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Hommage à Émile Hanna Riachi

Lettre à mon papa
Alors, tu n'étais donc pas immortel ? Par quel magie, nous tous, ta femme, tes enfants, tes proches, le croyions-nous ? Hier, tu portais beau tes 87 ans. Tout juste rentré d'un voyage en Russie, tu passais de la salle d'opération à la salle de consultation ou affluaient encore par dizaine des malades qui ne croyaient qu'en toi, et de qui, pour la plupart, tu refusais d'encaisser des honoraires.
Depuis tout petit, et jusqu'à hier, aux quatre coins du Liban, je n'ai fait que rencontrer des gens qui te prennent pour un Dieu vivant qui a sauvé qui un père, qui une fille, par sa virtuosité et son talent médical.
Oui vraiment, être le fils d'Émile Riachi, c'était voir brusquement des visages inconnus s'éclairer, des salons les plus mondains aux villages les plus reculés.
Par quel magie as-tu marqué tant de monde ? Au téléphone, les voix s'étranglent de douleur et je me retrouve à consoler des gens qui m'appelaient pour me présenter leurs condoléances. De partout affluent les SMS et les e-mails interminables, de tous ceux qui tiennent à nous dire combien tu les avais marqués par ton charisme, ton honnêteté, ta joie de vivre. Roc, légende, sont les expressions qui reviennent le plus souvent. Ils viennent de ceux de ta génération, de la génération de tes enfants, de celle de tes petits-enfants.
On pourrait croire que ton charisme et ta présence étaient écrasants pour tes proches. Je peux témoigner du contraire. Tu avais une sagesse et une logique implacables qui guidaient nos vies. Tu nous guidais avec amour et bienveillance. Malgré tes colères légendaires et ta franchise parfois brutale, tu n'inspirais qu'amitié et respect. Tu disais à tous les choses comme elles étaient, parfois durement, mais la bassesse, la méchanceté, l'hypocrisie t'étaient étrangères.
Aujourd'hui, tu es un ange au ciel. La pureté de ton cœur et la droiture de tes actes dans ce monde t'ont surement ouvert les portes du paradis. Tu vas surement un peu embarrasser saint Pierre parce que tu vas animer l'endroit avec ta gouaille, ton humour, ta jovialité et ton entrain. Même les plus austères des saints du paradis se laisseront entraîner par ta soif de vie et de joie.
Mais nous, qui va désormais animer nos vies ? Qui va nous aimer ? Qui va nous guider ? Qui va nous soutenir ? Tu es parti si vite que ta perte est une douleur insupportable. Tu n'as pas eu le temps de nous dire tes dernières volontés mais ne t'inquiète pas papa, nous les connaissons : nous allons nous occuper d'Andrée, la passion de ta vie. Nous allons nous assurer qu'elle est heureuse et nous allons rester unis et fidèles aux principes et aux valeurs que tu nous a enseignés.
Adieu papa.

Jean RIACHI

* * *

Les adieux d'arcenciel à son médecin
Les murs d'arcenciel ne trembleront plus, Émile Riachi a raccroché définitivement sa blouse blanche. C'est désormais parmi les saints qu'il exercera sa voix, ils n'ont qu'à bien se tenir, comme se tenait la cohorte de médecins qui l'accompagnaient depuis bientôt quinze ans dans nos locaux.
Toute la superbe des jeunes praticiens s'évanouissait devant les exigences d'Émile. Ils devaient exercer l'art qu'il leur avait enseigné et n'attendre aucune rétribution. De l'art, ils en avaient, Émile était leur professeur. Mais autant que les os brisés, les morals défaits devaient obtenir les meilleurs soins. Au plus indigent, Émile redonnait sa dignité, au plus bégayant dans la vie, il l'écoutait le plus longtemps ; ensuite venait le moment du diagnostic et de la prescription des soins.
Celui qui sait et guérit n'a pas besoin de longues phrases, en quelques mots, tout en les bousculant, Émile disait aux patients ce qu'il y avait à faire.
Plus il était bref et incisif, plus ils en redemandaient, Émile leur redonnait confiance en excluant toute pitié ou mièvrerie, ils étaient là pour avoir le meilleur et ils l'obtenaient. Mais la médecine, c'est aussi des machines, de l'imagerie, des prothèses et ceux qu'Émile soignait chez nous, souvent, n'en avaient pas le premier centime. Maintenant, on peut le dire, parce que quand il était là, il nous menaçait de ses foudres si nous le dévoilions ; Émile quand il le fallait, payait tout, en silence. Et puis il savait que nous avions besoins d'autres spécialisations, d'autres médecins pour d'autres maux.
Ses collègues l'entendaient raconter dans les couloirs des hôpitaux combien il était heureux de nous aider, combien il nous remerciait de pouvoir servir ceux qui jamais n'auraient espéré le rencontrer. Et voici que ses collègues, de toutes les spécialités et les meilleurs, à leur tour venaient chez nous, pour faire comme lui.
Au revoir Émile.
Nous ne te donnons pas du professeur, parce que tu t'en moquais, tu partais d'un grand rire, alors puisque tu ne peux plus nous soigner, continuons à rire avec toi, tu nous as appris que la bonne humeur est le meilleur remède pour le corps et le service de l'autre, le meilleur pour l'âme.
Nous t'en remercions.

L'équipe d'arcenciel

Lettre à mon papaAlors, tu n'étais donc pas immortel ? Par quel magie, nous tous, ta femme, tes enfants, tes proches, le croyions-nous ? Hier, tu portais beau tes 87 ans. Tout juste rentré d'un voyage en Russie, tu passais de la salle d'opération à la salle de consultation ou affluaient encore par dizaine des malades qui ne croyaient qu'en toi, et de qui, pour la plupart, tu refusais...