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Moyen Orient et Monde

« L’ange de Kobané » : l’autopsie d’une rumeur...

Sur Twitter, l'"ange de Kobané" est devenue virale.

D'elle, on connait ses surnoms, « Rehana », ou « l'ange de Kobané ». On connaît aussi son visage, qui a fait le tour du monde. On sait qu'elle est syrienne. À partir de ces éléments, une histoire est née, qui a évolué, changé, gonflé... De simple volontaire d'un groupe de protection local, Rehana est devenue victime, décapitée par les jihadistes du groupe État islamique, avant de ressusciter sous la forme d'une tueuse de jihadistes, d'un symbole de la résistance contre l'EI à Kobané, troisième ville kurde de Syrie.

 

Tout commence avec une photo de la jeune femme en treillis, l'arme au pied et faisant le V de la victoire, postée le 23 août sur un blog prokurde, « Bijikurdistan ». La jeune femme est présentée comme étant membre des YPG (Unités de protection du peuple kurde), la branche armée du PYD, principal parti kurde de Syrie. Trois jours plus tard, un blogueur indien, Pawan Durani, décide de rendre hommage à celle qu'il baptise « Rehana ». Selon lui, la jeune femme a tué 100 jihadistes de l'EI.

 

 

« Retweetez et rendez-la célèbre pour sa bravoure », écrit-il. Plus de 5 000 personnes le feront. Un mythe est né.


Dès le lendemain, l'histoire est reprise par plusieurs médias, dont l'International Business Times qui fait de « Rehana » « l'héroïne de Kobané ». La rumeur de sa décapitation arrive en Europe avec le tabloïd britannique Daily Mail, selon qui "Rehana" aurait combattu dans les rangs de YPJ, branche féminine du YPG. Puis le Daily Mirror, également britannique, dément son décès, soulignant que selon "un journaliste kurde" "Rehana" est bien vivante. Ce journaliste kurde n'est autre que le bloggeur indien...

 

Alors que la rumeur ne cesse de gonfler, un journaliste suédois, Carl Drott, qui s'est rendu à de multiples reprises dans les régions kurdes de Syrie, entre en scène. « Arrêtez les rumeurs. Je l'ai rencontrée à Kobané en août, elle ne fait pas partie des YPJ et il ne s'agit pas de la femme décapitée », twitte-t-il. « Cette femme est une volontaire dans ce que j'appelle l'unité des gardiens de maisons. Il y a toujours eu des volontaires qui aident les YPG (armée) et Asayish (police) dans les régions kurdes autonomes en Syrie », explique Carl Drott à L'Orient-Le Jour.

 

 

Carl Drott, qui indique ne pas connaître le véritable nom de « Rehana », affirme l'avoir rencontrée le 22 août à Kobané, lors d'une cérémonie où il était le seul journaliste international présent. « Elle m'a dit qu'elle a étudié le droit à Alep et que l'EI a tué son père, dit-il. Je voulais l'interviewer après la cérémonie », précise-t-il. Pris par d'autres interviews, il ne réussira pas à le faire et ne la retrouvera pas. La photo qui fait le tour du web a été, selon Carl Drott, prise lors de cette cérémonie. Il affirme que c'est le blogueur indien qui a lancé la rumeur selon laquelle elle aurait tué 100 jihadistes. « Cette fausse histoire est certainement un élément de la propagande prokurde, mais elle n'a pas été lancée par des militants kurdes », estime-t-il.

 

Avant "Rehana" deux autre femmes avaient fait la une des journaux dans la bataille de Kobané. Le 5 octobre, la combattante kurde Dilar Gencxemis, identifiée par son mouvement sous le nom de guerre d'Arin Mirkan, s'est donnée la mort en provoquant celle de "dizaines" de jihadistes aux abords de Kobané. Elle est la première kamikaze kurde recensée depuis le début de la guerre civile en Syrie en mars 2011. Quelques jours plus tard, une ONG et des militants rapportaient que Mayssa Abdo, mieux connue par son pseudonyme Narine Afrine, était aux avants-postes de la bataille de Kobané contre l'EI.

La présence de femmes parmi les forces kurdes n'est pas un phénomène nouveau. Dès les années 90, ces combattantes ont connu une notoriété mondiale, notamment en menant des opérations suicide.

D'elle, on connait ses surnoms, « Rehana », ou « l'ange de Kobané ». On connaît aussi son visage, qui a fait le tour du monde. On sait qu'elle est syrienne. À partir de ces éléments, une histoire est née, qui a évolué, changé, gonflé... De simple volontaire d'un groupe de protection local, Rehana est devenue victime, décapitée par les jihadistes du groupe État islamique,...

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