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Économie - Liban - Rapport

La santé au Liban : un système inégalitaire, financé essentiellement par les ménages

Selon une étude de Blominvest Bank, les foyers libanais sont les premiers à financer les dépenses de santé, alors que 44 % d'entre eux ne sont pas couverts. Focus sur un secteur générateur de nombreux dysfonctionnements.

Le financement des dépenses de santé est profondément inéquitable : ce sont les ménages qui assument l’essentiel de la facture.

Le Liban dépense de moins en moins pour son système de santé, dont l'accès est entravé par de nombreux dysfonctionnements, et ce sont les ménages qui en supportent l'essentiel du coût... Tel est, en substance, le tableau dessiné par une étude publiée la semaine dernière par Blominvest Bank. Selon les derniers chiffres du ministère de la Santé publique, le Liban a consacré environ 3,06 milliards de dollars à son système de santé en 2012, soit 7,2 % de son PIB d'alors. Un ratio bien éloigné de celui de pays comme les États-Unis (17,1 % du PIB en 2012) ou la France (11,5 %), inférieur d'environ deux points à la moyenne de l'OCDE, et sensiblement identique à ceux de pays comme Chypre ou le Chili. En outre, l'effort financier libanais à, en termes relatifs, significativement décliné : en 1998, les dépenses de santé représentaient 12,4 % du PIB, rappelle l'étude.

Financement inéquitable

Surtout, le financement de ces dépenses est profondément inéquitable. Ce sont les ménages qui assument l'essentiel de la facture : en 2012, ils ont déboursé 1,63 milliard de dollars, soit 53,3 % des dépenses totales. Ce, directement (1,15 milliard de dollars) ou à travers des primes d'assurances (483 millions de dollars). Le Trésor n'assume pour sa part que 30,7 % de ces dépenses, réparties entre la Caisse nationale de Sécurité sociale (CNSS), les différentes caisses du personnel de la fonction publique et le ministère de la Santé. Le reste étant payé par les employeurs (15,5 %) et les aides internationales (0,5 %). En outre, selon la dernière étude de l'Administration centrale de la statistique (ACS) sur les conditions de vie des ménages, les dépenses de santé sont relativement plus importantes pour les ménages modestes : ceux gagnant moins de 9 500 dollars par an pouvant y consacrer jusqu'à 12-13 % de leur budget, contre moins de 8 % pour les ménages gagnant davantage. Une étude publiée en 2014 et citée par Blominvest montre enfin que 44 % des ménages libanais ne sont pas couverts par une assurance-santé. Les autres le sont à travers la CNSS (28 % des ménages), une assurance privée (9 %) ou différentes mutuelles professionnelles ou de la fonction publique.

(Lire aussi : Le plus grand hôpital public du Liban tombe en ruine)


Selon l'étude de l'ACS, les produits pharmaceutiques absorbaient 53 % des dépenses de santé des ménages. Face à ce constat, le ministère de la Santé a pris plusieurs mesures depuis trois ans pour alléger cette note. Après avoir décrété une baisse d'environ 30 % du coût des médicaments génériques en 2012, il a fait de même en 2014 avec un nouvel amendement, baissant en moyenne de 22 % le prix de l'ensemble des médicaments et faisant adopter en février dernier une loi autorisant les pharmaciens à substituer un médicament générique à celui prescrit par le médecin. Cet ensemble de mesures a déjà contribué à faire chuter de 3,6 % le poste des dépenses de santé mesuré par l'indice des prix à la consommation de l'ACS au premier trimestre 2015.

Qualité des soins

Les autres dysfonctionnements majeurs touchent aux frais d'hospitalisation, qui représentent un quart des dépenses des ménages selon l'ACS, et aux inégalités en termes d'accès à des soins de qualité. Le parc hospitalier libanais est dominé par les hôpitaux privés. Hormis à Nabatiyeh – où six hôpitaux sur onze sont publics –, le secteur public est systématiquement sous-représenté avec un rapport de deux hôpitaux publics contre 11 privés dans la région de Beyrouth et de 5 contre 57 au Mont-Liban.

Cela se traduit naturellement par de profondes inégalités dans l'accès aux soins, compte tenu du fossé entre les prix et les services proposés. Les établissements publics, accueillant principalement des personnes à faible revenu, connaissent une situation de déficit chronique qui se traduit notamment par des services de mauvaise qualité, un manque de personnel et des équipements obsolètes. D'autant qu'ils sont les seuls à véritablement assumer la charge représentée par les patients non assurés. Certes, un règlement administratif publié en 2000 par le ministère de la Santé oblige tous les hôpitaux libanais à admettre les patients non assurés à partir du moment où ils n'ont pas dépassé leurs capacités d'accueil. Ces patients sont censés payer uniquement 15 % de leurs frais, le solde étant à la charge de l'État. Mais découragés par les retards des remboursements du ministère de la Santé, la plupart des hôpitaux privés obligent illégalement les patients à prépayer leurs soins ou se déporter vers des hôpitaux publics.

Ces différences de tarifs et de pratiques ont conduit le ministre de la Santé publique, Waël Bou Faour, à mettre en place, en novembre 2014, un système de tarification censé refléter la qualité et la performance des hôpitaux. Ils sont désormais classés en trois catégories à partir d'une enquête de satisfaction et des services et soins proposés. « Même si ces récentes mesures vont avoir un impact positif sur le système de santé au Liban et améliorer le coût de l'accès à ses services pour les ménages, elles ne suffisent pas à restructurer le système », notent toutefois les auteurs de l'étude qui préconisent une accentuation de la promotion des médicaments génériques, une couverture médicale des personnes qui partent à la retraite ou perdent leur emploi, et plus généralement une stratégie nationale de soutien au secteur public de la santé.




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