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Lifestyle - F(r)ictions

No Smoking (épisode 9)

Je suis affalé dans mon fauteuil et Liliane est en face de moi. En jupe courte, assise sur sa chaise. Mes yeux sont rivés sur ses interminables jambes. Ses paumes moites écrasent le bois des accoudoirs, elle étire sa nuque de droite à gauche et de gauche à droite, la tête tournée vers le plafond. Le ventilateur rôde au-dessus d'elle comme un vautour alléché par sa proie. J'avoue avoir eu de la chance qu'elle soit mon ange gardien, ma Secret Santa, pendant cette période de fêtes. Elle n'en avait que faire de la politique non fumeur des locaux de la boîte dans laquelle nous travaillons – elle savait esquiver les détecteurs d'incendie. Et Liliane a été très généreuse. Pendant toute une semaine, elle m'a comblé de cadeaux à des moments imprévus de chaque journée. Cachés partout : sous mon bureau, dans un tiroir, dans l'ascenseur, dans ma voiture. Et j'étais ravi. Fou d'elle. Ce genre de gamines discrètes qui ne se font jamais remarquer au début. Timides. Qui se cachent derrière leurs copines plus aguicheuses, plus grosses gueules, parfois plus jolies, peut-être. Ce genre de gamines qui ne font jamais le premier pas, qui ne te lancent pas de regards séducteurs, qui ne défilent pas devant ta porte à longueur de journée, assoiffées d'attention. Liliane, c'est le genre de fille qui prend son temps, suscite ta curiosité, te laisse doucement venir vers elle. Puis te dévore. Et te rend accro. Accro à elle. À ses étreintes divines qui m'emmènent vers le ciel. À ses petites lèvres pleines qui me collent à la peau. À son regard innocent qui s'enchâsse dans mes yeux. En contre-plongée. À son irrésistible manière de s'essuyer la bouche après chaque repas. À son clin d'œil envoûtant en guise d'à plus tard.


Je m'approche doucement pour déguster la petite. Le téléphone sonne et nous ramène à l'ordre. De l'autre côté du fil, Leila, ma patronne. Furieuse. À cause d'un client furieux. À cause d'une revue de presse un peu too much que j'ai rédigée il y a quelques jours, pendant que Zina grondait à ma fenêtre. Leila m'engueule et me traite d'irresponsable. D'ivrogne. De pervers. De mauvais goût. Me sermonne sur l'autocensure. Sur les limites de la décence. Qu'il y a des lignes à ne pas franchir. Que les femmes ont droit à leur jardin secret. Que la sacralité de l'acte sexuel est réelle. Que nous devons la conserver. Que nous devons la défendre contre un monde qui ne connaît plus de morale. Un monde virevoltant dans un chaos éthique sans précédent. Que nos valeurs orientales sont saintes. Que la retenue méditerranéenne est noble. Et un tas d'autres réprimandes auxquelles je ne fais plus attention. Avant de m'annoncer qu'elle quitterait le bureau plus tôt aujourd'hui, afin de participer à la manifestation de #jesuisCharlie pour la défense de la liberté d'expression. Elle ne me laisse pas le temps de réagir. Et raccroche.


Les genoux de Liliane s'impatientent. Me font signe d'avancer. Je tente de capter son regard, en vain. Sa tête est suspendue en arrière. Ses mains caressent mes cheveux. Je la saisis fermement par la taille. L'immobilise sur place. Et plonge, la tête la première.

 

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Je suis affalé dans mon fauteuil et Liliane est en face de moi. En jupe courte, assise sur sa chaise. Mes yeux sont rivés sur ses interminables jambes. Ses paumes moites écrasent le bois des accoudoirs, elle étire sa nuque de droite à gauche et de gauche à droite, la tête tournée vers le plafond. Le ventilateur rôde au-dessus d'elle comme un vautour alléché par sa proie....

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