Ils étaient au moins trois hier, deux députés et un ministre, tous trois issus des rangs du 8 Mars, à juger que l'émissaire français en charge de la « facilitation » de la tenue de l'élection présidentielle au Liban – c'est le terme diplomatique utilisé – n'a apporté cette fois-ci aucune idée nouvelle avec lui.
Jean-François Girault, directeur du département d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient au Quai d'Orsay, qui « ne mène pas de médiation entre les partenaires chrétiens, n'a guère exposé de nouvelles idées, se contentant simplement de rapporter celles qu'il a entendues de la part de chacun de ses interlocuteurs », a déclaré à la MTV le ministre de la Culture, Raymond Araiji, un proche du chef des Marada, Sleimane Frangié.
M. Frangié était mercredi soir la dernière personnalité qu'a rencontrée M. Girault avant d'achever sa mission et de quitter le Liban. L'entretien s'est déroulé en présence de M. Araiji.
De son côté, le député Farid Élias el-Khazen (Kesrouan), proche des milieux aounistes, a affirmé à l'agence al-Markaziya que l'émissaire français a effectué une visite d'information et que rien de nouveau n'a été enregistré entre son premier séjour au Liban, en décembre, et cette seconde visite.
Enfin, Kamel Rifaï, député de Baalbeck-Hermel et membre du bloc du Hezbollah, a été encore plus précis en déclarant à la radio al-Fajr que « la tournée de l'émissaire français n'a apporté rien de nouveau au sujet du dossier présidentiel ».
Il convient de rappeler que dans le cadre de sa tournée sur les dirigeants du pays et les personnalités politiques, M. Girault avait rencontré le responsable des relations internationales au sein du Hezbollah, Ammar Moussaoui.
(Lire aussi : Portraits et slogans politiques disparaissent enfin des rues, le Liban respire...)
Que faut-il comprendre de ces commentaires au lendemain de la mission de l'émissaire français ? Que ce dernier n'a effectivement rien dit, se contentant d'écouter ses interlocuteurs et de transmettre aux uns ce que pensent les autres ? Ou bien que ce qu'il a dit aura déplu à quelques-uns, au point de les amener à prétendre qu'il n'a rien dit ?
Le fait que les commentaires sur « l'absence de nouveauté » dans la mission de l'émissaire de Paris émanent de personnalités du même bord politique en dit long, peut-être, sur la façon dont le camp politique en question envisage le dossier de la présidentielle et le rôle qu'y tient la France.
On sait ainsi que dans ses négociations sur le nucléaire avec la communauté internationale, l'Iran – qui reste la puissance de référence pour le camp politique désigné – cherche davantage à faire les yeux doux à Washington qu'à Paris, d'abord parce que Téhéran estime que les États-Unis sont plus à même que la France de lui donner ce qu'il veut (ou une partie de ce qu'il veut) dans la région, et ensuite parce que dans les pourparlers en cours, la diplomatie française se montre nettement plus rude que l'américaine face à l'Iran.
De là à penser que d'aucuns au Liban ne souhaitent pas vraiment que la France puisse tirer les marrons du feu en réussissant dans ses efforts en vue de faciliter la tenue de la présidentielle, il n'y a qu'un pas que tout le monde est instamment prié de franchir. Et ce d'autant plus que, s'il faut en croire plusieurs sources concordantes, M. Girault est venu au Liban dire quelque chose, et c'est quelque chose de grave et de très important.
Ainsi que l'a rapporté à la Markaziya l'un des responsables politiques avec lesquels s'est entretenu l'émissaire français, ce dernier a prévenu qu'il voyait rien de moins qu'un grand péril planer sur le Liban à la lumière de l'incapacité des chrétiens à tenir leur rôle fondamental dans le pays.
(Lire aussi : De Beyrouth à Amman, en passant par Kuneitra, Chebaa et Damas)
Il semble bien que M. Girault ait porté lors de ses entretiens un regard très sévère, mais ô combien lucide, sur la prestation de la classe politique libanaise dans son ensemble et chrétienne en particulier en ce qui a trait à un dossier aussi vital que celui de la présidence de la République.
Il est allé jusqu'à se dire stupéfait de voir les responsables concernés se mettre à l'unisson dès lors qu'il s'agit de questions de la vie quotidienne dont il est impensable de comparer l'importance à celle, cruciale, de l'échéance présidentielle, pendant que sur les sujets nationaux les plus délicats, ils dressent des barricades entre eux et se rangent en bloc derrière des décideurs extérieurs. Ce faisant, ils lient le sort de leur patrie à des intérêts régionaux et internationaux aussi éloignés que possible de leur intérêt national.
Et l'émissaire d'entrer, semble-t-il, dans les détails, jugeant très sévèrement la façon dont les chrétiens démissionnent de leur rôle primordial au Liban pour se distraire tantôt par le remblaiement d'un bassin du port, tantôt par la fermeture d'une décharge d'ordures.
Tout cela, pense-t-il, ne pourrait qu'avoir des retombées négatives sur leur sort et sur celui de la présidence de la République en particulier.
Voilà où l'on en est à ce stade. On peut certes, comme le fait le député Farid el-Khazen, estimer que les dialogues en cours sont « bien plus importants » que la visite de M. Girault ou d'autres... Peut-être, à condition toutefois que l'objectif ne se résume pas, chez certain candidat, à rallier son interlocuteur à sa candidature.
Jean-François Girault, directeur du département d'Afrique du...
commentaires (8)
Le Liban n'a pas beaucoup d'amis en dehors de la France. (Jean-Marc de la Sablière, ambassadeur de France°. Jean-François Girault est venu exprimer les voeux de la "Tendre mère" envers le Liban. Mais devant un Tartarin qui susurre sa rengaine "Moi, ou personne" rien ne sert de siffler !
Un Libanais
15 h 17, le 06 février 2015