« L'Amérique et les colonialistes d'Europe n'ont pas réussi, malgré tous leurs efforts, à mettre notre pays à genoux et ils ne pourront jamais le faire. » Non mais, vous vous attendiez à quoi de la part de l'ayatollah Ali Khamenei après le semi-échec ou semi-succès des négociations de Vienne sur le programme nucléaire iranien ? Satisfait de cette caresse dans le sens du poil, le bon peuple de Téhéran s'est tourné vers le Majlis où les orateurs ont fait assaut d'éloquence pour dénoncer le « sabotage » yankee, soutenus par les cris de « Mort à l'Amérique » scandés par les députés.
Pendant ce temps, les deux principaux négociateurs optaient pour de ronronnants euphémismes. Rohani : « C'est vrai qu'il n'y a pas eu d'accord, mais nous venons d'accomplir des pas de géant. » Kerry : « Il y a eu des progrès substantiels mais d'importants points de désaccord subsistent. » Et les officiels dans les deux camps de se retrouver pour constater que « l'écart, loin de se creuser, s'amenuise ». Une longue, bien longue année pour en arriver à cet étique et vague résultat... Question : combien de décennies faudra-t-il encore pour que le fossé cesse d'être infranchissable ?
Mais ne soyons pas mauvais joueurs et applaudissons au non-événement intervenu dans la capitale autrichienne. On nous a fait craindre une guerre en cas d'échec. Nous avons eu droit à une photo-souvenir attendrissante, reflet de retrouvailles entre gens de bonne compagnie et qui viennent de s'octroyer une rallonge – décidément, c'est la mode – de sept mois. Il y a lieu, à ce propos, de s'interroger sur le miracle qui pourrait se produire dans ce laps de temps, que l'on aura vainement attendu une année durant.
En essayant de simplifier une conjoncture plus complexe qu'il n'y paraît, disons que les divergences portent sur trois points essentiels : 1) la quantité et la qualité de l'uranium que l'Iran pourrait être autorisée à enrichir ; 2) la rapidité à laquelle seront levées les sanctions ; 3) les tests entrepris épisodiquement, jusqu'à présent inexpliqués, qui pourraient être liés au programme de la République islamique. Sur ce dernier point, le principal négociateur iranien, Mohammad Javad Zarif, a déjà rappelé la position de son pays : nos travaux sur le nucléaire ne constituent pas un problème et nous avons dit à plus d'une reprise que notre suprême ambition n'est pas de posséder l'arme suprême. Concernant le premier point, la Russie a proposé de procéder chez elle à l'enrichissement de l'uranium, à un degré acceptable par les deux parties. La question du nombre de centrifugeuses pose problème, les 5+1 (les membres permanents du Conseil de sécurité ainsi que l'Allemagne) insistant pour que le total de 10 000 soit « considérablement » réduit.
Reste le thème, majeur lui aussi, des mesures frappant l'économie, dont Téhéran exige la levée totale. Il n'en sera rien, mais le régime des mollahs continuera jusqu'en mars prochain d'avoir accès mensuellement à 700 millions de dollars puisés dans les fonds bloqués en Occident. Depuis 2006, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté six résolutions enjoignant à Téhéran (sanctions à l'appui) d'arrêter tout procédé d'enrichissement d'uranium. Des décisions qui, couplées à la chute continue des cours du pétrole, sont en train de pomper les dernières gouttes de sang dans le corps économique de la nation.
Sur l'efficacité de ces dernières dispositions, les opinions demeurent néanmoins partagées. Au Sénat US, les faucons John McCain, Lindsay Graham et Kelly Ayotte mènent campagne pour resserrer encore la corde autour du cou des Iraniens. À l'opposé, des voix s'élèvent pour faire valoir qu'une telle sévérité aurait l'effet d'un coup de fouet sur le sentiment patriotique du peuple et représenterait un cadeau inespéré au bloc des anti-accord, soit l'immense majorité des hommes de religion et les gardiens de la révolution qui n'attendent que cela pour porter le coup de grâce au pouvoir déjà chancelant du modéré Rohani.
Ce que personne ne se hasarde à dire à haute voix au lendemain du rendez-vous de Vienne, c'est que l'autre terme de l'alternative, une guerre, personne n'en veut. Pensez donc,même Benjamin Netanyahu, l'homme à la tête d'un « réservoir » de 200 bombes, a cessé de crier au loup.
Révélé par le New York Times*, le Pentagone a élaboré un plan nucléaire dont la facture laisse rêveur : un ou deux milliards de dollars annuellement, en plus de 15 à 16 milliards par an sur une période de cinq ans. Oui, mais voilà : les États-Unis sont menacés, eux, dit l'auteur de cette trouvaille.
* « America must not neglect its nuke », par Elbridge Colby, un ancien du département de la Défense – Le « New York Times » du mercredi 26 novembre 2014.
commentaires (3)
On se croirait en 90, lors des derniers simulacres de pourparlers entre James Baker et Tarek Aziz avant que l'Irak ne soit attaqué ! L'Iran de ces mollâhs Per(s)cés subira malheureusement le même sort en fin de compte, sauf si la jeunesse iranienne éclairée les déboulonne avant à ces mollâhs fanatiques, rétrogrades et racistes.
ANTOINE-SERGE KARAMAOUN
15 h 25, le 27 novembre 2014