« Le Parlement, gardien des lois et de la Constitution, s'est conduit avec une légèreté inconcevable. C'était du chantage planifié », a affirmé hier une source juridique, commentant l'arrêt du Conseil constitutionnel pris vendredi dernier, dans lequel elle a rejeté le recours en annulation de la loi de prorogation du mandat de la Chambre des députés. Pour la source citée, l'arrêt du CC possède une « force normative » dont l'utilité pour combattre le chantage et la mauvaise foi politique sera précieuse à l'avenir.
« À l'encontre du principe de prévisibilité de la loi, la loi de prorogation du mandat parlementaire a paru neuf jours avant l'expiration du mandat, a précisé la source citée, mettant ainsi toutes les instances, la société et le Conseil constitutionnel devant cette alternative : la prorogation ou l'extension du vide à la tête de l'État jusqu'au Parlement, puisque l'acceptation du recours aurait été, pratiquement parlant, un acte de dissolution de la Chambre! »
« Dans une telle situation, le principe de la continuité des institutions devait prévaloir, fût-ce pour une durée limitée, sur celui de la périodicité impérative des élections », a-t-il déduit.
Voie de fait
Les principes énoncés en conclusion des considérants sont formulés de façon fort explicite, absolue, sans ambages, avec la conclusion qui qualifie la prorogation de « fait accompli » (amr wâqi'), a repris la source.
« La force normative de la décision du Conseil constitutionnel à propos de la prorogation par les députés de leur mandat est inégalée, même dans les jurisprudences constitutionnelles les plus importantes », a-t-elle assuré. Si la loi de prorogation avait été votée avant quelques mois, la décision du Conseil constitutionnel aurait certainement été différente, a ajouté la source en question.
Une entorse préméditée
« Les circonstances exceptionnelles dont on se prévaut dans l'exposé des motifs sont considérées comme étendues et devant perdurer pour deux ans et sept mois ! Il ne s'agissait donc pas de circonstances subites, justifiant une prolongation au dernier moment ! Ce qui a été fait était prémédité », a expliqué la source citée. Et de souligner que « le Parlement a sciemment porté atteinte au principe élémentaire de prévisibilité de la loi », rappelant que « plus de cinq cents personnalités se sont déplacées au ministère de l'Intérieur pour faire acte de candidature aux législatives, pour qu'ensuite le mandat de la Chambre soit prorogé neuf jours avant la date limite d'expiration ! »
Pour l'observateur en question, les réactions à la décision fort explicite du Conseil constitutionnel révèlent au grand jour trois faits : le chantage planifié, la mauvaise foi et une carence culturelle du côté de la société civile.
« 1. Le chantage planifié : la prévisibilité de la loi implique que la loi de prorogation soit promulguée avant quelques mois. Quant aux circonstances exceptionnelles, elles ne sont pas subites et nul ne peut présumer qu'elles vont perdurer deux ans et sept mois, même s'il s'agit d'une guerre mondiale généralisée. Aucune allusion d'ailleurs ne figure dans l'exposé des motifs sur un moyen – un seul moyen – pour faire face à ces circonstances, sauf la passivité et l'expectative complice.
« 2. La mauvaise foi : l'inconstitutionnalité de la prorogation et de la prorogation prolongée est partout affirmée dans la décision du Conseil. Pourquoi donc la critique de la décision ? Réduisez la durée de la prorogation, hâtez sans délai l'élection à la tête de l'État, ne sabotez pas le quorum à l'Assemblée ! Mais si vous voulez introduire le Liban dans un processus constituant épuisé et sursaturé en étendant la vacuité de la tête de l'État au Parlement et, ce qui est aisé, au gouvernement provisoire, cela est un autre problème. Que voulez-vous ?
« 3. La carence culturelle du côté de certaines instances de la société civile : on dirait que nombre d'organisations qui militent pour la paix civile et l'État de droit n'ont pas appris que la guerre intérieure ou civile se déclenche quand s'installe la vacuité institutionnelle ! La décision du Conseil constitutionnel leur offre l'argumentation la plus solide, la plus légitime, pour mettre fin à un processus de chantage et de démagogie. »
F. N.