Pakistan: la police dit avoir sauvé un couple chrétien sur le point d'être lynché

La police pakistanaise a affirmé jeudi avoir empêché une foule en colère de lyncher un couple de chrétiens accusé par des passants d'avoir profané le Coran, un rare cas de "blasphème" au dénouement heureux dans ce pays en proie à une montée de l'extrémisme religieux.

L'incident s'est produit mardi dans le village de Makki, dans la province centrale du Pendjab. Le couple de chrétiens démunis dormait sur une bâche posée à même le sol, mais qui était en fait une vieille bannière sertie de logos d'universités et d'inscriptions arabes prises aussitôt pour un verset du Coran par des habitants, a dit à l'AFP le chef de la police locale, Sohail Zaffar Chatta.

Un barbier s'est alors approché des deux chrétiens et poussé les hauts cris, les accusant d'avoir profané le texte saint de l'islam, avant de réunir deux imams et une foule pour les lyncher.
"Mais la police est intervenue à temps pour sauver le couple de la foule en colère et le transférer à Lahore (capitale du Pendjab et deuxième ville du pays), où les deux rescapés ont été remis à des dignitaires de la communauté chrétienne", a ajouté M. Chatta.
Ce dernier a précisé qu'un des deux imams avait été arrêté par la police et que le barbier à l'origine de l'affaire avait pris la fuite.
"Que la police prenne son rôle au sérieux pour protéger des accusés est vraiment un développement positif", a commenté à l'AFP Nadeem Anthony, représentant de la communauté chrétienne à la Commission pakistanaise des droits de l'Homme, un organisme indépendant. "Si les autorités continuent de remplir leurs obligations de la sorte, cela découragera ceux qui tentent de se faire justice eux-mêmes", a-t-il ajouté.

La loi pakistanaise sur le blasphème, souvent utilisée contre la minorité chrétienne qui représente environ 2% de la population du pays majoritairement musulman, prévoit la peine capitale pour quiconque est reconnu coupable d'avoir insulté le prophète Mahomet, et la prison à vie pour profanation du Coran.

Dans certains cas, des foules en colère n'attendent pas la décision des tribunaux et lynchent elles-mêmes les personnes soupçonnées de blasphème, comme dans le cas d'un couple de chrétiens du Pendjab battus puis brûlés par des villageois l'an dernier.

Le cas de la chrétienne Asia Bibi, condamnée à mort il y a cinq ans pour une querelle sur le prophète Mahomet survenue après que des musulmanes de son village aient refusé de boire l'eau d'un verre qu'elle avait utilisé, demeure l'un des plus emblématiques relevant de cette loi controversée.