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Moyen Orient et Monde - Égypte

À table avec les non-jeûneurs

Phénomène encore tabou au sein de la société égyptienne, les personnes n'observant pas le jeûne du ramadan continuent de se cacher.

Alors que les échoppes et les épiceries sont ouvertes durant le mois de ramadan pour que les fidèles puissent faire leurs courses et préparer l’iftar, nombreux sont les cafés et restaurants qui gardent le rideau baissé jusqu’au coucher du soleil. Mohammad el-Shahed/AFP

Le soleil est encore haut dans le ciel. Au sous-sol d'un café branché de la capitale égyptienne, Nora, 26 ans, commande un sandwich au thon et un soda en allumant une cigarette. « J'en fume une dernière, après je dois y aller », souffle-t-elle. Elle a rendez-vous chez l'une de ses tantes, en périphérie du Caire, pour partager l'iftar, premier repas de la journée qui « casse » le jeûne observé depuis l'aurore. « Il ne faut pas que je mange trop, sinon, ils vont se douter de quelque chose », lâche la jeune femme.

Depuis plusieurs années, Nora « ne croit plus » et ne jeûne plus. « J'ai été élevée dans une famille assez conservatrice et j'ai pratiqué ma religion pendant très longtemps. Aujourd'hui, je n'en ai plus envie, j'estime que je n'ai pas besoin de prier cinq fois par jour ou de faire le ramadan pour être quelqu'un de bien », tranche-t-elle. Un choix de vie qu'elle ne cache pas à son père : « Il est assez ouvert », explique-t-elle. « Je vis dans mon propre appartement depuis des années, j'ai un copain, je fume... Mais pendant le ramadan, j'évite les provocations. Mon père sait que je ne le fais pas, mais j'évite de fumer en sa présence, je change de pièce pour boire ou grignoter... Mais bon, s'il me trouve dans la cuisine avec un verre d'eau, ce ne sera pas l'objet d'un drame », assure-t-elle. À l'exception de ses amis, non jeûneurs comme elle, et de son paternel, Nora prend néanmoins soin « de ne pas créer de drames inutiles », notamment avec les cercles familiaux plus éloignés.

 

Du « cinéma »
« Ma vie ne les regarde pas, quand j'y vais, je fais semblant d'avoir jeûné, je partage l'iftar de bon cœur, mais en général, je refuse de rester passer la nuit chez eux. Je trouve une bonne raison, pour ne pas faire durer ce cinéma trop longtemps », plaisante-t-elle. Une habitude assez répandue, notamment chez la jeunesse égyptienne qui peine à sortir des carcans religieux imposés par la société, et en premier lieu par leur famille.
Chez Ahmad, même son de cloche. « Je ne veux pas aller dîner chez ma mère, je vais devoir y passer la nuit et jeûner toute la journée du lendemain, s'exclame-t-il, un joint au bord des lèvres. Je n'arrête pas de trouver des excuses, je passe en coup de vent. » Un jeu de rôles qui prend place aussi à l'extérieur de la maison familiale.

Fumer ou manger à l'extérieur ? « Impensable », assure Nora. De fait, vingt-cinq Égyptiens en ont fait l'amère expérience récemment. Tous ont été arrêtés pendant plusieurs heures pour avoir bu ou mangé en public en pleine journée, dans la zone du Fifth Settlement, compound huppé au nord du Caire. Des arrestations qui ont, comme presque tous les ans, provoqué le débat au sein de la société égyptienne : « Faut-il ou pas criminaliser le non-respect du jeûne ? », forçant un haut responsable du ministère de l'Intérieur à rappeler que rien ne le prévoit actuellement dans la loi égyptienne. « Le Coran autorise dans de nombreux cas à ne pas pratiquer le ramadan (...) nous ne pouvons pas mettre en place des lois qui contredisent le Coran », a également rappelé le responsable de la communication du ministère, Abou Bakr Abdel-Karim, sur la chaîne de grande audience ONTV.

 

(Lire aussi : « Il n’y a aucune vie possible pour les athées en Égypte »)



Mais plus que la peur d'être inquiété par un policier zélé, c'est le regard des autres qui dérange. « Les gens vous jugent », assure Nora. D'ailleurs, nombreux sont les cafés, restaurants et autres petites échoppes qui gardent le rideau baissé jusqu'au coucher du soleil. Certains cafetiers avouent avoir interdiction de servir et nombreux sont les bars qui refusent de servir de l'alcool aux Égyptiens pendant le mois sacré. « J'ai aussi un passeport canadien, explique Nora. Techniquement, je peux commander de l'alcool, mais bien souvent, on me le refuse quand même car j'ai un physique d'Égyptienne, et franchement, je préfère me dispenser de la morale des serveurs ou des regards en coin. Je ne bois pas d'alcool pendant un mois. »

 

« Pilier inébranlable »
« Que vous ne fassiez pas la prière ou la charité, vous pouvez passer à travers les mailles du filet, les gens auront du mal à s'en rendre compte, mais le ramadan, c'est une expérience collective, une sorte de devoir national ; si vous ne le faites pas, vous êtes considéré comme un traitre d'une certaine façon », explique Nadia face à son plat de foie de veau. « Le ramadan est une des valeurs-clés de l'islam, et même s'il est considéré comme un choix spirituel personnel entre soi et Dieu, c'est le seul des cinq piliers de l'islam qui est inébranlable », assure-t-elle.

Une explication qui énerve Laura, les mains dans une carcasse de poulet. « Et nous coptes, on n'est pas forcés. Admettons que ces personnes arrêtées étaient chrétiennes, ce n'est pas écrit sur leur visage », lance-t-elle avec agacement. Par signe de respect et dans un souci d'apaisement, nombreux sont d'ailleurs les chrétiens (ils représentent 8 % de la population) qui eux aussi se restreignent durant cette période. « Quand je vais au travail, dans les transports ou dans les lieux publics, je ne mange pas et ne bois pas, assure Bichoy. J'attends d'être rentré chez moi ou d'être dans un lieu chrétien », malgré les 40 degrés qui brûlent et qui assoiffent le pays. Pour lui, pas une obligation, mais plutôt de la bienveillance. « Je n'ai pas envie de heurter les sensibilités des musulmans, affirme-t-il, c'est une question de respect. »

 

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Le soleil est encore haut dans le ciel. Au sous-sol d'un café branché de la capitale égyptienne, Nora, 26 ans, commande un sandwich au thon et un soda en allumant une cigarette. « J'en fume une dernière, après je dois y aller », souffle-t-elle. Elle a rendez-vous chez l'une de ses tantes, en périphérie du Caire, pour partager l'iftar, premier repas de la journée qui...

commentaires (1)

La semaine derniere au sud Liban , j'etais assis a midi dans un café trottoir a boire mon the en compagnie de mes cousins qui fumaient en buvant du jus d'orange . Aucun souci ..... C'etait un village a majorite chiite .

FRIK-A-FRAK

14 h 07, le 16 juillet 2015

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Commentaires (1)

  • La semaine derniere au sud Liban , j'etais assis a midi dans un café trottoir a boire mon the en compagnie de mes cousins qui fumaient en buvant du jus d'orange . Aucun souci ..... C'etait un village a majorite chiite .

    FRIK-A-FRAK

    14 h 07, le 16 juillet 2015

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