Rechercher
Rechercher

Moyen Orient et Monde - Vatican / Décryptage

D’Étienne II à François : les papes, meilleurs diplomates du monde ?

Alors que le pape François se rend en Bosnie après avoir réalisé de nombreux voyages symboliques, retour sur les fondements de la diplomatie du Saint-Siège et sur les défis actuels qu'elle doit affronter, surtout... au Moyen-Orient.

Photomontage Mohammad Yassine.

« La diplomatie sans les armes, c'est la musique sans les instruments. »
La phrase est de Bismarck et illustre, sans ambiguïté, le premier défi auquel est confrontée la diplomatie vaticane dans l'histoire contemporaine : comment influer sur les questions de guerre et de paix sans avoir une puissance militaire ? Autre challenge majeur pour la diplomatie vaticane : à partir de quels critères, hors le droit international, faut-il déterminer qu'une guerre est juste ou qu'elle ne l'est pas ? Enfin, son plus grand défi en ce début de XXIè siècle : comment faire de la religion, actuellement utilisée par certains comme une arme pour appeler les fidèles à la guerre, un message de paix et de réconciliation ?
Plus petit État au monde, le Vatican a une force diplomatique qui repose sur sa puissance morale, son arme spirituelle et ses plus d'un milliard de fidèles. Elle repose également sur son réseau d'informateurs, quasiment sans équivalents, grâce à l'activité du clergé, et plus particulièrement des nonces apostoliques (le Vatican dispose de près de 180 ambassadeurs), qui donne à sa dimension spirituelle un véritable pouvoir d'action temporel. Elle tire surtout sa force du fait d'avoir le diplomate le plus apprécié et, a priori, le plus désintéressé du monde : le pape.

Liberté du pape
Si le souverain pontife peut discuter d'égal à égal avec n'importe quel chef d'État sur la planète, son action, tout comme sa marge de manœuvre, diffère fondamentalement de celles des hommes politiques : il n'est tenu ni par des engagements démocratiques ni par des intérêts particuliers. S'il respecte les principes de continuité et de stabilité de l'Église, le pape dispose d'une très grande liberté en matière de relations internationales, ce qui lui permet d'intervenir sur des questions aussi différentes que l'environnement, la guerre en Syrie et en Irak, la lutte contre la pauvreté ou encore la contraception sans que personne n'y trouve à redire. Il peut jouer un rôle majeur en tant qu'intermédiaire, mais aussi en tant qu'arbitre.
Historien et journaliste, spécialiste du catholicisme, Christophe Dickès rappelle que la première cause défendue par la diplomatie de l'Église, et ce depuis son origine, est la liberté d'exercer son culte. S'il admet que la diplomatie vaticane ne dispose pas de toutes les armes pour mener son action, l'auteur du Dictionnaire du Vatican et du Saint-Siège souligne que le Vatican dispose d'une réelle puissance morale et que sa puissance politique a varié en fonction des siècles.
« À une époque, la puissance du souverain pontife était comparable à celle des rois. Inocent III ou Boniface VIII disposaient, à titre d'exemple, d'un pouvoir +comparable+ à celui de Barack Obama, dans le sens où le pontife était au centre de la diplomatie européenne". Mais depuis qu'elle a perdu les États pontificaux, l'Église s'est contentée d'être une force morale. Son action diplomatique est très considérée pour au moins deux raisons : sa connaissance des dossiers et son désintéressement. L'Église peut parfois jouer le rôle d'arbitre des relations internationales. » M. Dickès cite plusieurs exemples pour appuyer ses propos, comme lorsque le pape Jean-Paul II est intervenu en tant que médiateur pour apaiser les tensions entre la Chili et l'Argentine concernant un conflit territorial, ou encore comme quand le Vatican est intervenu pour faciliter la libération des soldats britanniques arrêtés par l'Iran dans des eaux territoriales iraniennes, ce qui avait valu à Benoit XVI d'être reçu par... la reine d'Angleterre.

Thomas d'Aquin
Si le Saint-Siège est membre de nombreuses organisations internationales, ce qui montre sa volonté d'être une puissance active, il n'en reste pas moins qu'il ne juge pas les questions de guerre ou de paix à travers la grille de lectures du droit international. « Quand le pape François parle de guerre juste, il fait référence à une notion développée par saint Augustin et par saint Thomas d'Aquin. La dernière fois que le pape a appelé à la guerre sainte, c'était au moment de la bataille de Lépante au XVI siècle. »
« Aujourd'hui au Moyen-Orient, le pape François appelle à une intervention sous mandat international pour contrer Daech, qu'il considère comme le mal absolu. Le Vatican défend une position qui vise à créer une sorte d'axe entre l'Europe, la Russie – qui a toujours joué un rôle dans la protection des minorités – et la Turquie. C'est probablement en ce sens qu'il faut comprendre la récente visite de François en Turquie. Il souhaite qu'Ankara ait une position plus claire et appuie plus fermement les puissances occidentales.
Concernant la situation en Irak, l'historien rappelle que Jean-Paul II s'était opposé à l'intervention américaine en 2003 parce qu'il pensait que ses conséquences seraient pires que ses causes. « Les paroles de Jean-Paul II étaient prophétiques », note M. Dickès.

 

(Lire aussi : François, un pape diplomate et/ou provocateur ?)

 

Islamisme
À l'époque de Jean-Paul II, la diplomatie vaticane était essentiellement mobilisée dans la lutte contre le communisme. Aujourd'hui, c'est la lutte contre l'islamisme qui est érigée comme une priorité, dans le cadre de la préservation des chrétiens d'Orient.
Désormais, au Moyen-Orient, le pape François a une double mission : il doit favoriser un message de paix et de coexistence entre les communautés, et surtout, il doit combattre, par les mots, l'extrémisme religieux. François fait de la religion une solution au moment où elle est perçue par certains comme la cause de tous les problèmes. Il appelle à la paix et à la prière au moment où les pires violences sont commises au nom de Dieu. Et c'est peut-être là la plus grande force, mais aussi la plus grande faiblesse de la diplomatie contemporaine du Vatican : le spirituel doit toujours l'emporter sur le temporel.

 

----

 

La diplomatie du Saint-Siège en images

 

En 754, Pépin le Bref reçoit le pape Étienne II. Un traité est signé entre les deux hommes, s'engageant à créer les États pontificaux par la donation de l'exarchat de Ravenne au pape. De 756 à 758, Pépin lance trois campagnes (couronnées de succès) pour parvenir à repousser les Lombards et finalement livrer au pape les territoires conquis, appelés depuis le patrimoine de saint Pierre, soit 22 villes de l'Italie centrale, dont Ravenne, Pérouse et les provinces d'Émilie et de la Pentapole.

 

 

Le pape Boniface VIII voulait élever la puissance spirituelle au-dessus de la puissance temporelle et prétendait disposer des trônes ; il eut de vifs démêlés avec les Colonna, qui soutenaient les droits de la couronne d'Aragon, avec l'empereur d'Allemagne, mais surtout avec Philippe le Bel en France. Le conflit avec ce dernier s'est envenimé au sujet de la perception de certains impôts que Boniface VIII estimait revenir à l'Église. Le roi de France a proclamé un acte d'accusation contre le pape en mars 1303.

 

Les accords du Latran, officiellement titrés « Traité entre le Saint-Siège et l'Italie », sont signés au palais du Latran le 11 février 1929 entre le royaume d'Italie, représenté par le président du Conseil des ministres Benito Mussolini, et le Saint-Siège, représenté par le cardinal Pietro Gasparri, secrétaire d'État du pape Pie XI. Ratifiés le 7 juin 1929, ils mettent fin à la « question romaine », survenue en 1870 après la prise de Rome et son annexion par la monarchie italienne. Ils réduisent la souveraineté temporelle du pape au seul État de la cité du Vatican. En contrepartie, le catholicisme devient religion d'État en Italie.

 

Ses capacités de diplomate et la confiance de Pie XI qui meurt en 1939 font de Pie XII le favori du conclave qui l'élit peu avant le début de la guerre. Pie XII. Tentant de maintenir la paix (au moins pour l'Italie), exposant sa vision du rôle du pape dans l'encyclique Summi Pontificatus, il maintient le Vatican dans une neutralité qui condamne les excès de cette Seconde Guerre mondiale, en Pologne surtout, sans nommer explicitement le nazisme afin, semble-t-il, de ne pas aggraver la répression.

 

Le général de Gaulle se rend au Vatican en 1959 où il est reçu par le pape Jean XXIII dans la salle du Trône. À genoux devant le pape, le général lui fait cadeau d'une Bible du XIVe siècle sur parchemin. Le général de Gaulle avait déjà été reçu au Vatican en juin 1944 par le pape Pie XII.

 

 

Le pape Paul VI rencontre le président américain John F. Kennedy le 2 juillet 1963 dans la cité du Vatican.

 

 

À Jérusalem, Paul VI (1963-1978) rencontre, le 4 janvier 1964, le patriarche Athenagoras de Constantinople, primat de l'orthodoxie. Catholiques et orthodoxes ont levé les « anathèmes et excommunications mutuels », qui remontent à la rupture de 1054 entre Rome et Constantinople. Photo AFP

 

 

Jean-Paul II avec le couple Reagan en 1982.

 

 

À Casablanca, au Maroc, devant Hassan II, commandeur des croyants, Jean-Paul II déclare le 19 août 1985 : « Le respect et le dialogue requièrent la réciprocité en ce qui concerne la liberté religieuse », allusion à l'absence de liberté de culte pour les chrétiens dans quelques pays musulmans. C'est la première visite d'un pape dans un pays musulman. Dominique Fage/AFP

 

 

Le pape Jean-Paul II avec Fidel Castro, le 21 janvier 1998, à Cuba. Le pape a estimé que les États-Unis devraient lever leur embargo contre l'île des Caraïbes. Michel Gangne/AFP

 

 

Jean-Paul II prie devant le tombeau de saint Jean-Baptiste, dans la mosquée des Omeyyades à Damas, le 6 mai 2001. Il est le premier pape à prier dans un lieu de culte musulman. AFP/Sana

 

 

Le pape Benoît XVI et le président français Nicolas Sarkozy se sont entretenus le vendredi 8 octobre 2010 en tête à tête pendant une demi-heure au Vatican. Photo AFP

 

 

Barack Obama et le pape François se sont entretenus pendant une heure, le 27 mars 2014, au Vatican. Kevin Lamarque/Reuters

 

 

---

 

François recevra Poutine le 10 juin

Le président russe Vladimir Poutine sera reçu le 10 juin au Vatican par François, pour la seconde fois depuis l'élection du pape argentin, a indiqué hier un porte-parole du Vatican. En novembre 2013, le président russe s'était déjà rendu au Vatican pour rencontrer le nouveau souverain pontife. Le Kremlin avait annoncé le 1er juin que M. Poutine prévoyait de se rendre dans les prochains jours à Milan, où se tient actuellement l'Exposition universelle. La visite du chef de l'État russe au Vatican se tiendra dans un contexte de tensions toujours vives entre Moscou et les Occidentaux dues à la crise ukrainienne. Mais le Vatican est resté prudent dans cette crise, Jorge Bergoglio fustigeant une « guerre entre chrétiens ».

Un voyage en Bosnie dans un contexte sécuritaire très délicat

La visite du pape François demain à Sarajevo, où il sera accueilli par près de 100 000 personnes, représente un important défi sécuritaire pour la Bosnie, devenue ces dernières années le théâtre de plusieurs attaques islamistes et un terreau pour des jihadistes.
Le souverain pontife arrive à Sarajevo un mois après une attaque contre un commissariat de police en Bosnie orientale dans laquelle un islamiste local a tué par balles un policier et en a blessé deux, avant d'être lui-même abattu. « Nous devons enfin affronter la réalité du fait qu'il y a un sérieux problème de terrorisme qui prend de l'ampleur en Bosnie », a déclaré le ministre bosnien de la Sécurité, Dragan Mektic. « Il n'y a pas de préoccupation particulière concernant la sécurité » du pape, a toutefois assuré le père Federico Lombardi, porte-parole du Vatican. Mais selon le professeur à la faculté de criminologie de Sarajevo, Jasmin Ahic, le moment de la visite du pape François est « très délicat ». « Le pape arrive dans une période où la menace sécuritaire est à un niveau plutôt élevé. Il s'agit d'un défi sécuritaire énorme », dit cet expert en matière de terrorisme. Déjà, la visite en 1997 en Bosnie du pape Jean-Paul II avait été marquée par une mystérieuse tentative d'attentat dont les organisateurs, des présumés jihadistes selon la presse, n'ont jamais été identifiés. Quelques heures avant son arrivée à Sarajevo, une charge composée de mines antichar avait été découverte sous un pont situé sur le trajet du cortège pontifical.

L'encyclique sur l'environnement sera publiée le 18 juin

L'encyclique très attendue du pape François sur l'environnement sera publiée le 18 juin, six mois avant la conférence internationale de Paris sur le climat, a annoncé hier un communiqué du Vatican. Cette « lettre circulaire » destinée aux évêques du monde entier et intitulée Laudato sii (Loué sois-tu) est la première encyclique entièrement de la main de Jorge Bergoglio. Selon le Vatican, l'encyclique Laudato sii, rédigée en italien, porte sur « l'écologie humaine », thème plus large que la défense de la nature et qui touche la manière dont la société gère « la création de Dieu » et la distribue aux hommes.

 

Pour mémoire
En dénonçant le "génocide" arménien, le pape défend les chrétiens persécutés aujourd'hui

"Vous êtes un ange de paix", dit le pape à Abbas

Jean-Paul II, François : deux papes, deux siècles, un message

« La diplomatie sans les armes, c'est la musique sans les instruments. »La phrase est de Bismarck et illustre, sans ambiguïté, le premier défi auquel est confrontée la diplomatie vaticane dans l'histoire contemporaine : comment influer sur les questions de guerre et de paix sans avoir une puissance militaire ? Autre challenge majeur pour la diplomatie vaticane : à partir de quels...

commentaires (1)

Athées de Tous les Pays, Unissez-Vous ! Il est une évidence stimulante : Les Vaticanais souffrent de pannes d’idées. On conçoit que ceci ne peut être asséné sans précautions. C’est donc étayé par des expertises sérieuses de spécialistes assermentés qui mettent le doigt sur ce nœud catho : ces pannes touchant ces apostoliques romains sont dues au stress protestant et au remue-ménage musulman. Et ceux du 3ème âge seraient les + fragilisés dans ce manque patent d’idées puisqu'ils sont touchés dans leur fin d’existence. Le processus est implacable : le stress de ceux qui se croient forts grâce à leur Rome, va se manifester par la fin de leurs "apparitions" et par leur future disparition. Et tout effort de dépasser ce désastre se traduira par un trouble du comportement et 1 manque de contrôle de soi comme avant. Et pendant ce temps, le Laïc ricane : certes les experts admettent qu'il a 1 flopée d’idées moins vigoureuses qu'il y a 100 ans ; personne n'est parfait. Mais cette flopée est moins anxiogène. Décontractée, elle va son train, forte de la plaisante conclusion des spécialistes : Ce repli, sortie momentanée du champ, vaut mieux qu’être pourchassé. Nul doute que ceci renforce l'argumentaire de ceux qui prônent, pour des raisons apostoliques, la perpétuation du repli athée. En tout cas, revigorés et les pommettes vermeilles, 1 armée Laïque s'exclamera sans complexe : Le catho romain est certes encore puissant, mais l’Athée restera prédominant et ne sera plus jamais dominé !

ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

14 h 10, le 06 juin 2015

Tous les commentaires

Commentaires (1)

  • Athées de Tous les Pays, Unissez-Vous ! Il est une évidence stimulante : Les Vaticanais souffrent de pannes d’idées. On conçoit que ceci ne peut être asséné sans précautions. C’est donc étayé par des expertises sérieuses de spécialistes assermentés qui mettent le doigt sur ce nœud catho : ces pannes touchant ces apostoliques romains sont dues au stress protestant et au remue-ménage musulman. Et ceux du 3ème âge seraient les + fragilisés dans ce manque patent d’idées puisqu'ils sont touchés dans leur fin d’existence. Le processus est implacable : le stress de ceux qui se croient forts grâce à leur Rome, va se manifester par la fin de leurs "apparitions" et par leur future disparition. Et tout effort de dépasser ce désastre se traduira par un trouble du comportement et 1 manque de contrôle de soi comme avant. Et pendant ce temps, le Laïc ricane : certes les experts admettent qu'il a 1 flopée d’idées moins vigoureuses qu'il y a 100 ans ; personne n'est parfait. Mais cette flopée est moins anxiogène. Décontractée, elle va son train, forte de la plaisante conclusion des spécialistes : Ce repli, sortie momentanée du champ, vaut mieux qu’être pourchassé. Nul doute que ceci renforce l'argumentaire de ceux qui prônent, pour des raisons apostoliques, la perpétuation du repli athée. En tout cas, revigorés et les pommettes vermeilles, 1 armée Laïque s'exclamera sans complexe : Le catho romain est certes encore puissant, mais l’Athée restera prédominant et ne sera plus jamais dominé !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    14 h 10, le 06 juin 2015

Retour en haut