours, transformée en base militaire, à laquelle ne pouvaient accéder que ceux qui étaient munis de permis.

En juin 2013, des affrontements éclatent avec l'armée libanaise qui voulait en découdre avec ce trublion islamiste. Ce dernier a réussi à s'enfuir avec quelques-uns de ses partisans et ses deux fils.

Ahmad el-Assir, lui, s'évapore à la fin de cette bataille de deux jours. En cavale et recherché par tous les services de renseignements au Liban, il continue de diffuser des messages qui se rapprochent progressivement de « la terminologie de l'État islamique », estime Romain Caillet, un chercheur spécialiste de l'islam radical, refoulé du Liban.

Alors qu'il était en fuite, le cheikh a diffusé plusieurs enregistrements audio et tweeté de nouvelles critiques contre le Hezbollah, l'Iran mais aussi l'armée libanaise.
L'an dernier, il avait diffusé un message sur YouTube appelant les musulmans sunnites à faire défection de l'armée régulière libanaise, qu'il accuse en substance d'être prochiite.


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Prières à la mémoire de Samer Rizk
Les habitants du village de Kaa, dans la Békaa-Nord, se sont joints à la famille du sergent-chef Samer Rizk, tué en juin 2013, lors des affrontements qui avaient opposé à Abra les partisans du cheikh salafiste Ahmad el-Assir et l'armée. Des prières ont été récitées devant l'église Saint-Élie, en présence de la famille de Samer Rizk. Dans un mot prononcé à cette occasion, la mère du sergent-chef a demandé qu'el-Assir soit condamné à mort.

 

Des prières ont été célébrées samedi à Kaa, dans la Békaa-Nord, à la mémoire du sergent-chef Samer Rizk, tué en 2013 lors des affrontements qui avaient opposé à Abra les partisans du cheikh salafiste Ahmad el-Assir et l'armée. Photo Ani

 

 

Inscriptions antialaouites signées par des partisans d'el-Assir dans le Akkar
Des inscriptions antialaouites, signées par des partisans du cheikh salafiste Ahmad el-Assir, ont été trouvées sur les murs d'un site religieux alaouite, dans la localité frontalière de Samakia, au Akkar. Les forces de l'ordre ont ouvert une enquête pour rechercher les auteurs des faits.

La « légende » el-Assir s'éteint. L'arrestation samedi matin de ce hors-la-loi qui a souvent fait la une des médias, après avoir fourni matière à débat dans les réseaux sociaux, ne pouvait naturellement pas passer pour un simple fait divers. L'islamiste « star » qui a réussi à faire couler beaucoup d'encre mais aussi du sang alors qu'il voulait en découdre avec le Hezbollah...

commentaires (7)

Groucho Marx?

Christine KHALIL

18 h 01, le 17 août 2015

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Commentaires (7)

  • Groucho Marx?

    Christine KHALIL

    18 h 01, le 17 août 2015

  • Je ne commente pas l'incommentable, tout cela est le résultat de l'Accord du Caire signé en 1969 par Charles Hélou et le général Boustani.

    Un Libanais

    15 h 51, le 17 août 2015

  • Il ne faut pas toucher à Hassan Nasrallah. Il représente un droit et un parti divins. On n'attente pas au sacré. On serait incriminé pour blasphème par l'inquisition de la République islamique d'Iran et de la Résistance islamique au Liban!

    Dounia Mansour Abdelnour

    12 h 10, le 17 août 2015

  • Un crétin de plus neutralisé. Bientôt ce sera le tour de Hassouna. La patience est le maître mot. Embourbé comme il l'est, le Hezbollah approche de sa fin. Attendre et voir venir!

    Pierre Hadjigeorgiou

    11 h 19, le 17 août 2015

  • Quand on vous disez que ce wazwaz était pisté depuis sa debandade. Le seul moyen de se faire gauler c'est de croire que des palestiniens pourront vous protéger. les complicités seront mises à jour et nous pourrons voir clairement qui était derrière le wazwaz dans ses actes criminels et qui est derrière sa demascation mais une chose est sûre il a été vendu pour permettre aux forces des résistances de la région de se renforcer. Je ris encore des comments du passé de certains huluberlus qui pouVaient voir en ce clown une alternative à H.N les pauvres.

    FRIK-A-FRAK

    10 h 49, le 17 août 2015

  • Et le parti de la desinformation et de l'illogisme continue de dire que le courant du future est salafiste/takfiriste. le criminel sera interroge et abbas ibrahim n'hesitera pas a faire passer l'information au hezbollah et au cpl si il a beneficie d'une quelconque aide de saad harriri. Mais c'est peine perdue, les accusations contre le courant du future continuerons quel que soit le resultat. C'est ce qui marche le mieux avec leur public qui n'aime que les histoires de complots et de trahisons. Est-ce qu'on verra les assassins de samer hanna derriere les barreaux? Est-ce qu'on verra les assasins de sobhi et nadimeh fakhri arrete? Est-ce qu'on verra les producteurs de captagon avec des menottes? Est-ce qu'on verra hassan nasrallah rasé de pres, bien au chaud au ministere de la defence? Ce n'est pas parcequ'on a libere un pays une fois qu'on s'arroge tout les droits, regardez petain, il a fini en prison.

    George Khoury

    07 h 53, le 17 août 2015

  • Bien déséquilibré, cet homme.

    Halim Abou Chacra

    04 h 09, le 17 août 2015

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