Angoissés de voir l'un des moteurs de l'économie mondiale donner de sérieux signes d'essoufflement, les marchés financiers ont très mal réagi hier à la seconde dévaluation en deux jours de la monnaie chinoise. Et au cours d'une semaine qui s'annonçait comme une des plus calmes de l'année, en plein cœur de l'été, la décision de Pékin mardi d'abaisser le niveau de référence du yuan, pour tenter de relancer son activité en plein trou d'air, a fait l'effet d'une douche froide.
Les investisseurs ont eu à peine le temps de digérer la nouvelle que le gouvernement a remis le couvert et accentué sa dévaluation, après avoir pourtant assuré la veille qu'il s'agissait d'une « action unique ». La Banque centrale chinoise (PBOC) a ainsi réduit de 1,62 % le taux-pivot autour duquel le renminbi (autre nom du yuan) est autorisé à fluctuer, le ramenant à 6,3306 yuans pour un dollar, contre 6,2298 mardi. Cumulée sur deux jours, c'est la plus drastique baisse depuis 1994 et l'adoption par Pékin du système de change actuel.
Et le résultat a été sans appel sur les marchés mondiaux : les Bourses asiatiques ont accusé le coup – Tokyo a clôturé en baisse de 1,6 %, Hong Kong de 2,38 % et Shanghai de 1,06 % – et les Bourses européennes leur ont emboîté le pas avec des baisses encore plus sévères.
La Bourse de Paris a ainsi fini sur une chute de 3,40 %, celle de Francfort de 3,27 % et Londres de 1,40 %. Wall Street n'a pas échappé à la déroute. Au moment de la fermeture des marchés européens, l'indice vedette Dow Jones Industrial Average cédait 1,28 % et l'indice élargi S&P 500 1,15 %. « Le marché s'était dit que les autorités resteraient tranquilles pendant quelques jours après la première dévaluation, mais la seconde a surpris parce qu'elle est très rapprochée », résume Alexandre Baradez, un analyste de IG France.
« Les marchés pâtissent clairement de cette seconde dévaluation », note également Mikaël Jacoby, responsable du courtage Europe continentale d'Oddo Securities.
Même si ce double geste « laisse présager de bonnes choses à moyen et long terme avec plus de compétitivité et d'investissements pour le pays, très concrètement les sociétés actives en Chine vont devoir réviser à la baisse les chiffres d'affaires liés au pays », développe-t-il, et « donc forcément les marchés s'ajustent ».
Découverte d'une passion
À l'inverse, le marché de la dette souveraine, traditionnel refuge en cas d'agitation, a bénéficié d'un mouvement de repli des investisseurs à la recherche de sécurité.
À la clôture du marché européen à 19h00 (heure de Beyrouth), le taux d'emprunt à 10 ans de l'Allemagne s'est détendu à 0,605 % contre 0,632 % la veille. Celui des États-Unis évoluait dans la même direction à 2,086 % (contre 2,141 %).
Sur le marché obligataire, plus un titre est recherché plus son prix monte et plus son taux d'intérêt baisse. Sur le marché des changes, la décision chinoise mettait sous pression les devises des pays émergents, à l'instar du rouble russe en pleine dégringolade ou du ringgit malaisien qui a touché son plus bas niveau en 17 ans face au dollar hier.
« La Chine semble s'être découvert une passion pour les interventions sur les changes », a commenté Chris Beauchamp, un spécialiste des changes de la société IG, pour qui, « si le spectre d'une guerre des monnaies était inquiétant mardi, il semblait palpable » hier.
La question désormais sur toutes les lèvres est de savoir si les autorités chinoises vont en rester là. « Même si les autorités chinoises avaient réellement besoin d'un yuan plus faible, elles ne devraient pas laisser la monnaie se déprécier fortement », estime Patrick Jacq, un spécialiste de la dette de BNP Paribas. Un avis partagé par les analystes d'Aurel BGC : « Pékin ne voudra sans doute pas donner l'impression que la baisse du yuan est partie pour durer, ce qui pourrait provoquer une accélération des sorties de capitaux. »
(Source : AFP)