Depuis des années, la rivalité entre ces deux hommes rythme le quotidien du Hezbollah. Discrètement, sans déborder. Un peu comme ce qui se passe en Iran, au cœur de l'Assemblée des experts. Mais au sein de la wilayet el-faqih, la discipline, le sens de la hiérarchie, l'obéissance au guide suprême, certes élu, sont à peine moins strictes que les règles qui ligotent et bâillonnent l'appareil étatique nord-coréen. Alors, Naïm Qassem se tient à carreau et fait en sorte de ne pas oublier qu'il n'est que le numéro deux. Que le secrétaire général du Hezbollah, peut-être moins redoutable parce que plus souple, moins idéologue fanatique, mais sûrement plus charismatique que lui, c'est encore Hassan Nasrallah. Ce qui ne l'empêche pas de fantasmer quelque pu-putsch à Téhéran, une gentille circonvolution de sérail, une retraite anticipée du sayyed, quelque chose, peu importe, qui le propulserait enfin à ce poste auquel il continue de rêver et qu'il estime devoir être, naturellement, le sien. En attendant, et pendant que M. Nasrallah s'offre les foules et les caméras de télévision, ou qu'il s'en va gambader aux confins de la Békaa pour remonter le moral, nécessairement fatigué, de ses troupes, mercenaires en Syrie, milice paramilitaire au Liban, Naïm Qassem fait de la politique. Et de la belle manière : en recevant l'envoyé spécial des Nations unies pour la Syrie, Staffan de Mistura – un privilège que n'ont pas obtenu, ou que n'ont même pas demandé, Kofi Annan et Lakhdar Brahimi, les prédécesseurs du très courtois et très rusé diplomate italo-suédois.
Cela, c'est pour la forme. Mais quand il le veut bien, Naïm Qassem sait aussi (particulièrement) soigner le fond. Et jeter sa petite bombinette, mine de rien : Seule une solution politique peut sauver la Syrie et son peuple, et tout le monde devra faire des concessions douloureuses pour y parvenir. Tout le monde ? Le 14 Mars d'abord et avant tout ? Michel Aoun ? Le croissant chiite aussi ? Un éventuel départ de Bachar el-Assad est déjà en discussions dans les dédales de Téhéran et dans les chocolateries de Vienne, entre deux rounds sur le nucléaire iranien ? À qui s'adresse, au-delà de Staffan de Mistura, Naïm Qassem ? Sa hiérarchie était-elle au courant de son diagnostic ? Rien n'est moins sûr : le lendemain de ce lâchage des eaux, le même Naïm Qassem revient sous les projecteurs – et il n'a pas l'habitude de les solliciter à moins de 24 heures d'intervalle : La situation régionale est difficile et compliquée ; aucune solution n'y sera possible avant des années, a-t-il prédit, résumant encore une fois sa masterclass avec ce tonitruant Tout le monde devra faire des concessions.
À quoi joue le Hezbollah ? Non content d'être le seul bénéficiaire, pour l'instant, de tout le magma Daech; non content de poser en garde-fou contre la barbarie du fondamentalisme sunnite, voilà ce parti qui s'auto-érige en Concile des sages à lui tout seul. Alors que c'est à son obédience iranienne absolue et à son inconscience totale : son implication en Syrie, que l'on doit un immense pourcentage du déferlement takfiriste au Liban. Alors que c'est à son TOC aventuriste que l'on a failli retomber, la semaine dernière, dans les affres de juillet 2006. Alors que c'est à son obstination à vampiriser chaque rouage de l'État libanais que l'on doit cette effarante paralysie institutionnelle visiblement pérenne.
Le conseil d'ami et ces espèces de prédictions extralucides de Naïm Qassem ressemblent à s'y méprendre à une véritable mise en garde. À une menace à peine voilée. En 2008, il a fallu le blitzkrieg du Hezb contre Beyrouth et la Montagne pour accoucher, à Doha, d'un président de la République. De Michel Sleiman – que le parti chiite pensait, à l'époque, contrôler et télécommander durant tout son mandat, et même au-delà. Que prépare le Hezbollah pour 2015, ou même pour Noël 2014 ?
Liban - En dents de scie
Naïm Qassem et les 7 boules de cristal
OLJ / Par Ziyad MAKHOUL, le 18 octobre 2014 à 00h00
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IL Y VOIT : LES SEPT CIEUX... LES SEPT DIVINITÉS... LES SEPT BEAUTÉS... LES SEPT OCÉANS... LES SEPT TERRES... LES SEPT MONTAGNES... ET : UN ABYSSE !
LA LIBRE EXPRESSION
16 h 28, le 20 octobre 2014