Les patriarches des Églises orientales réunis hier à Damas. Photo Ani
C'est moins la teneur du message final du sommet œcuménique qui s'est tenu à Damas que le lieu depuis lequel il a été lancé qui a constitué sa grande nouveauté ; et qui a frappé les imaginations. Dans une Syrie dont le régime a le dos au mur, le cri des patriarches orthodoxes et catholiques se réclamant d'Antioche se voulait d'encouragement à une population chrétienne – et musulmane – inquiète, désorientée, tentée par le départ. Même si, sur le fond, il y a quelque chose dans ce message de trop conventionnel qui semble ne plus correspondre à la réalité.
Réunis au siège de l'archevêché grec-orthodoxe, les patriarches ont plaidé, dans leur communiqué final, « en faveur d'un règlement politique de la crise syrienne ». Un règlement dont on sait qu'il se heurte à la réelle volonté d'ouverture du régime syrien sur une opposition crédible. Le message final diabolise, à raison, le jihadisme, tout en invitant la communauté internationale, dont une partie est jugée complice, à le combattre ou au moins à cesser de l'appuyer en sous-main. Il affirme qu'il est temps de lutter contre le rigorisme musulman par une saine éducation religieuse, ce qu'une vaste majorité de musulmans souhaite aussi. Il plaide pour « le pluralisme », mais on a l'impression que c'est davantage du pluralisme religieux que du pluralisme politique qu'il s'agit.
Toujours est-il que le sommet contenait quand même, dans la forme, suffisamment d'éléments de nouveauté pour faire l'actualité, d'autant que pour le tenir, il a fallu à certains, comme au patriarche maronite – mais pas seulement –, surmonter des objections. Le grand danger, en effet, était de voir le régime syrien instrumentaliser ce sommet à son avantage. Mais cette perspective n'a pu prévaloir sur le côté purement humain de la rencontre, loin du « tout politique » qui déchire le Liban.
La symbolique des cinq patriarches
Le patriarche Raï est rentré vers 18 heures à Bkerké, « satisfait de son voyage, heureux d'avoir pu insuffler un nouvel espoir à la population venue à sa rencontre », selon son entourage. La symbolique des cinq patriarches d'Antioche, l'accueil chaleureux de la population, l'apparente normalité qui a entouré les travaux ont remonté le moral de la population et l'ont aidée à sentir qu'elle n'est pas abandonnée. « Sur ce plan, le sommet a été une réussite, mais il est évident que ce qui s'est passé ne change rien aux équations politiques », souligne avec réalisme une source proche du sommet.
(Lire aussi : Raï à Damas : « La conscience du monde est morte ! »)
Voici de grandes lignes du message final publié par les patriarches Jean X Yazigi (grec-orthodoxe), Ignace Efrem II (syriaque-orthodoxe), Grégorios III (grec-catholique), Ignace Youssef III Younane (syriaque-catholique) et Béchara Raï (maronite).
Le message invite les Syriens à rester attachés à l'unité de la Syrie. Il demande au monde d'œuvrer sérieusement en faveur d'un règlement pacifique de la guerre, un règlement garantissant l'instauration de la paix, le retour des personnes enlevées et des déplacés, et « le droit des Syriens de déterminer librement leur propre avenir loin de toute ingérence étrangère ». Les noms des évêques Boulos Yazigi et Youhanna Ibrahim, ainsi que celui du prêtre Jacques Mourad n'ont pas été oubliés de la liste des personnes enlevées dont la cause demeure vivante.
Allégeance exclusive au Liban
Le message invite par ailleurs les Libanais à faire allégeance exclusive au Liban et réclame aux responsables une action sincère pour l'élection d'un président de la République.
Il déplore par ailleurs les « guerres successives » qui ont dévasté l'Irak, et « les projets racistes et confessionnels étrangers à notre culture » qui en ont déraciné la population.
Il rappelle aussi que la cause de la Palestine demeure axiale pour le monde arabe et dénonce « les deux poids, deux mesures » utilisés par la communauté internationale pour en juger, ainsi que les « guerres marginales » inventées par Israël pour continuer à occuper tranquillement un territoire spolié.
Tout en invitant à de meilleures relations avec les musulmans, le communiqué, à la demande du patriarche Raï, a refusé de verser dans la rhétorique majorité/minorité, partant du fait que les chrétiens sont enracinés au Moyen-Orient depuis deux mille ans. « La terre est identité, et combien plus si elle est terre du Christ et de ses disciples », a dit avec beaucoup de force le communiqué. « Nous ne condamnons pas ceux qui choisissent de partir, mais nous rappelons aux chrétiens que la fermeté dans la foi vient souvent à travers beaucoup de tribulations », dira encore le texte.
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C'est moins la teneur du message final du sommet œcuménique qui s'est tenu à Damas que le lieu depuis lequel il a été lancé qui a constitué sa grande nouveauté ; et qui a frappé les imaginations. Dans une Syrie dont le régime a le dos au mur, le cri des patriarches orthodoxes et catholiques se réclamant d'Antioche se voulait d'encouragement à une population chrétienne – et...
commentaires (4)
comme quoi, Damas est et restera un des principaux phares de notre culture à plusieurs hauts niveaux. Merci à tous ceux qui ont rendu possible ce sommet hystorique à commencer par les autorités politiques et militaires Syriennes.
Ali Farhat
03 h 14, le 10 juin 2015