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Moyen Orient et Monde - Le point

« Agiter le peuple avant de s’en servir » *

Ne remontons pas ab ovo si nous voulons éviter d'évoquer le premier précédent de l'histoire, celui d'Abel et de Caïn, le premier ayant sans doute eu à souffrir des brimades de son frère avant d'être trucidé par celui-ci. Mais avouons tout de même que des siècles d'exactions, de brimades et d'abus en tout genre finissent par déboucher au mieux sur des révoltes, au pire sur des guerres civiles, ou plutôt inciviles, comme celles que nous observons dans notre monde dit arabe. Des mouvements entamés par des jeunes rêvant liberté et démocratie, poursuivis par des semi-professionnels de la politique et débouchant désormais sur les bains de sang dans lesquels tout ce (pas si) beau monde patauge allégrement. À croire que les guerriers disputent aux péripatéticiennes le discutable privilège d'exercer le plus vieux métier du monde.


Sur la marmite arabe où bout un peu ragoûtant brouet, d'autres que nous, incollables dans l'art hautement pointu de la politologie, se sont penchés sur le sujet pour conclure que la religion, l'exercice du pouvoir, le tracé des frontières, les pâturages plus abondants ici que là, le besoin irrépressible chez l'être humain de faire étalage de ses muscles ou simplement la température ambiante (SVP biffez les mentions inutiles) est/sont le(s) grand(s) responsable(s) du désordre régional actuel. Sans douter est-il plus impressionnant de parler de rhinopharyngite que de rhume.


Et pourtant... Comme si la nature, en sa douteuse sagesse, avait semé dans le cœur des hommes les germes de la discorde, ce sont les divergences qui mènent le monde « parce que c'est bon pour lui », a décrété il y a longtemps Emmanuel Kant. Les réactions en chaîne dont nous sommes les témoins, un peu trop vite baptisées « printemps arabe », ne sont que la conséquence inéluctable des épreuves subies au fil des âges. L'oppression, nous disait-on, finit toujours par enfanter la révolution. Et les révolutions débouchent sur une gamme infinie de conflits.


Ainsi, longtemps les Kurdes ont représenté deux siècles durant la parfaite illustration de cet irrédentisme mis à l'honneur au XIXe siècle. « La plus grande nation sans État », selon la formule d'Olivier Piot et Julien Goldstein**, est constituée d'une quarantaine de millions d'êtres disséminés à travers la Syrie, l'Irak, la Turquie et l'Iran, soit un territoire de 520 000 kilomètres carrés (superficie de la France métropolitaine : 552 000 kilomètres carrés), jadis compartimenté par les Anglais et les Français, alors même qu'une patrie avait été prévue à leur intention par le traité de Sèvres. Le groupe a connu des heures de gloire, des vicissitudes aussi. Contre eux, Saddam Hussein a eu recours à l'aviation, à l'artillerie et aux gaz ; les Turcs s'en sont pris aux partis censés les représenter, mais aussi à leurs combattants pour la liberté ; Syriens et Iraniens ont vu en eux tantôt des alliés dans l'interminable bras de fer avec Ankara et tantôt des ennemis qu'il convenait de pourchasser. Aujourd'hui, c'est au tour de Daech de les harceler au pays du Cham, avec les résultats qu'on connaît.


À partir du Djebel syrien, les alaouites n'ont jamais cessé de se battre contre l'occupant et contre une nature inhospitalière, cause d'un sous-développement qui les poussait à s'enrôler dans les rangs de l'armée. C'est d'ailleurs par le biais de l'institution militaire que Hafez el-Assad devait assurer son emprise sur la Syrie à partir de 1970 et jusqu'au jour où, lassé de les voir se venger – à leur manière – des abus dont longtemps ils avaient été victimes, de la corruption dont profitaient leurs coreligionnaires, des atteintes aux libertés, des brimades, le peuple s'est soulevé dans un vaste élan qui, il y a tout lieu de le craindre, se poursuivra longtemps encore.


Comme un simple hoquet peut modifier le cours de l'histoire et un grain de sable enrayer une machine, le Proche-Orient vit actuellement les heures les plus sombres de son existence, marquée périodiquement par des soubresauts sanglants entre sunnites et chiites. Faux prétextes ou raisons justifiées? On n'en est plus là, maintenant que le loup des guerres de religions est sorti du bois. Point n'est besoin d'invoquer le souvenir des ilotes grecs ou de Spartacus pour comprendre qu'il suffit de peu de chose pour transformer un vassal en tyran et que, pour se présenter en seul détenteur de la vérité, on a juste besoin de brandir l'étendard religieux, politique ou socioéconomique.
Maistre Blaise Pascal, rappelez-leur donc l'indispensable rôle des Pyrénées.

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* Citation attribuée à Talleyrand.

** « Kurdistan, la colère d'un peuple sans droits », texte d'Olivier Piot, photographies de Julien Goldstein, éd. Les Petits Matins, 2012, 256 pages.

Ne remontons pas ab ovo si nous voulons éviter d'évoquer le premier précédent de l'histoire, celui d'Abel et de Caïn, le premier ayant sans doute eu à souffrir des brimades de son frère avant d'être trucidé par celui-ci. Mais avouons tout de même que des siècles d'exactions, de brimades et d'abus en tout genre finissent par déboucher au mieux sur des révoltes, au pire sur des guerres...

commentaires (3)

PREND-ON LE PEUPLE POUR UNE BOUTEILLE DE BOISSON... POUR BIEN L'AGITER ?

LA LIBRE EXPRESSION

19 h 39, le 09 octobre 2014

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Commentaires (3)

  • PREND-ON LE PEUPLE POUR UNE BOUTEILLE DE BOISSON... POUR BIEN L'AGITER ?

    LA LIBRE EXPRESSION

    19 h 39, le 09 octobre 2014

  • IL FAUT PLUTÔT PARLER D'UNE VAGUE D'ABRUTISSEMENT DE MILLE RICHTER SUR L'ÉCHELLE DE L'HÉBÉTUDE INNÉE... GRADUÉE À CENT RICHTER... LES BORNES SONT DÉPASSÉES... ILS NAVIGUENT DANS L'ESPACE SIDÉRAL DE L'ABRUTISSEMENT... Où LES TÊTES D'EN HAUT ET D'EN BAS SE RENVERSENT !

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 57, le 09 octobre 2014

  • Un ecrivain celebre avait dit :"l'Afrique est mal partie" , je pense que le monde arabo musulman est celui qui est le plus mal parti. Tous les pretextes du genre dictature, manque de democratie agites par l'occident ne sauraient cacher que l'immixion dans nos affaires n'ont jamais apporte du bien a nos societes ou a nos traditions , le meilleur etait de nous dire de les copier ( assimilation) et le pire etait de couvrir la serie de dictateur qu'ils ont encourage et soutenu autant que ceux ci roulaient pour eux , jusqu'aux jours ou .....et on le remplacait par un autre et ainsi de suite . Sans oublier un etat chancre cree en 48 a la suite de genocide et pogroms pratiques chez eux .En fait cet etat usurpateur et chancre n'etant la que pour continuer a nous asservir , nous Moyen orientaux . Les kurdes sont a l'heure actuelle la preuve d'une distorsion de plus qui saute aux visages des turcs qui recoivent en cadeau de leur part , a choisir entre le mal kurde et la peste noire salafowahabite binsaoud . Les resitances aux politiques occicons Iran,Syrie , leur avaient bien dit que le retour de baton serait terrible si on ne fait pas son choix .Ca ne paye pas toujours de jouer a la pute .

    FRIK-A-FRAK

    09 h 44, le 09 octobre 2014

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