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Économie - Tribune

Il faut revoir le contrat social libanais

Contrairement aux idées reçues, le Liban est bien un « État providentiel » (welfare state), au sens social du terme. Le secteur public, corps civil et militaire, est un « employeur universel » aux effectifs surabondants avec plus de 310 000 personnes, dont 90 000 retraités, qui émargent aux comptes de la nation. Avec une taille moyenne de 4,5 personnes par ménage, c'est un total de 1,4 million de Libanais, soit le tiers de la population, qui vivent des dividendes de l'État. C'est là un choix, inconscient peut-être, mais réel, d'une politique de protection sociale qui, par le biais du chômage déguisé pourvoyant à des postes fictifs, redistribue une partie de la richesse nationale, subvenant ainsi aux besoins de groupes sociaux et régionaux moins favorisés.
L'administration publique est aussi pléthorique qu'inefficiente, avec des institutions de réglementation, supervision et contrôle marginalisées, et des forces armées sous-équipées (un budget de défense largement alloué aux salaires et frais de fonctionnement plutôt qu'au matériel qui fait défaut à l'armée). Par ses lourds effectifs, la taille du secteur public excède largement les besoins et les normes de la bonne gestion, au détriment de la productivité et de l'efficacité institutionnelle. Le besoin de réformer le secteur – administration, entreprises publiques et enseignement – n'en est que plus pressant et appelle à une restructuration de fond de l'appareil étatique dont l'organigramme remonte aux années 1960. C'est la condition d'une refonte de la grille des salaires, aujourd'hui prématurée.

Le « contrat social » qui va du régime de retraite à la couverture médicale et au filet de protection des groupes précaires doit aussi être révisé. Les politiques en la matière peuvent être rationalisées et améliorées à des coûts parfaitement tolérables. En effet, seuls aujourd'hui les employés du secteur public – soit 20 % des salariés – et les membres de certains ordres professionnels (ingénieurs, médecins, avocats) qui cotisent à leur propre régime de retraite, bénéficient, à la fin de leur vie active, d'une retraite mensuelle et de l'assurance médicale. Les prestations sociales pour les employés du secteur privé formel sont différentes puisque ceux-ci, au moment de faire valoir leurs droits à la retraite, reçoivent une « indemnité de fin de service » sous forme d'un paiement unique, « solde de tout compte » calculé sur la base du salaire et du nombre d'années de service. Comble de l'injustice sociale, ils perdent leur assurance médicale en arrivant à l'âge de la retraite. Trois mesures de réforme doivent être entreprises :

D'abord, convertir le système actuel d'indemnité de fin de service dans le secteur privé en retraite mensuelle à vie, ce qui peut être facilement introduit aujourd'hui compte tenu de la pyramide favorable des âges avec 25 employés actifs cotisant à la caisse de retraite, pour un retraité en 2025 (bien sûr le vieillissement de la population, à terme, altérera ce ratio à la baisse pour tomber à 2,5 en 2050 et 1 en 2100). En plus, les avoirs actuels, et la croissance anticipée, du fonds de la sécurité sociale donnent une marge de couverture confortable à la politique de conversion proposée.

Ensuite, instaurer une couverture médicale universelle pour inclure les deux millions de Libanais, soit la moitié des citoyens résidents, à présent exclus du système. Le coût, à la marge, d'une telle mesure serait parfaitement tolérable par le budget et ne dépasserait pas 1,5 % du PIB – un prix insignifiant à payer pour l'une des réformes les plus radicales de la politique sociale. (Pour comparaison, en 2014, la subvention à EDL a dépassé 4 % du PIB.)

Une troisième réforme pour une politique plus juste du point de vue social et fiscal porterait sur la révision des subventions généralisées de certains denrées et services publics (eau, électricité), qui profitent dans une plus large mesure aux classes nanties qu'aux couches pauvres compte tenu de leur consommation modeste. La subvention universelle devrait être remplacée par une assistance ciblant plus directement les groupes démunis et marginalisés (personnes âgées, chômeurs chroniques, handicapés,...) en fonction de leurs besoins, par exemple médicaments aux personnes âgées, frais scolaires aux familles avec enfants,....

*Conseiller économique de l'ancien Premier ministre Nagib Mikati et ancien spécialiste des infrastructures à la Banque mondiale.

Contrairement aux idées reçues, le Liban est bien un « État providentiel » (welfare state), au sens social du terme. Le secteur public, corps civil et militaire, est un « employeur universel » aux effectifs surabondants avec plus de 310 000 personnes, dont 90 000 retraités, qui émargent aux comptes de la nation. Avec une taille moyenne de 4,5 personnes par ménage, c'est un total...

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