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Moyen Orient et Monde - Tribune

Ne pas perdre de vue les enjeux

Habib Bourguiba, porté par la foule à son retour de trois ans d’exil en France le 1er juin 1955. Archives AFP

Les Tunisiens célèbrent cette année le 58e anniversaire de la proclamation de la République tunisienne. Plus que jamais engagée sur la voie de la démocratie, la Tunisie est devenue un espoir et un exemple pour le monde arabe.
Proclamée un an après l'indépendance de la Tunisie, la République consiste d'abord en une première phase où tout le corps construit autour de la cour beylicale va être littéralement éradiqué au nom d'un idéal voulant que le pouvoir et les fonctions ne relèvent plus de l'hérédité, mais du mérite ou de la légitimité populaire. La Tunisie va ainsi voir émerger une génération de cadres politiques et administratifs issus des couches populaires et dont le renouvellement sera désormais assuré par un système éducatif massif.
Très vite, la République entre dans une seconde phase plus autoritaire avec le Destour, le parti au pouvoir qui devient le parti unique, la présidence à vie attribuée à Bourguiba, puis sa succession avec le général Ben Ali dont la gouvernance sera marquée par une gestion sécuritaire et autoritaire particulièrement féroce. La génération des cadres destouriens est devenue une élite qui est la vraie base politique et sociale du pouvoir politique. La loyauté vis-à-vis de la dictature y devient un mode d'introduction beaucoup plus prégnant que cette notion de mérite qui faisait pourtant tous les espoirs d'ascension sociale des classes populaires au lendemain de l'indépendance. La cour du bey a été remplacée par la caste des élites destouriennes où l'appartenance, le clan et l'origine géographique reprennent droit de cité.
Mais il faudra bien que l'histoire éprouve cette fiction pour y mettre fin et entamer cette troisième phase débutée avec la révolution du 14 janvier 2011 et le départ du dictateur Ben Ali suite à trois semaines de contestations populaires. La possibilité d'une République démocratique ouvre de nouveaux espoirs pour la Tunisie.
Passé l'euphorie, la Tunisie s'interroge sur la pérennité de son modèle. En effet, si l'on relève de nombreux signaux allant dans le sens de la consolidation de la démocratie (dont les élections libres et les médias pluralistes), il reste que le peuple a aussi des attentes fortes en matière de partage des richesses et de sécurité dans un contexte international ravagé par les crises économiques à répétitions et les instabilités géopolitiques. La stabilisation du modèle démocratique tunisien tient aussi à la possibilité pour tout un chacun de capter le partage des richesses et de vivre en paix.
La priorité est aujourd'hui d'assurer un développement économique qui repose sur des bases solides. Or, avec une croissance de l'ordre de 1 % en 2015, il y a urgence à la fois pour stabiliser le climat économique postrévolution aussi bien que pour conduire les réformes structurelles héritées d'un modèle dépassé. Le secteur du tourisme en est un exemple criant : fort de ses 8 % du PIB et 400 000 emplois directs et induits, il expose l'ensemble de l'économie du fait du surendettement des acteurs et de structures des années 90 qui ne répondent plus aux exigences du marché actuel. Sans incitation à l'investissement, les facilités fiscales censées soulager le secteur n'ont fait qu'accompagner la descente en gamme de l'offre avec un positionnement qui ne génère que de très faibles marges. Même si la volonté ne manque pas, les décideurs tunisiens ont posé un mauvais diagnostic sur un vieil homme malade.
La Tunisie a pourtant bien d'autres atouts qui permettraient de diversifier son économie : proximité géographique avec le tissu industriel européen, démographie maîtrisée, pratique de la langue française, main-d'œuvre qualifiée. Quelques ajustements et une orientation vers les secteurs à forte valeur ajoutée pourraient donner des résultats impressionnants comme le reconnaît Antonio Nucifora, économiste à la Banque mondiale : « La Tunisie a plus à offrir que des emplois peu rémunérateurs et précaires. Notre étude montre que la suppression de certaines des barrières qui limitent la participation de nouvelles entreprises à l'activité économique, alliée à la concurrence accrue, pourrait plus que doubler le nombre d'emplois créés avec un apport de plus de 100 000 emplois supplémentaires par an, faisant de la Tunisie le « Tigre de la Méditerranée ».
Sans pour autant aller jusqu'à un libéralisme et une économie dérégulée, dans un pays où le taux de chômage varie de 15 à 20 % et où la situation sociale est précaire, il devient urgent d'opérer un changement de « mindset » où le modèle économique découle d'une vision claire et d'un projet bien défini. La Tunisie en a évidemment les atouts. Encore faut-il que sa gouvernance sorte de sa léthargie et s'attelle à réformer sur le long terme plutôt qu'à traiter sur le court terme.

*Hani Ouechtati est militant de la diaspora tunisienne et membre de l'association UniT – Union pour la Tunisie.

Les Tunisiens célèbrent cette année le 58e anniversaire de la proclamation de la République tunisienne. Plus que jamais engagée sur la voie de la démocratie, la Tunisie est devenue un espoir et un exemple pour le monde arabe.Proclamée un an après l'indépendance de la Tunisie, la République consiste d'abord en une première phase où tout le corps construit autour de la cour beylicale va...

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