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Diaspora - Portrait

Sami Aoun, une success-story « intellectuelle » au Canada

Professeur titulaire à l'École de politique appliquée de l'Université de Sherbrooke, ce Libanais est aussi directeur de l'Observatoire sur le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord et cofondateur de l'Observatoire sur la radicalisation et l'extrémisme violent.

Le professeur Sami Aoun est devenu une référence incontournable au Canada pour les analyses du monde arabe.

En 1989, fuyant les obus de l'armée syrienne, Sami Aoun se rend au port de Jounieh, en compagnie de son épouse Maguy Abou Fadel et de ses trois enfants en bas âge, Rana, Élias et Michel. La décision est prise : quitter le Liban, arriver à Chypre, et de là partir vers là où « Dieu nous emmènera ».
Pour cet homme originaire de Jezzine, né à Ras el-Metn, village de ses grands-parents maternels, la responsabilité est grande envers sa famille et envers l'avenir de ses enfants. « Un pays, une nation, ce n'est pas une auberge ou un hôtel qu'on peut quitter à tout moment », disait-il souvent. Sami Aoun aime son métier d'enseignement de la philosophie politique et de la pensée libanaise et arabe dans plusieurs universités libanaises. Mais quand un obus touche la chambre à coucher des enfants, qui se trouvaient heureusement dans un abri, c'en est trop. Le trajet Liban-Chypre est en lui-même une aventure périlleuse. Les Syriens imposaient alors un embargo sur les ports et bombardaient les bateaux. «Des personnes qui ont pris le bateau après nous ont été tuées », se souvient-il.
À Chypre, il fait rapidement la connaissance de responsables québécois, dépêchés par les autorités canadiennes pour offrir l'asile aux rescapés libanais de la guerre libano-syrienne. On lui offre un visa, mais on le prévient : « Rien ne vous garantit qu'au Québec vous aurez un poste similaire à celui que vous occupiez au Liban ! »
Sami Aoun arrive le 5 septembre 1989 à Montréal avec sa famille. Sa priorité est d'assurer la subsistance de la famille et sa sécurité. Grâce à un réseau de Libanais et à la « divine providence » – comme il se plaît à le répéter –, le jeune professeur libanais décroche des heures d'enseignement à l'université. Des cours qui nécessitent beaucoup de préparation, et qui ne relèvent pas directement de sa spécialité, comme l'histoire des civilisations non occidentales ou encore l'histoire du Japon. Flexibilité et vaste culture générale, tels sont les clés de sa réussite, affirme-t-il aujourd'hui.

Une carrière jalonnée de succès
Rapidement, le jeune immigrant se démarque par ses qualités d'enseignant. Les étudiants l'apprécient et le magazine canado-anglais Maclean's le choisit comme l'un des professeurs les plus populaires au Québec. Sa capacité d'analyse politique lui vaut d'être invité régulièrement à Radio-Canada pour commenter les événements du Moyen-Orient. Il participe à la création de la branche arabophone de la radio.
Nommé professeur titulaire à l'École de politique appliquée et élu directeur de l'Observatoire sur le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord, auteur de plusieurs ouvrages, Sami Aoun est aujourd'hui une référence incontournable au Québec pour analyser les événements du monde arabe. C'est aussi une pierre angulaire de la communauté libanaise et arabe dans la diaspora. Le 30 avril dernier, le ministre de la Défense et chancelier du Collège militaire royal du Canada, Jason Kenny, le nomme au prestigieux poste de gouverneur, membre du conseil des gouverneurs du Collège, unique université militaire à décerner des diplômes au Canada.

Intégration sans déni des racines
De père maronite et de mère orthodoxe, riche de l'héritage multiconfessionnel du pays du Cèdre, Sami Aoun préconise le dialogue interreligieux, devenu l'angle privilégié de la plupart de ses analyses politiques. Il tient à souligner le rôle des chrétiens dans la nahda arabe. Ce thème est celui de sa première recherche académique dans le cadre du doctorat.
Fils de l'Église maronite, il participe aux activités culturelles œcuméniques des chrétiens d'Orient et à des rencontres avec les communautés musulmanes à Montréal. Il est considéré comme une personnalité transcommunautaire, un « passeur culturel » entre l'islam et le monde occidental. « Je veille à entretenir d'excellentes relations avec les différentes communautés, au-delà des simples paroles prononcées à la tribune », précise-t-il.
Le professeur émérite a su préserver l'identité libanaise de ses enfants. Il est fier du fait qu'ils parlent libanais et apprécient la nourriture libanaise soigneusement préparée par sa femme. La foi maronite est elle aussi un ciment de la famille. « Ils sont sensibilisés aux enjeux politico-religieux du Liban et du Moyen-Orient », dit-il de ses enfants.
L'attachement à l'identité libanaise n'empêche cependant pas l'intégration dans la société d'accueil. Sa fille Rana est mariée à un Québécois, Alexandre Deslauriers, pharmacien comme elle. « Mon gendre, qui est québécois de souche, se met à apprendre l'arabe », s'amuse Sami Aoun. « Il aime la kebbé nayyé, les fawaregh et l'arak, encore plus que ma fille ! » s'exclame-t-il.

En 1989, fuyant les obus de l'armée syrienne, Sami Aoun se rend au port de Jounieh, en compagnie de son épouse Maguy Abou Fadel et de ses trois enfants en bas âge, Rana, Élias et Michel. La décision est prise : quitter le Liban, arriver à Chypre, et de là partir vers là où « Dieu nous emmènera ».Pour cet homme originaire de Jezzine, né à Ras el-Metn, village de ses grands-parents...