Rani Zakhem sous le signe des métamorphoses

C'est à Rome, au Complesso monumentale Santo Spirito in Sassia, que le couturier libanais Rani Zakhem a présenté sa collection haute couture pour l'automne-hiver 2014-2015, inspirée des différents moments de la vie d'une femme et de la manière dont elle se métamorphose, de l'aurore à la nuit et de la jeunesse à la maturité. Cette collection, partie d'un coup de cœur pour un tulle noir rebrodé de dentelle rouge, s'exprime dans un enchantement floral traduit par des effets audacieux de coupes et de textures, et sublimé par le raffinement des couleurs et des tissus.
La teinte de l'aurore, empruntée à un dernier nuage d'été rosi par les premières lueurs du soleil, reflète cette carnation particulière de la jeunesse que les peintres surnomment « cuisse de nymphe ». C'est précisément ce rose très pâle, très frais, très charnel que l'on retrouve dans les robes évoquant l'éclosion de la femme et son éveil à la sensualité. Le haut, travaillé en bustier ou plus couvrant avec manches et petit col Mao, toujours en dentelle florale, s'arrête au resserrement de la taille et retient une cascade de chiffon de soie qui retombe jusqu'à terre et ondule, pareille à l'écume d'un torrent.
Cette vigueur s'affermit au fil de la journée. Le rose se précise et la femme du matin s'exprime en fuchsia, couleur dominante du drapé plissé d'une robe longue évoquant les cariatides ou des orchidées en dentelle appliquées sur le tulle nude d'une minirobe.
Au soleil de midi, c'est une robe fourreau zénithale qui irradie, spectaculaire avec sa broderie kaléidoscopique et ses fleurs géométriques de cristaux et sequins dorés dont la réalisation a nécessité cinq mois de travail.
À la tombée du jour, c'est déjà une femme au meilleur de son épanouissement et au comble de la passion qu'illustre Rani Zakhem avec le flamboiement rouge et noir d'une robe de coupe sirène où se déploient des fleurs de dentelle parsemées sur un tulle floqué au laser et comme dévoré par un feu de plancher. Loin d'être crépusculaire, le soir est l'heure de la sensualité et des sortilèges. Une robe fourreau, aquatique et surréelle, brodée de pastilles argentées de tailles décroissantes, imite les miroitements de la lune. Ailleurs, un haut couvrant, en dentelle chantilly blanche, retient un jupon court et surdimensionné recouvert de touffes serrées de tulle, noires et blanches, dont le surprenant effet de texture évoque des fulgurances lumineuses dans l'obscurité de la nuit.
Une collection allégorique à travers laquelle Rani Zakhem illustre avec grâce les métamorphoses d'une femme, de la candeur à la passion, de l'éclosion à l'épanouissement, au rythme des cycles lumineux des jours et des saisons.